Sous la loupe de la vérificatrice

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Par Pascaline David
mercredi 23 mars 2016
Sous la loupe de la vérificatrice
L'UdeM s'adaptera à la loi si elle est adoptée par le gouvernement québécois. Courtoisie Université de Montréal
L'UdeM s'adaptera à la loi si elle est adoptée par le gouvernement québécois. Courtoisie Université de Montréal
Le Parti québécois veut soumettre l’ensemble des universités à chartes québécoises à la surveillance de la vérificatrice générale. Selon lui, cela mettra fin au gaspillage de fonds publics dans le réseau de l’enseignement supérieur. Nécessité ou danger pour l’autonomie des universités, les avis divergent.
« Les universités doivent évoluer autrement que dans cet univers archi- bureaucratisé où une portion plus importante des fonds va vers l’administration plutôt que vers la formation des étudiants. »
Pierre Trudel - Professeur titulaire à la Faculté de droit de l’UdeM

Plus de transparence dans les budgets universitaires. C’est l’objectif du porte-parole du Parti québécois en matière d’éducation, de recherche et de persévérance scolaire, Alexandre Cloutier. Pour lui, les universités à chartes, comme le sont celles du réseau public, doivent être soumises au contrôle parlementaire de la vérificatrice générale qui analyse la gestion des ressources économiques gouvernementales. Elle produit ensuite des rapports et recommande des modifications de fonctionnement budgétaire des entités surveillées.

« Cela semble nécessaire, car les universités ont montré qu’elles n’étaient pas capables de se modérer », pense le chercheur à l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques Philippe Hurteau. Selon lui, une fois le mandat de la vérificatrice étendu à l’enseignement supérieur, il serait plus facile de réglementer la tendance des universités à se comporter comme des entreprises privées. « Même si elles sont financées par des fonds publics provinciaux ou fédéraux à plus de 50 %, elles utilisent des stratégies de rémunération de leurs hauts dirigeants qui ressemblent à celles des entreprises privées », indique-t-il en faisant référence aux indemnités de départ et aux bonis accordés ces dernières années.

Cet avis n’est pas partagé par le professeur titulaire à la Faculté de droit de l’UdeM Pierre Trudel. « Le projet de loi présenté par le PQ est vraiment la chose à ne pas faire », lance-t-il. Selon lui, cette loi déresponsabiliserait la communauté universitaire, car elle laisserait un organe externe s’ingérer dans les décisions des universités sans connaître leurs mécanismes. « Les universités doivent évoluer autrement que dans cet univers archi- bureaucratisé où une portion plus importante des fonds va vers l’administration plutôt que vers la formation des étudiants », précise-t-il.

De plus, l’intervention de la vérificatrice alourdirait la bureaucratie, d’après M. Trudel. D’autant que l’université fournit déjà des ressources supplémentaires pour alléger celle-ci. « J’avais préparé un contrat de recherche pour un organisme public, et cela a pris tellement de temps avant que la direction n’examine un document d’une page et demie au cas où le vérificateur viendrait qu’ils ont finalement décidé de rejeter le contrat, déplore-t-il. C’est un étudiant de plus qui perd sa job ».

Pour M. Hurteau en revanche, si la vérification reste bien ciblée sur la rémunération des hauts responsables universitaires, le mandat n’empiètera pas sur l’organisation de l’enseignement, de la recherche ou de la vie universitaire. « Cela pourrait empêcher la dérive marchande qui a lieu dans les universités du Québec depuis une vingtaine d’années sans mettre en péril leur autonomie », pense-t-il. Il reconnaît toutefois que si la surveillance concerne l’ensemble des budgets, dont celui de la recherche, il y aura risque d’ingérence.

Quelle solution ?

« Plutôt que d’adopter une telle loi qui n’a pas de valeur contraignante, il faut obliger les responsables universitaires à répondre aux questions budgétaires qui leur sont posées », affirme M. Trudel. D’après lui, la solution réside dans le renforcement des mécanismes internes de reddition des comptes.

De son côté, le porte-parole de l’UdeM, Benjamin Augereau, soutient que l’Université agit déjà en toute transparence selon ces principes. « Nous nous soumettons à des redditions de compte par l’entremise de mécanismes internes et externes », assure-t-il.

Toutefois, selon M. Trudel, ce n’est pas réellement le cas. « Des instances comme les assemblées de département ou universitaires, ou encore les conseils de faculté de l’UdeM sont délaissées », juge-t-il. En revalorisant celles-ci, les dirigeants pourraient être tenus de s’expliquer sur les sommes d’argent dépensées et la légitimité de leurs salaires.

Pour le professeur, la communauté universitaire doit apprendre à s’autoréguler. « Si cela n’arrive pas, le système éducatif deviendra comme le système de santé : une immense bureaucratie pleine de lois où on ne peut même pas embaucher quelqu’un pour passer le balai si ce n’est pas conforme aux normes définies par Québec », croit-il.

D’après lui, les étudiants et enseignants doivent exiger que certaines décisions budgétaires concernant l’Université, restant plutôt secrètes jusqu’à présent, soient rendues publiques ou plus visibles. Si le projet de loi aboutit, l’UdeM s’y conformera toutefois, selon M. Augereau.

VoxPop