Travailler sous influence

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Par Charlotte Morand
mercredi 11 décembre 2019
Travailler sous influence
Selon Thierry Hamtiaux la Loi sur la santé et la sécurité du travail donne suffisamment de possibilités à un employeur pour gérer ce problème. Image par John Miller de Pixabay
Selon Thierry Hamtiaux la Loi sur la santé et la sécurité du travail donne suffisamment de possibilités à un employeur pour gérer ce problème. Image par John Miller de Pixabay
Plus d’un an après la légalisation, la consommation de cannabis sur les lieux de travail soulève des questions. Le consultant en ressources humaines auprès de PME et de grandes entreprises Thierry Hamtiaux affirme que les lois actuelles sont suffisamment générales pour que les employeurs puissent gérer cette problématique au sein de leur entreprise.

Quartier Libre (Q.L.) : Pour le moment, il n’y a aucune référence sur la consommation de cannabis dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail* ni dans la Loi sur les normes du travail. Comment cette problématique est-elle régulée ?

Thierry Hamtiaux (T.H.) : Les employeurs sont souverains sur leur milieu de travail. Ils peuvent donc étiqueter une politique, mettre en place des procédures, des protocoles ou toute sorte de choses, à condition que cela respecte les droits fondamentaux de la loi santé-sécurité et de celle sur les normes du travail. Ils peuvent adopter des politiques très souples et même, à la rigueur, ne pas adopter de politique du tout.

Selon moi, la Loi sur la santé et la sécurité du travail donne suffisamment de possibilités à un employeur pour gérer ce problème. Si l’on veut faire une analogie, la loi santé-sécurité et la loi sur les normes ne citent pas le mot « alcool », et pourtant, à peu près toutes les entreprises font de la prévention contre l’état d’ébriété et contre la consommation d’alcool au travail.

Q.L. : D’après quels critères l’employeur définit-il sa politique d’entreprise ?

T.H. : Chaque employeur doit répondre à de grandes obligations générales en fonction de la réalité de son milieu. Il doit fournir un lieu où la prévention est de mise et où il n’y a pas de risque pour la santé et la sécurité. Si le cannabis représente un risque au travail, l’employeur va devoir l’adresser au même titre qu’il va adresser des risques avec des produits chimiques, des machines ou des outils contondants, par exemple.

Néanmoins, d’un côté, des droits et des obligations existent qui ne sont pas nécessairement complémentaires. L’employeur a le droit d’interdire, d’obliger et de sévir. De l’autre côté, l’employé a le droit à sa vie privée et à son intimité, donc il ne faut pas que les interventions soient intrusives.

Q. L : Les travailleurs non rémunérés, à l’instar des stagiaires ou des bénévoles, sont-ils soumis aux mêmes droits et obligations que les employés ?

T.H. : N’importe quel individu qui réalise une prestation de travail est assujetti aux règles de la Loi sur les normes du travail et aux règles de celle sur la santé et la sécurité. Il n’y a pas de distinction dans ces lois entre un travail étudiant, un stage ou un statut de travailleur. Tous doivent respecter les normes de l’environnement de travail dans lequel ils se trouvent.

Q. L : Quelles mesures peut prendre l’employeur s’il se rend compte qu’un travailleur a consommé du cannabis ?

T.H. : Un employeur peut demander un test de dépistage s’il a des motifs raisonnables, c’est à dire des raisons factuelles sur lesquelles plusieurs personnes s’entendent. Par exemple, l’individu sent le cannabis, a les yeux rouges, parle au ralenti ou a peut-être un comportement erratique. Ensuite, un employeur pourrait licencier un employé, mais peut-être pas à la première offense. La faute commise va conditionner la sévérité de la sanction. On ne peut pas congédier un employé à la première offense, exception faite si le danger et si la faute sont extrêmement graves.

Q.L. : Au sujet des personnes qui consomment du cannabis à des fins médicales, l’employeur a-t-il une obligation d’accommodement raisonnable ?

T.H. : Oui, il pourrait y en avoir une, mais à condition qu’il n’y ait ni danger ni risque pour lui-même ou pour son entourage et l’entreprise (équipements, immeubles, productivité, qualité, service). Toutefois, si le cannabis contient du THC, la substance psychoactive qui induit un effet psychotrope, et qu’il y a altération des facultés, les risques et dangers ne seront pas acceptables, même en cas d’accommodation.

Le travailleur devra alors demander à son médecin traitant si sa consommation est compatible avec son travail. Si elle ne l’est pas, la première étape sera d’envisager un changement à la prescription. L’accommodement pourra également se faire s’il n’entraîne pas de contraintes excessives pour l’employeur ou n’entraîne pas un empiétement sur les droits d’autrui.

* D’après la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail, la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST) porte sur la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, et vise l’élimination à la source des dangers pour la santé, la sécurité et l’intégrité physique des travailleurs.

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