Si elle se numérise, la radio perdra-t-elle sa fonction locale ?

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Par Eric Deguire
mercredi 20 avril 2011
Si elle se numérise, la radio perdra-t-elle sa fonction locale ?

Un nombre croissant de stations radiophoniques diffuse son contenu sur Internet, et la radio par satellite est en voie de se démocratiser. Faut-il craindre le recul de la fonction locale de la radio ? Dans une cinquantaine d’années, est-ce que toute l’Amérique du Nord écoutera le même animateur posté à New York ou à Los Angeles ?

 

« Même si la voie hertzienne continue d’exister, elle va de plus en plus cohabiter avec Internet et la téléphonie mobile », affirme Guillaume Vincenot, directeur de la programmation de CISM. « Un jour, la diffusion numérique remplacera la diffusion hertzienne. Il y aura des alliances à faire pour protéger les petits postes », poursuit-il. « Mais la numérisation ce n’est pas pour demain; la télévision est à peine en train de passer au numérique », conclut-il.

Selon Guillaume Vincenot, des mesures devront être prises afin de défendre les radios locales et émergentes« Il faut préserver ces radios. Le CRTC (Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes) devra prolonger ses actions pour aider les radios locales dans le numérique. Le CRTC doit continuer de le faire », affirme-t-il. « Les gens veulent la météo et la circulation locale », ajoute Claude Martin, montrant les limites de la délocalisation de la radio. Enfin, une nouvelle culture radiophonique globalisée peut très bien cohabiter avec la présente culture locale.

 

« La radio est le véhicule d’information et de culture le plus démographiquement ciblé en ce qui concerne l’âge, le sexe et la scolarité. La radio est certainement collée sur son public local », commente Claude Martin, professeur au département de communication de l’Université de Montréal. En effet, la radio est essentiellement diffusée et écoutée à une échelle locale, et pas seulement à cause des limites géographiques des ondes hertziennes.

 

En écoutant leurs stations locales, les auditeurs sont exposés aux publicités locales, ce qui permet aux stations et aux commanditaires de prospérer. En fait, le modèle d’affaires de la radio et son modèle technologique ont fait d’elle un média culturel ancré à l’échelle locale. La facilité de diffusion permet à plusieurs communautés culturelles d’avoir un porte-voix peu coûteux et à la culture émergente d’avoir une plateforme de diffusion. « CISM existe parce que c’est une radio d’avant-garde, et Radio Ville-Marie fonctionne avec un budget minime », affirme Claude Martin.

« Les radios locales et communautaires ont une fonction sociale au Canada qu’il faut chercher à préserver », dit Guillaume Vincenot. La fonction locale de la radio s’étend même à la radio commerciale. « Le public qui veut écouter le Top 40 veut aussi vivre localement et nous soutenons plusieurs sorties locales », affirme Mark Bergman, directeur de la programmation à Virgin Radio 96. Ainsi, même en diffusant un décompte des mêmes chansons populaires à longueur de journée, la radio commerciale est localement diffusée et elle réussit à faire la promotion de bars, de restaurants et de clubs locaux.

« La radio est un élément très important dans le système culturel », affirme Claude Martin. Ainsi, même si la radio est certainement en mutations, elle demeurera une force culturelle locale et aura la chance de jouer un plus grand rôle international. Pour Guillaume Vincenot : « La radio est un média à part entière et elle aura toujours sa place, même si elle fait sa révolution numérique. »