Sexisme 2.0

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Par Victoria La Pointe
lundi 20 janvier 2014
Sexisme 2.0
Le moteur de recherches Google ferait ressortir des propos misogynes de sa barre de recherches à son insu. (Crédit photo: Memac Ogilvy & Mather Dubai)
Le moteur de recherches Google ferait ressortir des propos misogynes de sa barre de recherches à son insu. (Crédit photo: Memac Ogilvy & Mather Dubai)

L’organisme ONU Femmes a lancé une campagne publicitaire choc à l’automne. Celle-ci montrait des femmes bâillonnées par la barre de recherche de Google indiquant des suggestions de recherche misogynes telles que « Les femmes devraient n’avoir aucun droit ». Si la campagne a prouvé qu’internet peut-être un défouloir pour certains, l’Organisation des Nations unies (ONU) estime que la campagne a porté ses fruits.

« Cette campagne a déclenché un véritable dialogue international sur le sexisme », soutient la chef des communications et de la sensibilisation d’ONU Femmes, Nanette Braun. Elle ajoute que la campagne aurait également inspiré la création de plusieurs autres campagnes sociales utilisant le même concept tel que la campagne des Nations unies sur les recherches Google dénonçant l’homophobie.

La présidente du Conseil du statut de la femme du Québec, Julie Miville-Dechêne, salue l’initiative d’ONU Femmes visant à mettre en lumière le fait que les inégalités globales entre les sexes perdurent. « Malgré de grandes avancées depuis les dernières décennies, explique-t-elle. La campagne percutante produite par l’organisation internationale est un outil très efficace pour démontrer la réalité de la situation. »

Google serait donc le relais de messages misogynes à son insu, puisque le géant informatique ne fait que suggérer les recherches les plus fréquentes des internautes. Parmi celles commençant par le terme « les femmes », on retrouve les phrases « les femmes devraient rester à la maison » et « les femmes doivent être soumises ». Certains internautes se demandent également si les femmes devraient conduire, être esclaves ou encore rester à la maison.

Google, reflet de la société ?

Si les suggestions faites par Google ne sont qu’une simple juxtaposition de mots les plus recherchés par les internautes, il ne faut pas pour autant croire que ces recherches sont le reflet de la société. « Internet donne une voix, un espace à des gens qui n’en auraient peut-être pas autrement, notamment aux personnes ayant des points de vue différents de la majorité, déclare la professeure au Département de communication de l’UdeM Maud Gauthier. Ces personnes sexistes sont nombreuses et actives sur internet, elles publient leurs opinions, sans toutefois représenter ce que la société pense en général. »

Selon l’étudiante en communication Claudel Rheault, les internautes se lâcheraient sur la toile. Ils se permettraient d’exprimer des propos discriminatoires tout simplement parce que ces derniers sont anonymes. « Ils ne tiendraient certainement pas ce genre de discours en public », remarque-t-elle.

D’après la chargée de cours au Département d’études cinématographiques Joëlle Rouleau, le sexisme structurel auquel sont confrontées les femmes dans la société québécoise serait « souvent banalisé par les femmes elles-mêmes, non reconnu comme une discrimination, mais plutôt comme un fait. »

Mme Rouleau témoigne avoir souvent entendu des étudiantes de production cinématographique de l’UdeM dire qu’elles ne pouvaient pas être perchistes, cadreuses ou directrices photo parce qu’elles étaient des femmes. « Nous ne sommes pas dans une lutte pour le droit de vote ici, mais cet exemple démontre, selon moi, que nous sommes parfois aussi responsables de nos oppressions », constate la chargée de cours.

Le sexisme est parfois normalisé et intégré dans notre quotidien. Pour lutter contre cette discrimination fondée sur le sexe, commencer par prendre conscience de nos propres réactions sexistes et être à l’écoute des généralisations faites serait déjà un premier pas. « Les oppressions se perpétuent parce qu’on se tait devant les commentaires sexistes par peur de confrontation », remarque Mme Rouleau. Elle ajoute que « se taire, c’est être complice. » La jeune femme appelle à la vigilance et affirme que ne pas reconnaître ces actions oppressantes contribuent à leur maintien et à leur banalisation dans notre société.