Une passion miellée

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Par Guillaume Cyr
lundi 6 novembre 2017
Une passion miellée
Les ruches installées sur le campus de l’UdeM. (Photo : Jèsybèle Cyr)
Les ruches installées sur le campus de l’UdeM. (Photo : Jèsybèle Cyr)
Les universités québécoises se prennent d’engouement pour l’étude des sciences apicoles. Plusieurs d’entre elles se sont dotées de ruches, à l’instar de l’Université Laval (UL) en août dernier. Ces installations procurent de multiples bienfaits à leur communauté d’appartenance.
L’environnement, de plus en plus pollué par les pesticides, affecte le sort des abeilles.
Pierre Giovenazzo, Titulaire de la Chaire de leadership en enseignement (CLE) en sciences apicoles à l’UL

L’idée du rucher est venue au titulaire de la Chaire de leadership en enseignement (CLE) en sciences apicoles à l’UL, Pierre Giovenazzo, pour répondre à un besoin. « La chaire a pour but de cibler des domaines où il y a des besoins de formation, assure-t-il. C’est en lien avec les besoins de l’industrie. Il y avait des experts en apiculture auparavant, mais ils n’ont jamais été remplacés. »

Le professeur a été agréablement surpris de l’enthousiasme des étudiants concernant cette initiative. « Quand j’ai lancé le cours au mois de juin, en trois jours il était plein », se réjouit-il.

Des initiatives étudiantes

Ruche Campus est une initiative d’étudiants de l’Université de Sherbrooke (UdeS). L’étudiante au baccalauréat en écologie et responsable du comité de recherche au sein de cet organisme, Ève Courtois, explique les contours du projet. « C’est seulement la deuxième année que nous avons des ruches, rappelle-t-elle. On a seulement deux ruches. On a surtout choisi de miser sur ce qui est autour. » Des comités ont été mis en place pour faire de la sensibilisation auprès des jeunes dans les écoles primaires, de la recherche en écologie sur les pollinisateurs ou encore sur la conservation de la cire.

L’organisme n’est pas affilié à l’UdeS, mais il participe à des événements au cours desquels il sensibilise les étudiants aux enjeux concernant les abeilles. La production de miel reste secondaire pour eux. « On donne un pot à chaque membre qui a été actif dans l’année, dévoile Ève. Pour le reste, on va l’utiliser à des fins de sensibilisation, quand on fait des conférences ou quand on va dans des écoles. »

M. Giovenazzo affirme qu’il faut faire une nette différence entre la croissance de l’industrie apicole au Québec et celle des abeilles domestiques, qui sont actuellement en péril. « L’environnement, de plus en plus pollué par les pesticides, affecte le sort des abeilles », précise-t-il.

L’utilisation du miel

Le rucher pédagogique de l’UL a commencé ses récoltes en août dernier. Le professeur précise que son centre de recherche, animé par la volonté d’éduquer et d’alimenter, et le rucher ouvrent la porte à l’étude de plus de 20 000 abeilles en milieu urbain. Les étudiants, désireux de participer au projet, viennent de créer une association des étudiants en sciences apicoles de l’UL.

À l’UdeM, le miel produit par les ruches permet de fournir une source différente de sucre à la cafétéria, d’après la porte-parole de l’Université, Geneviève O’Meara. Avec l’installation en 2012 de jardins pollinisateurs par la coopérative Miel Montréal, qui pratique l’apiculture urbaine, les abeilles des ruches du campus produisent aujourd’hui au total 260 pots par année, comparativement à 600 pots en 2013. « La production de miel est nécessairement touchée par la diminution des colonies d’abeilles à l’échelle mondiale », précise Mme O’Meara.

Le projet est administré par P.A.U.S.E (Production agricole urbaine soutenable et écologique), qui a ensuite créé le groupe UdeMiel pour assurer cette production. Il a comme objectif d’approvisionner en partie les services alimentaires de l’UdeM. La plus grande partie de ce miel est actuellement vendue à Local local pour la préparation des repas.

Faire grandir le projet

Le centre de recherche de M. Giovenazzo négocie présentement avec la Confédération des associations des étudiants et étudiantes de l’UL (CADEUL) la réalisation d’un projet de grande envergure. « Nous voulons que tout le sucre dans le réseau alimentaire soit remplacé par le miel du centre de recherche qui appartient à l’Université Laval », précise-t-il.

M. Giovanezzo plaide toutefois que faire fonctionner le programme exige une certaine somme. « Pour démarrer une Chaire de leadership en enseignement (CLE), cela prend un bon montant d’argent, en fait 65 000 dollars par année, analyse-t-il. La chaire est financée par la fédération des agriculteurs, notre association et le Syndicat des producteurs de bleuets du Québec. » Il explique que ceux-ci ont nécessairement besoin des abeilles afin de polliniser leurs champs. Sans ces partenariats, il serait difficile d’administrer un programme en sciences apicoles.

Les colonies d’abeilles diminuent depuis plusieurs années. Une des causes serait l’utilisation printanière d’insecticides, très nocifs pour les abeilles. Comme Pierre Giovenazzo, Santé Canada reconnaît l’implication des pesticides dans le déclin des abeilles. Le Québec aussi est touché et a perdu en moyenne plus de 25 % de ses abeilles depuis 15 ans*.

Ève Courtois rappelle que ce type d’initiatives ne va pas régler le problème de l’extinction des abeilles. Pour elle, il faut surtout sensibiliser la population, notamment sur la situation des abeilles indigènes, dont font parties les bourdons et les guêpes, aussi importantes pour nos écosystèmes que les abeilles domestiques.

* Source : ICI Radio-Canada, La semaine verte, février 2015, « Le péril des abeilles ».