Le 9 novembre dernier s’est tenu le symposium Art, santé et mieux-être au Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM). Les experts et chercheurs qui participent à l’étude y ont présenté leurs recherches émergentes sur l’apport de l’art et de la culture dans le traitement des problèmes de toxicomanie, de psychiatrie, ou causés par des situations d’itinérance.
L’art vivant
Quarante-trois hommes et vingt femmes ont suivi des ateliers de danse, de musique, d’art dramatique et d’art visuels deux heures par semaine pendant douze semaines. Proposée deux fois par an dans différents centres de Montréal, cette initiative vise au rétablissement des participants.
« Il s’agit du concept clé de cette recherche », annonce la professeure à l’École des arts visuels et médiatiques de l’UQAM Mona Trudel. Toutefois, le rétablissement n’est pas synonyme de guérison, selon elle. « Ce terme se rapporte à la possibilité d’avoir une meilleure qualité de vie, en dépit des problèmes causés par l’addiction ou l’itinérance, nuance-t-elle. Le rétablissement englobe aussi la relation aux autres et l’inclusion sociale. »
La chercheuse estime que la pratique de l’art permet à des personnes marginalisées d’être reconnues autrement que par le marqueur identitaire lié à leurs problèmes de santé mentale, de toxicomanie ou d’itinérance.
Identité, confiance et responsabilité
C’est un avis que partage la professeure des arts visuels et médiatiques de l’UQAM, spécialisée en musique, Adriana De Oliveira. Pour elle, les ateliers de musique permettent aux participants de sortir de l’isolement en se mobilisant collectivement. Ils contribuent à affirmer leur identité et à se projeter dans l’avenir. « Ces projets à long terme font appel à un engagement soutenu des personnes qui sont dans l’urgence du moment présent, c’est-à-dire manger, se loger, se vêtir, indique-t-elle. Des données préliminaires révèlent que ce processus de création de longue durée a été un facteur de motivation et d’engagement. »
Le chef du Service de psychiatrie urbaine à l’Hôpital Notre-Dame, le Dr Olivier Farmer, souligne que les patients n’ont plus l’identité du malade, mais d’un artiste. Pour lui, les ateliers offrent une alternative à l’étiquette d’itinérants ou de drogués qui leur est souvent attribuée par la société.
« L’art a le potentiel d’être un vrai point de départ, poursuit-il. C’est une étincelle qui donne la première impulsion, le premier mouvement vers le rétablissement. Ça donne un sentiment de devoir sur soi-même, car on a un projet qui nous appartient, et à terme un sentiment d’accomplissement. » Le psychiatre estime que ces notions sont renforcées par l’effet de groupe.
Ces ateliers se révèlent particulièrement efficaces, car ils favorisent le développement de la confiance en soi des participants, d’après la professeure à l’École supérieure de théâtre de l’UQAM Carole Marceau. « Soutenir les participants lors du processus de création, les encourager, leur donner des idées et ne pas favoriser la performance instaure un climat de confiance qui les pousse vers le rétablissement », précise-t-elle.
Le secret réside dans la mise en valeur des forces de chacun et dans la valorisation des expériences personnelles, selon Mme Trudel. « Donner du sens à l’atelier de création se manifeste par la fierté d’être partie prenante d’un projet collectif dont ils sont les principaux artisans », résume la professeure. Pour elle, les bienfaits se consolident au fur et à mesure que les relations se développent entre les participants et les superviseurs artistiques.
Le milieu hospitalier mobilisé
Cette recherche se distingue par le caractère multidisciplinaire de l’équipe qui la mène. Les domaines artistiques explorés et la présence de deux psychiatres et d’un médecin permettent de diversifier le regard porté sur l’objet de l’étude, explique Mme Trudel. La présence de spécialistes en médecine ouvre ainsi la porte à de nouveaux axes de recherche d’après elle.
Outre les bienfaits que la culture peut avoir sur les patients, le chercheur et psychiatre au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM) Didier Jutras-Aswad note que la médecine a également besoin de l’art. Pour lui, le milieu médical et ses contributeurs ont besoin d’explorer de nouvelles façons de traiter leurs patients, et en particulier en dehors de l’hôpital. « 99 % du temps, les patients ne sont pas dans un bureau ou chez le médecin, et vivent des expériences de leur quotidien, indique le professeur de psychiatrie et d’addictologie de l’UdeM. L’art est une bonne référence, car il peut apporter aux médecins cette touche de créativité qui peut parfois manquer à la profession. »
Une étude toujours en cours
Il est difficile de donner un avis définitif sur cette recherche financée par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada (CRSH), concède Mme Trudel. Elle précise que la collecte des données se termine en décembre 2018 et qu’à ce jour, un huitième des données a été analysé. « Il nous reste à mieux comprendre les liens qui existent entre les caractéristiques des populations avec lesquelles nous interagissons et leur capacité à s’engager à plus long terme dans des activités artistiques », conclut la professeure.
Elle indique toutefois que le premier constat qui se dégage des données de recherche est l’intérêt grandissant des organismes partenaires, dont celui du milieu des soins, à intégrer l’art dans leur offre de service. Cette annonce fait écho au récent projet pilote de prescriptions muséales lancé par le MBAM, en collaboration avec l’Association des Médecins francophones du Canada.