Trudeau : des réactions contrastées

icone Societe
Par Eric Deguire
mercredi 27 février 2013
Trudeau : des réactions contrastées
Guy Breton et Justin Trudeau ont échangé leurs cartes d'affaires après la conférence (Crédit photo : Pascal Dumont)
Guy Breton et Justin Trudeau ont échangé leurs cartes d'affaires après la conférence (Crédit photo : Pascal Dumont)

Le meneur de la course à la direction du Parti libéral du Canada (PLC), Justin Trudeau, était de passage à l’UdeM le 19 février dernier. Il a tenu à souligner son intérêt pour les jeunes, mais a dû faire face aux interventions insistantes de certains d’entre eux sur la question nationale.

C’est une question sur la clarté référendaire qui a ouvert le débat organisé dans le cadre d’une tournée montréalaise de M. Trudeau. «Réaliser la souveraineté sans majorité claire enlèverait des droits à bien des Québécois», a-t-il répondu.

Malgré la virulence d’un étudiant qui lui a demandé de quels droits les Québécois seraient privés si le Québec devenait souverain, Justin Trudeau a défendu sa position en soutenant qu’elle allait dans le même sens que la plus haute cour du pays. «Selon la Cour suprême, il faut une majorité claire sur une question claire pour faire l’indépendance. Maintenant, c’est aux politiciens de décider. Cela peut-être 55 %, 60 % ou deux tiers, a expliqué le député fédéral de la circonscription de Papineau, en précisant qu’une majorité simple serait insuffisante. Si 50 % + 1 représente une majorité claire, qu’est-ce qui représenterait une majorité pas claire?»

Il a poursuivi son allocution en soulignant que si les souverainistes croyaient au bien-fondé de leur idée, ils ne devraient pas avoir peur de présenter une question claire et d’obtenir une majorité claire. Lors d’un échange avec une étudiante à la fin de la conférence, M. Trudeau a affirmé que le seuil d’une majorité claire lors d’un éventuel référendum devrait être de deux tiers.

Le député a aussi défendu le Canada. «C’est quoi le problème avec le statu quo constitutionnel? a-t-il demandé. Mon idée pour le Québec n’est pas de se sortir du Canada, mais bien de se réinvestir dans le Canada.» Un discours qui a plu à l’étudiant en droit Axel Fournier. «J’apprécie beaucoup la façon qu’il défend son pays, mon pays, juge-t-il. Il peut clairement devenir premier ministre du Canada.»

La jeunesse dépolitisée

Justin Trudeau a tenu à souligner sa proximité avec les jeunes. «Je parle à des jeunes dans les écoles secondaires, les collèges, les universités, et à des jeunes professionnels », a-t-il lancé. Il constate que les jeunes se détournent de la politique. «Cette génération se lance dans le travail communautaire ou dans des projets à l’international, a-t-il ajouté. Leur implication citoyenne se passe ailleurs que dans la politique.» Il a grandement blâmé le gouvernement de Stephen Harper pour ce désintérêt de la jeunesse. «Ce gouvernement mise sur les différences et la division, et fait preuve de beaucoup de cynisme», a-t-il déclaré.

Pour y remédier, Justin Trudeau place l’ouverture au coeur de son projet politique. «Je propose des assemblées d’investiture ouvertes dans tout le pays afin qu’un chef de parti ne puisse pas choisir un candidat», a-t-il précisé avant d’ajouter qu’il souhaitait accorder moins de pouvoir au PLC sur le plan du maintien de la ligne de parti. «Il faut avoir le pouvoir de représenter les citoyens de nos comtés», a-t-il résumé.

M. Trudeau est conscient que son parti est à rebâtir. Il a lui-même avoué que le nombre de députés du Parti libéral est en déclin depuis les cinq dernières élections. Il a qualifié de «très hypothétique» le scénario selon lequel il serait un jour à la tête d’un gouvernement majoritaire. Des étudiants qui ont assisté à la conférence, à laquelle était également présent le recteur de l’UdeM, Guy Breton, sont en tout cas convaincus de son leadership. «J’aime bien sa personnalité, affirme l’étudiante en médecine Mélodie Bouchard. Il amène un vent de fraîcheur et semble être un bon leader.»

L’économie, un sujet critique

M. Trudeau s’est également exprimé sur l’économie. Il a mis en avant sa détermination à pallier les écarts de richesse grandissants et l’effritement de la classe moyenne. Mais ce discours n’a pas convaincu l’étudiant en économie politique et président par interim de l’Association des étudiants en économie et politique de l’UdeM, Christophe Martin. «Il n’a pas vraiment réellement parlé d’économie, regrette-t-il. Il ne nous a pas parlé de ce qu’il allait faire concrètement.» Questionné sur son manque d’expérience en économie, M. Trudeau a affirmé qu’il se sent en mesure de gérer l’économie et d’affronter les défis peu importe sa formation. Des propos qui ont rassuré certains étudiants. « Il n’est pas aussi niaiseux qu’il paraît, confie une étudiante à la maîtrise en science politique qui souhaite rester anonyme. J’avais des inquiétudes par rapport à son manque d’expérience, mais, en fait, il n’est pas aussi nouveau que les médias et les autres candidats le voient. »

L’étudiant en droit François Guay se montre plus critique. «Il n’est jamais allé en profondeur sur aucune question » déploret- il. L’étudiante en droit Elisabeth Fortin va encore plus loin. « C’était plus un show qu’une discussion.» Quant au vice-président de la Commission des jeunes du Parti libéral du Canada et étudiant en journalisme à Concordia, Cameron Ahmad, il s’est déclaré satisfait de la conférence donnée par M. Trudeau à l’UdeM. « Justin a la capacité de rassembler tout le monde, y compris les souverainistes », a-t-il souligné. Vu la vivacité des échanges qui ont eu lieu entre les étudiants souverainistes présents et M. Trudeau, cette affirmation reste encore à prouver.