Une réforme aux formes critiquées

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Par Sarah-Florence Benjamin
jeudi 30 janvier 2020
Une réforme aux formes critiquées
L’Université de Montréal et l’UQAM sont les seules institutions qui offrent une formation en enseignement de l’ECR. Crédits : Jacob Côté
L’Université de Montréal et l’UQAM sont les seules institutions qui offrent une formation en enseignement de l’ECR. Crédits : Jacob Côté
En janvier, le ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur Jean-François Roberge a annoncé la refonte complète du programme du cours d’éthique et culture religieuse. Cette réforme qui veut instaurer le nouveau cours d’ici deux ans inquiète la communauté universitaire et étudiante.

Après l’annonce de la réforme, des étudiants de l’UdeM et de l’UQAM ont monté le collectif Avenir ECR pour contester la réforme et sa mise en œuvre.

La porte-parole du collectif, Myriam Landreville, estime que les experts auraient dû être consultés avant l’annonce de la réforme du programme. « Le modifier comme ça, sans nous demander notre avis ni celui des enseignants spécialistes à l’université ou celui de l’association québécoise des enseignants d’ECR du Québec, on trouve ça insultant », explique celle qui est également étudiante au baccalauréat en enseignement de l’éthique et de la culture religieuse.

Le collectif compte écrire directement au ministre Roberge pour l’interpeler.

Une réforme expresse

Selon un communiqué* du Cabinet du ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur, le cours d’ECR, qui existe depuis plus de 10 ans, a besoin d’une révision en profondeur et d’une actualisation des contenus du programme. Le ministère a indiqué vouloir implanter le nouveau programme pour la rentrée scolaire 2022-2023.

« On ne sait pas sur quelle base scientifique le ministère s’est basé pour proposer cette réforme », déclare la professeure de didactique à l’UdeM Mireille Estivalèzes. Selon elle, penser implanter le nouveau programme d’ici 2022 est irréaliste. « On est en train de favoriser des processus qui vont mener à l’échec de cette réforme-là », dénonce-t-elle. La professeure explique cet empressement par une volonté électorale du gouvernement.

« Nous, c’est notre future carrière qui est en jeu », déclare Myriam, qui en est à sa quatrième année au baccalauréat. Le cours devant être réformé d’ici deux ans, l’étudiante s’inquiète de la vitesse à laquelle les formations pour enseigner cette matière vont devoir s’adapter. « On a de gros doutes quant à la qualité du matériel de formation qui pourra être produit en seulement deux ans, affirme-t-elle. Cela va nuire directement aux élèves. »

L’étudiante au baccalauréat en éthique et culture religieuse à l’UQAM, Julie Bédard, tient un discours nuancé. « Les acquis que je vais avoir ne seront pas perdus, mais ils ne seront plus aussi utiles », estime-t-elle. Elle se dit toutefois optimiste quant aux nouveaux thèmes mis en avant dans le sondage citoyen.

Une consultation citoyenne en ligne

Une consultation citoyenne en ligne ainsi que des forums réunissant experts et professionnels de l’éducation ont lieu jusqu’au 21 février dans le but d’établir un rapport, qui servira à l’élaboration du futur programme.

« Je trouve important de donner mon avis, en tant que personne qui a l’intention d’enseigner cette matière », ajoute Julie au sujet de cette consultation. Elle espère néanmoins que le gouvernement fera preuve de discernement quant aux résultats de ce sondage. « Est-ce que je pense que le contenu qui va être abordé devrait être ce qui a été nommé par le plus grand nombre ? Cela reste à voir », déclare-t-elle.

Mme Estivalèzes s’inquiète de la forme que prend cette consultation citoyenne. Elle cite notamment le manque d’information, la formulation de questions fermées et de réponses induites ainsi que le peu d’espace dédié aux commentaires nuancés comme entraves à une prise de décision juste et éclairée.

La religion écartée

Dans son communiqué, le Cabinet du ministre de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur propose une liste de dix thèmes soumis lors de la consultation. Parmi ceux-ci des sujets comme : l’écocitoyenneté, l’éducation à la sexualité ou le développement de soi et des relations interpersonnelles sont proposés. La religion est absente de cette liste.

La porte-parole d’Avenir ECR stipule que le collectif veut participer à la consultation pour défendre les acquis du programme actuel, notamment l’inclusion de la culture religieuse. « La plupart des grands enjeux contemporains peuvent être compris grâce à une connaissance des religions du monde », souligne-t-elle.

« On a l’impression que le ministère cède beaucoup à des effets de mode », avance Mme Estivalèzes. Elle pense notamment aux nouveaux thèmes proposés comme l’éducation à la sexualité et à la volonté de réduire la place de l’enseignement religieux dans la nouvelle mouture du cours.

La professeure est convaincue de la pertinence intellectuelle et humaine de l’enseignement religieux. Selon la professeure, ce cours permet l’ouverture aux autres et la réflexion sur de grandes questions existentielles. Elle annonce le dépôt prochain d’un mémoire institutionnel par l’UdeM, dans le cadre de la consultation publique.

* Cabinet du ministre de l’Éducation et de l’enseignement supérieur, 10/01/20 : Éthique et culture religieuse – Le ministre Jean-François Roberge annonce le début des consultations en vue d’une refonte du programme

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