Un genre méconnu

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Par Rose Carine Henriquez
lundi 10 avril 2017
Un genre méconnu
L’Atelier de musique contemporaine de l’UdeM est un ensemble à géométrie variable. Crédit photo: Marie Isabelle Rochon.
L’Atelier de musique contemporaine de l’UdeM est un ensemble à géométrie variable. Crédit photo: Marie Isabelle Rochon.
L’atelier de musique contemporaine de l’UdeM présente le concert Musique en cinq temps le 18 avril prochain. Une occasion de discuter avec des acteurs du milieu, de leur perception de ce genre musical et de son accessibilité.
« [La musique de création] a l’avantage d’englober tout ce qui est exploratoire dans l’art musical, comme les musiques improvisées, la musique actuelle, le jazz d’avant-garde, la musique électroacoustique. »
André Hamel, compositeur et professeur au Cégep Marie-Victorin.

«J’ai voulu un peu représenter ce que pouvait être la création musicale sur plusieurs décennies, révèle le chef de l’atelier de musique contemporaine, Jean-Michaël Lavoie, récemment devenu professeur à la Faculté de musique. Au programme, trois créations de trois jeunes compositeurs de la nouvelle génération que j’ai contrebalancées par deux œuvres du répertoire contemporain. » Un portrait en cinq temps pour ce concert, qui prend les visages des célèbres György Ligeti et Claude Vivier, ainsi que des étudiants en composition Shwan Tavakol, Ilya Pechersky et Pierre-Luc Lecours.

Flou de définition

Pourtant, les œuvres de Ligeti et Vivier, musiciens décédés qui ont marqué la musique contemporaine, ne correspondent pas à la vision de l’étudiant à la maîtrise en interprétation classique Victor De Coninck. « Les deux pièces sont d’après moi encore très actuelles, mais ce n’est pas mon intérêt spécifique, déclare-t-il. Pour moi, contemporain, ça veut vraiment dire vivant. »

Le compositeur et professeur au Cégep Marie-Victorin André Hamel, qui vient de reprendre un doctorat en composition à l’UdeM fait remarquer que la musique contemporaine est un peu la continuité de la musique classique. « Au 20e siècle, il y a eu un foisonnement de courants. Un particulièrement dominant lors de l’après-guerre jusque dans les années 70, qu’on appelle le courant structuraliste, explique-t-il. C’est une musique qui peut sembler austère. » Les esprits ont surtout été marqués par ce courant selon M. Hamel, mais le structuralisme ne caractérise pas l’entièreté de l’œuvre contemporaine. Beaucoup d’autres constituent l’histoire de cette musique, comme le courant minimaliste, spectral ou la musique aléatoire d’après lui.

Il ajoute que le terme « musique de création » peut définir ce qu’est la musique contemporaine de nos jours. « Cela a l’avantage d’englober tout ce qui est exploratoire dans l’art musical, comme les musiques improvisées, la musique actuelle, le jazz d’avant-garde, la musique électro-acoustique », avance-t-il. La musique contemporaine serait donc très variée selon M. Hamel.

Un public à apprivoiser

On ne donne pas assez au public la chance d’être séduit d’après M. Hamel. « En fait, l’obstacle entre les compositeurs et les auditeurs, ce sont les gens qui décident dans les orchestres, à la radio ou les gens qui programment dans les centres culturels, déplore M. Hamel. C’est aux préjugés de ces gens-là qu’on fait face. » Celui-ci croit fermement que le public potentiel de la musique contemporaine est curieux. « Ceux qui sont un peu désarçonnés sont habitués à se concentrer sur les mélodies, ajoute-t-il. Il n’y en a pas toujours dans la musique contemporaine, car il y a d’autres façons de jouer avec le sonore. Il y a les textures, le timbre et même la spatialisation. »

Une opinion soutenue par M. Lavoie. « C’est la responsabilité de tous de parler de cette musique, de la partager, confirme-t-il. Une personne qui va à un concert de musique symphonique, c’est parce qu’elle en a entendu parler à la radio, il y a une forme de savoir commun collectif. La musique contemporaine ne se démystifie pas parce qu’on n’en parle pas suffisamment. »

Donner sa chance à la relève

Jouer de la musique contemporaine peut ouvrir des portes aux étudiants. « Je ne voudrais pas juste faire ça, mais c’est sûr que si je pouvais, ce serait une partie de ma carrière, déclare l’étudiant au baccalauréat en interprétation classique Samuel-San Vachon. De nos jours, le milieu de la musique classique est de plus en plus dur à percer et il ne faut pas se fermer de portes. »

Son professeur, M. Lavoie, soutient cette vision des choses. « Être polyvalent est de mise aujourd’hui et le niveau est toujours beaucoup plus haut, donc il faut se frotter très rapidement, très jeune à cette exigence, car c’est une musique qui demande beaucoup de travail, beaucoup de minutie, beaucoup d’engagement », dit-il. M. Lavoie est plus pessimiste concernant les jeunes compositeurs. « Pour être très honnête, il n’y a pas beaucoup de place, pense-t-il. Par exemple, on va plutôt glorifier le répertoire classique. » Les jeunes compositeurs en devenir ont besoin d’apprendre leur métier, d’être soutenu par les ensembles, les orchestres, le milieu professionnel et le public.

Hamel croit ainsi que les vraies pistes de solution se trouvent dans l’éducation. Un avis partagé par M. Lavoie. « La grande responsabilité revient aux directions artistiques, à ces gens qui ont la possibilité d’orienter les choses, affirme-t-il. Je crois que la jeune génération des musiciens qui vont accéder à ces postes va sûrement amener beaucoup de choses nouvelles, une autre manière de verbaliser et de communiquer la musique contemporaine. » En attendant, son objectif en tant qu’enseignant est de permettre à ses étudiants de se reconnecter avec le public, ce qui sera le cas lors du concert du 18 avril.