Une course au rectorat controversée

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Par Esther Thommeret
jeudi 21 novembre 2019
Une course au rectorat controversée
Le 14 novembre dernier, les candidats publics se sont présentés lors d'une conférence organisée par la CASUM. Photo : CASUM.
Le 14 novembre dernier, les candidats publics se sont présentés lors d'une conférence organisée par la CASUM. Photo : CASUM.
Le processus de nomination du nouveau recteur pour succéder à Guy Breton a débuté. Malgré la nouvelle charte adoptée par l’administration de l’UdeM l’année dernière visant à rendre cette procédure plus « inclusive », des membres de la communauté universitaire dénoncent son opacité et le manque de collégialité.

« La raison pour laquelle nous dénonçons ce processus, c’est parce qu’il fait en sorte que des candidats ont la possibilité de ne pas dévoiler leur candidature, et que l’instance qui a l’ultime pouvoir de décision est le conseil universitaire », témoigne la secrétaire générale de la FAÉCUM, Sandrine Desforges. Le 14 novembre dernier, la Coalition des associations et syndicats de l’Université de Montréal (CASUM), qui mène actuellement une campagne de dénonciation, a organisé une rencontre avec les candidats. Selon elle, il s’agit de la seule démarche publique de la course au rectorat, en marge du processus du conseil. « Ça ne fait pas partie des étapes officielles du processus, elle a été organisée pour répondre à ce besoin de rencontrer les candidats », explique Sandrine.

Des nouvelles règles du jeu

Au printemps 2018, l’UdeM s’est dotée d’une nouvelle charte et de nouveaux statuts qui ont modifié les processus de nomination des doyens et du recteur. Certains de ces changements sont au cœur des revendications portées par la CASUM.

D’après le secrétaire général de l’UdeM, Alexandre Chabot, on y retrouve trois changements « notables ». « Ce processus de nomination, calqué sur d’autres modèles canadiens et américains tels que Toronto, Calgary, Ottawa ou Columbia, est très inclusif », affirme-t-il. La composition du comité s’est agrandie, passant de 10 à 17 personnes, pour être plus représentative de la communauté universitaire. Nommé par le conseil d’administration de l’Université et par l’assemblée universitaire, le comité est constitué d’étudiants, de chargés de cours, de représentants du personnel, de diplômés, de professeurs, ou encore d’associations étudiantes.

La deuxième modification fait en sorte que les consultations et l’appel à candidatures sont maintenant des procédés distincts. Le comité à deux mandats à remplir. L’un d’eux est de dresser un profil type du candidat recherché et d’établir les enjeux et défis actuels de l’Université. « Le second rôle est de procéder à l’appel de candidatures visant à trouver les personnes qui correspondent le mieux aux caractéristiques du profil type », développe M. Chabot. Il précise que, dorénavant, la discussion du profil type ne tient pas compte des candidats potentiels. « Ce qui permet de dépolitiser un peu les choses », souligne-t-il.

Le troisième changement permet que les candidatures déposées soient confidentielles. L’Université ne peut donc pas divulguer le nombre de candidatures anonymes qui ont été présentées au conseil jusqu’à présent. D’après M. Chabot, en élargissant le processus, celui-ci veut qu’il soit plus collégial que ces dernières années.

Des candidatures cachées

Les associations étudiantes et les syndicats se rassemblent pour dénoncer, notamment, la confidentialité de certaines candidatures. D’après la secrétaire de la FAÉCUM, l’argument soulevé par l’administration concerne les personnes exerçant un emploi à l’extérieur de l’Université. « Donc, des personnes qui n’ont jamais mis les pieds à l’UdeM, qui n’ont jamais rencontré les différents membres de l’Université et qui ne connaissent pas les besoins, énonce-t-elle. Si ces personnes viennent de l’extérieur, c’est encore plus important qu’elles rencontrent la communauté de l’UdeM. »

D’après M. Chabot, choisir de rentre public ou non sa candidature est une pratique qui se fait dans plusieurs universités en Amérique du Nord. « Certaines personnes, de par les fonctions qu’elles occupent actuellement, comme un doyen dans une autre université ou un employé au sein du gouvernement, ne peuvent pas rendre leur candidature publique », explique-t-il. Il donne comme exemple le cas de la principale et vice-chancelière de l’Université McGill, Suzanne Fortier. D’après lui, cette dernière n’aurait jamais pu obtenir ce poste si sa candidature avait dû être publique, sachant qu’elle était présidente du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada (CRSNG). « Le conseil s’est demandé, « est-ce qu’on veut se priver de gens qui ont des talents et des compétences à l’extérieur de l’université ? » La réponse était non, il faut permettre les candidatures externes », insiste-t-il. La recherche d’un équilibre a conduit au processus actuel, selon lui. « Nous avons amélioré la collégialité sur certains aspects, mais il y a effectivement eu un recul sur d’autres, précise-t-il. Mais le conseil voit ça comme un tout. »

Le dernier mot du conseil

Les associations étudiantes et les syndicats au sein de la CASUM dénoncent le processus « opaque » de nomination. « Le conseil peut donc décider de nommer une personne que nous n’aurons jamais rencontrée, s’exclame Sandrine. Dans d’autres universités, c’est une élection, nous, on a une nomination où on n’a aucun pouvoir, aucun vote. » Selon elle, ce processus est moins inclusif, parce qu’il n’est pas « collégial », étant donné que les membres de la communauté universitaire n’ont pas accès à toutes les candidatures et ne peuvent donc pas se prononcer de manière « transparente ».

D’après M. Chabot, le conseil a toujours pris la décision ultime. « Oui, le conseil se garde la décision finale, mais ça a toujours été le cas, déclare-t-il. Et il faut se rappeler qu’avec la nouvelle charte, la composition du conseil a changé, ce qui fait que tous groupes sont représentés, ce qui n’était pas le cas dans le passé. » Le comité donnera ses recommandations sur les candidatures publiques au conseil de l’Université à la fin du mois de décembre, et ce dernier prendra sa décision finale dans le courant du mois de février. Le nouveau recteur ou la nouvelle rectrice prendra ses fonctions le 1er juin 2020. Le délai entre la nomination et la prise de poste lui permettra de choisir son équipe, et donc l’ensemble des vice-recteurs.

 

LES TROIS CANDIDATURES PUBLIQUES

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