Une grano au DIX30

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Par Edith Pare-Roy
mercredi 9 février 2011
Une grano au DIX30

Petite visite par un samedi matin du Quartier DIX30, à Bros s a rd. Ce « c ent r e d’achats de vie urbaine» est pour moi – grano adepte de friperies – l’Enfer de la consommation. Mais m’y voilà sur affectation de Quartier Libre. Mon objectif : y rester (et survivre) pendant deux heures.

Je regarde autour de moi, l’oeil à l’affût d’une histoire cocasse à raconter plus tard. À perte de vue des boutiques, des restaurants et des autos. Je vois aussi des familles, des couples et des copines qui magasinent. Pas de quoi en faire un plat, ni un article.

La réalité est moins romantique que la vidéo présentée sur le site du Quartier DIX30 (http://www.quartierdix30. com/tv/), où on voit un couple aux anges. On dirait qu’ils sont en voyage de noces à Barcelone. On a envie de les secouer : «Heille, du calme les tourtereaux! Vous êtes dans un centre d’ achats à Brossard ! » Les couples présents correspondent davantage au stéréotype: fille contente-contente de magasiner, accompagnée du copain qui se traîne les pieds. Je rivalise avec l’air bête de ces garçons, déprimée par l’ambiance, avec l’impression que mon SPM est devancé de trois semaines. En passant, mon amour, ne m’achète pas une carte-cadeau DIX30 pour la Saint-Valentin.

Des idées de grandeur

Le Cinéma Cineplex Odeon me sort de ma lassitude : la bâtisse est gargantuesque et il y a une vingtaine de films à l’affiche, presque tous des superproductions américaines. À des années-lumière du Cinéma Beaubien, petit et convivial. Tout près se trouve un immense bar (Les 3 Brasseurs) où j’ai envie de m’installer pour les prochaines heures plutôt que de remplir ma mission. Je me demande si les pintes sont aussi disproportionnées que tout le reste.

La voix de la raison prend le dessus : je me dirige vers les magasins, avec mes vieilles bottes et mon éternel jeans. Comme le veut l’expression qui me tombe sur les nerfs : «C’est pas le choix qui manque!» L’énumération des boutiques prendrait une page à elle seule (plus de 65 boutiques de mode, dont H & M, Calvin Klein, Le Château, Winners et Yellow). Je m’imagine revenir du Quartier DIX30 les mains encombrées de sacs, avec vêtements, maquillage, bottes à talon haut et tout le tralala. Je rigole en me représentant le visage décomposé de mes amis à la vue de mon nouveau look, du style Carrie Bradshaw dans Sex and the City. Puis, je pense à ma photo de chroniqueuse qu’il faudrait changer. Mes cheveux devenus longs, bouclés et symétriques. Du rouge à lèvres en plus et un piercing en moins.

Joindre l’utile au désagréable

Alors que certaines s’émoustilleraient devant cette débauche de choix, je ressens plutôt un vertige. Je devrais quand même en profiter pour m’acheter un maillot de bain, que mon côté dédaigneux m’empêche de me procurer au Village des Valeurs. Je joins donc l’utile au désagréable et je me rends au Bikini Village. Le prix du maillot choisi coupe court à ma rêverie : 145 $.

Il me faut un petit remontant. J’ai le choix entre plusieurs chaînes de café sans âme: Presse Café, Starbucks, Van Houtte et Tim Hortons. La caféine me redonne courage. Je poursuis ma route vers d’autres magasins. Le foyer extérieur installé sur le trottoir me ravit : «Ils ont pensé aux rares personnes qui ne se promènent pas en auto d’une place à l’autre!» Ensuite, je suis soulagée de voir que certains produits sont plus accessibles. Ma crainte d’être devenue cheap à force de magasiner dans des friperies s’évapore. Avec Visa, ça va. N’empêche que, au final, cet article me coûte cher : des billets pour le spectacle de Richard Desjardins à l’Étoile Banque nationale, un cadeau pour mon neveu (The Children’s Place), un nouveau jeans (sans trou !) au H&M, des bottes à talon plat chez Aldo et un costume de bain à La vie en Rose.

Pour éviter de dépenser davantage, je vais faire un tour du côté des condos (plutôt des manoirs !) qui entourent le centre d’achats. Je comprends mal l’intérêt d’un tel emplacement, mais paraît-il que les gens se les arrachent au prix fort. Un des propriétaires a laissé libre cours à sa mégalomanie : des statuettes de guerriers romains se trouvent devant sa gigantesque maison, de style romain antique.

J’ai hâte de retrouver mon studio de Villeray.