Tous au commissariat

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Par Guillaume Mazoyer
vendredi 4 septembre 2015
Tous au commissariat
Le métier de commissaire attire, malgré un contexte économique difficile.
Le métier de commissaire attire, malgré un contexte économique difficile.
Le Centre d’exposition de l’UdeM présente jusqu’au 27 septembre l’exposition itinérante Alain Laframboise : Le sens du quotidien, exhibée d’abord au Musée d’art contemporain des Laurentides. L’exposition est enrichie de collages inédits de l’artiste, supervisés par des étudiants du baccalauréat en histoire de l’art de l’UdeM.

Rendre hommage à 30 ans de carrière d’un artiste, c’est le défi que s’est lancé le commissaire indépendant Karl-Gilbert Murray en contactant l’artiste et ancien professeur du Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’UdeM Alain Laframboise. En tant que spécialiste de la Renaissance italienne, M. Laframboise a eu une production artistique active en parallèle à sa carrière de professeur d’université, jusqu’à sa retraite en 2008. « Tous les historiens d’art au Québec depuis une trentaine d’années l’ont eu comme professeur, ou du moins l’ont connu », assure M. Murray.

L’exposition regroupe plus d’une soixantaine de ses œuvres, vidéographiques, photographiques et sculpturales. « Quand on regarde l’exposition, on comprend rapidement qu’il est un historien d’art, poursuit le commissaire. Il y a des références explicites à travers tout son travail. » Des clins d’œil directs à La Leçon d’anatomie du docteur Tulp du peintre néerlandais du xviie siècle Rembrandt, ou encore aux deux Narcisse de l’artiste français Nicolas Poussin, entre autres.

Pas besoin d’être un historien d’art pour apprécier l’exposition pour autant, selon M. Murray. « Du fait du choix des objets utilisés, on se reconnaît dans ses œuvres et on y entre facilement », prévient-il. M. Laframboise est un collectionneur qui arpente les marchés aux puces à la recherche de poupées, bibelots et ferrailles. Ce sont ces objets qu’il photographie et met en scène dans ses installations. « Le sens du quotidien, pour moi, c’est la banalité de ces choses, avec lesquelles nous vivons tous, explique le commissaire. Parmi ces objets-là, nous vivons avec des œuvres d’art. »

À l’exposition présentée au Centre d’exposition s’ajoutent des collages inédits d’Alain Laframboise, supervisés par des étudiants de l’UdeM. Ces collages ont été dévoilés pour la première fois il y a un peu plus de six mois lors d’un autre événement consacré à l’artiste au sein de l’Université. Le Carrefour des arts et des sciences avait accueilli en février ­l’exposition Alain Laframboise : Construire le sens, mise entièrement sur pied par les étudiants dans le cadre du cours Exposition d’art : discours et pratiques.

« Le but du cours était de leur donner la passion du métier de commissaire et l’occasion de le pratiquer eux-mêmes, explique la professeure au Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques Christine Bernier. Le travail des étudiants sur les collages a été repris tel quel pour l’exposition actuelle.

Un métier en effervescence

Le métier de commissaire attire, malgré un contexte économique difficile. « C’est sûr que quand on va en histoire de l’art, c’est une idée qui nous traverse l’esprit, commente la finissante au baccalauréat en histoire de l’art de l’UdeM Émilie Hamel. C’est un métier qui est en plein développement. » Une alternative intéressante, selon elle, aux autres débouchés permis par le programme, comme la recherche ou la critique d’art.

Le commissaire indépendant initie le projet d’exposition d’un artiste qu’il affectionne, autour duquel il développe une problématique. « Nous ne sommes pas là pour dénaturer l’œuvre, précise M. Murray. Nous sommes là pour lui rendre hommage. » Mais sa tâche ne s’arrête pas là : c’est lui qui conceptualise, crée le parcours de visite et produit les textes explicatifs et les catalogues.

« C’est une nouvelle profession car jusqu’à il y a 10 ans, on parlait de conservateurs de musée, explique Mme Bernier. Or, le conservateur est un employé du musée, rattaché de manière permanente à son institution. Le travail à la pige du commissaire n’en fait pourtant pas un sot métier. »

La Biennale de Venise l’illustre bien, selon la professeure : le plus grand événement international du monde de l’art contemporain est dirigé par un commissaire principal différent pour chaque édition.