Une image pour mille matières

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Par Etienne Galarneau
mercredi 17 janvier 2018
Une image pour mille matières
Le Centre de diffusion et de formation didactique du français de l’UdeM (CDFDF) propose une formation le 20 janvier prochain, qui mise sur l’utilisation des œuvres du peintre Jean-Paul Riopelle comme outil pédagogique. Cette technique interdisciplinaire se taille une place dans le cursus des jeunes Québécois.

La formatrice responsable de l’atelier, Marie Barguirdjian, y présente le contenu de son livre Riopelle, l’artiste magicien, paru en octobre dernier. « Avec le livre, j’ai développé toute une série de pistes, parce qu’il y a énormément de facettes chez Riopelle qui peuvent être reliées aux enfants du primaire, comme son amour pour les animaux et la nature en général, son côté bricoleur », explique-t-elle.

En utilisant des œuvres, Mme Barguirdjian suggère aux professeurs des portes d’entrée vers différentes matières. « On pourrait partir d’un tableau de Riopelle qui représente des oies ou des hiboux, précise-t-elle. À partir de là, on peut voir comment il les représente, si c’est proche de la réalité ou non, comment il a interprété le tout et plus encore. »

Favoriser l’interdisciplinarité

Sa démarche diffère de la méthode pédagogique enseignée dans les classes d’universités, mais trouve écho chez d’autres intervenants. L’étudiante à la maîtrise en sciences de l’éducation Marie-Ève Desrochers développe un outil pédagogique pour faciliter l’utilisation d’albums jeunesse en classe.

Avec une formation généraliste, cette dernière estime que certains enseignants peuvent se retrouver en dehors de leur zone de confort lorsque vient le moment d’utiliser des objets artistiques en classe. « Souvent, dans les manuels scolaires, la procédure est détaillée, il y a quelqu’un qui a déjà pensé pour nous quelles compétences et quelles notions sont travaillées, soulève Marie-Ève. Quand on se retrouve avec un album jeunesse, c’est à nous de penser comment on va planifier notre activité. » D’après elle, l’album peut être une ressource intéressante pour les enseignants, mais son utilisation demande un travail supplémentaire.

Cette considération est partagée par Mme Barguirdjian, qui propose dans son atelier des guides et des pistes pour les pédagogues. « Avec un livre qui ouvre ses portes aux enseignants, c’est plus facile que de tout construire », admet-elle.

Le temps à la disposition des enseignants est également à prendre en considération dans le développement de ces projets, selon l’enseignante en arts plastiques à l’école secondaire Jeanne-Mance, Philomène Rolland. Celle-ci a participé en 2015 au projet-pilote Éducart mené par le Musée des beaux-arts de Montréal. « En art, on a parfois au-dessus de 250 ou 300 élèves, donc on a plusieurs groupes, et on n’a pas beaucoup de périodes, explique-t-elle. Avec ces élèves, j’avais deux périodes sur un cycle de neuf jours. » Elle ajoute que les tâches connexes à l’enseignement freinent parfois les rencontres avec les autres pédagogues dans le but de se concerter et de créer des projets interdisciplinaires.

Mme Rolland soulève que cette approche peut avoir son intérêt autant au niveau du primaire que du secondaire. « Quand j’étais adolescente, j’ai eu des cours d’arts plastiques en secondaire 1 et 2 et il n’y avait pas grand-chose, se souvient-elle. Je pense que si j’avais pu toucher à ça dans d’autres matières et avoir un lien plus concret avec le côté artistique, ça aurait pu être quelque chose de positif. »

Outiller les généralistes

Avec des ateliers comme celui du 20 janvier, Mme Barguirdian croit qu’il est possible de pallier certains manques dans le cursus universitaire en enseignement. « Souvent, je rencontre des enseignants qui se sentent incompétents parce qu’ils n’ont pas de formation en art, raconte Mme Barguirdjian. Or, on peut aussi travailler sur le thème de l’image et travailler à la décortiquer. Il suffit de faire marcher son observation, ses sens et ses émotions. Je pense que les cours manquent à ce niveau-là. »

Marie-Ève reconnaît toutefois que les programmes universitaires proposent plus qu’auparavant de former les enseignants à l’utilisation d’outils faisant appel à l’interdisciplinarité. « On a modifié la formation dans ce sens-là, soutientelle. Par contre, si on veut aller en profondeur dans un sujet, c’est davantage dans la formation continue que dans la formation de base que l’enseignant peut trouver des ressources. »

Pour l’étudiante, il est clair que les outils comme les œuvres d’art et les livres sortant du cadre scolaire sont une valeur ajoutée pour l’enseignement. Grâce à ceux-ci, les élèves peuvent apprendre sans utiliser du matériel didactique. De son côté, Mme Barguirdjian soutient que la connaissance des arts leur permet également d’approfondir leur connaissances sur le monde qui les entoure.


ÉDUCART

Les enseignants de 27 écoles issues des 17 régions administratives du Québec ont participé au projet pilote Éducart du Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM). Ces derniers ont développé en classe un projet lié à une oeuvre choisie parmi une sélection de 350 pièces tirées de la collection du MBAM. Les projets pédagogiques qui ont résulté de ce travail ont abordé l’une des 17 thématiques proposées par les organisateurs d’Éducart, allant de la diversité culturelle au corps ou à l’altérité.