Un défi de taille

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Par Romeo Mocafico
lundi 29 avril 2019
Un défi de taille
Les étudiants ont pu s'entraîner à tailler de la roche dacite volcanique à l'aide d'un percuteur (Crédit Romeo Mocafico).
Les étudiants ont pu s'entraîner à tailler de la roche dacite volcanique à l'aide d'un percuteur (Crédit Romeo Mocafico).
Les pierres s’entrechoquent à nouveau au cœur du Département d’anthropologie. Le club de taille a repris ses activités après six ans d’absence, offrant aux étudiants de l’UdeM la possibilité de mettre en pratique les théories étudiées en classe d’archéologie. Une initiative qui s’installera de manière permanente dès septembre au pavillon Lionel-Groulx.

«Personne ne s’est blessé, je suis content », plaisante le professeur au Département d’anthropologie Julien Riel-Salvatore, à la fin de l’atelier de taille lithique qu’il a animé le 18 avril dernier. Le projet, abandonné en 2013 faute de personnel motivé pour le reprendre, a permis aux étudiants de s’initier à la taille de pierres à la manière de nos ancêtres pour la première fois en six ans.

Une mise en pratique nécessaire

« En classe, on apprend sur des PowerPoint, mais on ne met jamais en pratique », explique l’étudiant en archéologie Anthony Rochon. C’est l’une des raisons qui l’a poussé à reprendre cette initiative au printemps. « Avec Sabrina Paquet (la coorganisatrice), on a toujours tripé sur la taille lithique, sur les roches et sur les techniques, dit-il. On trouvait que ça manquait un peu à notre formation. Ça part de là. »

Appuyé par le Regroupement des étudiants en archéologie de l’UdeM (RÉAUM), le club de taille offre désormais une formation continue à tous les étudiants de l’Université intéressés par ces techniques. « Avant, on ne proposait ces ateliers qu’en mars, lors de la semaine de l’archéologie, poursuit-il. Aujourd’hui, on veut mettre ça en place de façon permanente, chaque semaine à partir de septembre. »

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Une des salles de Département d’anthropologie du pavillon Lionel-Groulx a été aménagée pour recevoir l’atelier (Crédit Romeo Mocafico).

Dans la peau d’un australopithèque

Pour amorcer ce nouveau cycle d’ateliers, M. Riel-Salvatore a présenté les techniques de base de la taille de pierre. « On est encore au stade des australopithèques, précise-t-il. C’est intéressant, car c’est le premier exemple concret que l’on a de « culture ». » Pour le professeur, il est important de présenter et de soutenir ce genre de projet au sein de l’Université. « Ces cours représentent une bonne porte d’entrée pour comprendre le fait archéologique », note-t-il. En indiquant comment tenir les pierres et sous quel angle les frapper, le professeur assure transmettre aux étudiants toute une série de savoirs vieux de 3,3 millions d’années.

« On a vraiment tout un tissu d’outils de roche qui s’échelonnent d’aujourd’hui jusqu’à nos plus vieux ancêtres, dit-il. C’est un des rares domaines de culture matérielle que l’on peut encore comprendre relativement aisément de nos jours. » Selon lui, les éclats générés par cette percussion directe des roches offraient à nos aïeux des capacités dont ils ne disposaient pas naturellement pour faire face à leurs rivaux de l’époque. « Les primates n’avaient ni griffes ni dents pointues, et rien non plus qui permettait de vraiment accéder aux ressources carnées, ajoute-t-il. Nous sommes les seuls du règne animal à travailler la pierre de la sorte, de façon contrôlée. »

D’autres techniques à venir

Anthony observe un certain engouement vis-à-vis de la reprise de ces ateliers. « Beaucoup de gens se sont joints à nous », se réjouit l’étudiant. Il déclare avoir reçu le soutien de certains professeurs du Département. « C’est une bonne chose, d’autant plus que ce n’est pas considéré comme un cours, précise-t-il. On est surtout là pour avoir du fun. »

Il compte d’ailleurs profiter de cette mobilisation du Département pour diversifier les techniques appliquées lors de ces rencontres hebdomadaires. « Chaque jeudi, on aura des mentors qui viendront animer les ateliers », poursuit Anthony. L’organisateur espère mettre en place un roulement pour s’assurer de toucher à différentes spécialités, comme la poterie.