Symphonie urbaine

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Par Mirna Djukic
mercredi 14 décembre 2016
Symphonie urbaine
Les créateurs du Projet Archipel, Guillaume Campion et Guillaume Côté. Crédit photo : Courtoise Guillaume Campion et Guillaume Côté.
Les créateurs du Projet Archipel, Guillaume Campion et Guillaume Côté. Crédit photo : Courtoise Guillaume Campion et Guillaume Côté.
Les deux diplômés de la Faculté de musique de l’UdeM, Guillaume Campion et Guillaume Côté, ont présenté leur création sonore Projet Archipel aux Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM), en novembre dernier. Découverte d’une nouvelle façon de concevoir le documentaire.
« Il n’y a pas de grandes formes canoniques bien instaurées pour le documentaire sonore. »
Frédéric Dallaire, postdoctorant à l’École des arts visuels et médiatiques de l’UQAM et membre du Laboratoire de création sonore à l’UdeM

En voyant les projets d’aménagement des berges se multiplier dans les discours politiques sans nécessairement aboutir, Guillaume Campion et Guillaume Côté ont décidé de créer un documentaire sonore sur l’accès au fleuve Saint-Laurent. « Nous sommes partis d’un constat défaitiste sur le manque d’accès à l’eau à Montréal », explique Guillaume Côté. Cependant, au fil de leur démarche, ils ont découvert de nombreux projets inspirants et leur perspective a évolué.

Ils prennent donc position dans un format inhabituel, celui du documentaire sonore, qui repose sur l’ouïe et l’imagination. Il n’y a pas de narration dans Projet Archipel et la parole n’est pas toujours à l’avant-plan. Le propos de l’oeuvre est autant porté par les divers bruits captés le long des berges et la musique électroacoustique que par les extraits d’entrevue qui s’y mêlent.

Le compositeur et professeur à la Faculté de musique de l’UdeM Robert Normandeau pense que ce qui distingue le travail de ses anciens étudiants, c’est l’équilibre entre l’imaginaire et le descriptif. « Les deux sont des compositeurs, donc ils travaillent le matériel sonore de façon musicale et pas juste de façon réaliste, dit-il. D’un autre côté, ils font des entrevues avec différents intervenants. »

Dans le documentaire sonore, la présence d’entrevues peut susciter des réactions partagées dans le milieu musical. « C’est encore très mitigé au niveau de la communauté électroacoustique, le fait d’avoir autant de voix et autant d’information dans la voix », croit Guillaume Côté.

Le travail du postdoctorant à l’École des arts visuels et médiatiques de l’UQAM et membre du Laboratoire de création sonore à l’UdeM* Frédéric Dallaire en est un exemple. Celui-ci travaille sur trois courts documentaires de ce type dans le cadre d’un projet de recherche-création sur les pratiques collectives d’écoute. « Ce n’est pas la dimension informative qui va être centrale , c’est plutôt les ambiances », explique-t-il.

Richesse du monde sonore

Guillaume Côté trouve qu’un des principaux avantages du documentaire sonore est qu’il implique moins de contraintes matérielles, par exemple, la location d’équipement de tournage. Cela permet aussi aux créateurs de travailler en plus petite équipe et d’être plus indépendants face aux institutions. De plus, l’originalité du format offre une grande liberté de création, selon Guillaume Campion. « Les gens ont moins d’attentes, il y a moins de modèles pour nous dire “Fais ça comme ça” », déclare-t-il.

Frédéric Dallaire appuie cette observation. « Il n’y a pas de grandes formes canoniques bien instaurées pour le documentaire sonore, avance-t-il. Ce qui fait qu’on peut passer d’un lieu et d’une situation à l’autre. Il y a toujours un élément de surprise. » La forme audio laisse une grande liberté d’interprétation au spectateur également. « Celui-ci ne se fait pas orienter, explique Frédéric. Personne ne lui tient la main du début à la fin, donc il peut explorer ce qu’il entend. » Selon lui, lorsqu’on enlève la dimension visuelle, le monde sonore se révèle.

Le même point est soulevé par M. Normandeau. « L’avantage de l’audio par rapport au visuel, c’est qu’on peut imaginer comme on veut, notre imaginaire a une très grande liberté et ça, c’est formidable », soutient-il. Il souligne aussi qu’on peut écouter un documentaire sonore dans ses écouteurs tout en se livrant à d’autres activités. L’étudiant au doctorat en études cinématographiques et membre du Laboratoire de création sonore à l’UdeM Simon Gervais affirme que le son est un meilleur véhicule que l’image pour tout ce qui appartient à l’intime et à l’expérientiel. « Le documentaire est un point de vue, donc fondamentalement, c’est une expérience, avance-t-il. Que le documentaire soit politique ou bien biographique, on espère aller chercher quelque chose d’intime chez le spectateur pour lui rappeler une mémoire ou un sentiment et pour moi, le son peut mieux accomplir ce travail. »

Les deux diplômés ont l’intention de continuer à explorer le documentaire sonore. Leurs prochains projets auront pour thèmes la situation du français en milieu scolaire multiculturel et les représentations des cultures autochtones dans l’art.

*Le laboratoire de création sonore est un laboratoire de recherche-création au Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques à l’UdeM qui aborde régulièrement le travail des artistes et documentaristes sonores.

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