Sexe fleur bleue

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Par Pascaline David
mercredi 30 novembre 2011
Sexe fleur bleue

Je ne sais pas si vous avez suivi, mais j’ai évoqué à quelques reprises l’expérience de mon amie Cat en milieu hospitalier.

Aux dernières nouvelles, à la mi-novembre, Cat s’était fait enlever un ganglion à l’aine gauche pour qu’il soit analysé.

Vendredi dernier, elle avait rendez-vous à l’hôpital pour obtenir les résultats de son opération. À son arrivée, un chirurgien lui a remis un formulaire à remplir en vue de la chirurgie qu’elle allait avoir à subir. Mon amie ne comprenait pas. «Est-ce que ça concerne la biopsie d’un ganglion à l’aine gauche?» s’est-elle inquiétée.

Ça concernait effectivement la biopsie d’un ganglion à l’aine gauche.

Dans son dossier, nulle trace de l’opération qu’elle a subie.

Aux dernières nouvelles, Cat s’inquiète de la perte de son ganglion dans les dédales de l’hôpital Jean-Talon. Moi, ce que je me dis, c’est que mieux vaut qu’il soit là qu’il n’ait été égaré au marché.

Après les ganglions, les morpions

Les morpions, je n’en ai jamais eu, mais j’en ai entendu parler. Paraît que ces bestioles sont visibles à l’oeil nu. Quoiqu’il en soit, elles se transmettent sexuellement.

Parlons de sexe.

«Dans la jungle du sexe et des sentiments, la chair est triste, la rage rôde et les couteaux volent bas. La félicité promise par l’exultation des sens brille par son absence» est un passage choc de l’article «La fin de la sexualité» de Sylvie St-Jacques paru dans La Presse le 25 novembre dernier. En tirant un peu de tous les côtés, cet article suggère que l’abstinence peut être une option psychologiquement plus viable que le sexe à tout prix.

C’est un fait : dans notre environnement immédiat comme au gouvernement, nombreux sont les mal-baisés. L’amour, ça paraît vraiment compliqué, parce que les gens ne se donnent pas le temps de le faire dans les règles de l’art. Ils font n’importe quoi avec leurs membres, à fourrer et se faire défoncer.

Dans notre société complètement désaxée en ce qui concerne l’art de vivre, on tend à oublier les plaisirs simples de la vie. Un petit plaisir de la vie, c’est une liberté et une valeur ajoutée aux activités du quotidien qui fait du bien. On peut penser à se délecter de sirop d’érable à grandes cuillerées au déjeuner ou, si l’on vit à la campagne, à gambader nu dans le pré. Être nu est un vrai plaisir de la vie, pas de doute là- dessus. À mon avis, les gens qui, jusque dans l’intimité, éprouvent un malaise à se dénuder sont privés d’un grand sentiment de liberté.

Plus grand petit plaisir de la vie, faire l’amour régulièrement étire la longévité d’une dizaine d’années, et va jusqu’à débloquer les nez bouchés en augmentant le débit d’air dans le corps. C’est fou de même.

De ce que je constate, certaines personnes sont complètement perdues. Elles ne semblent pas avoir saisi que «le sexe est un cadeau donné par Dieu pour les organismes vivants dans le monde.» [NDLR: J’ai lu ce commentaire sur un forum de bladi.net, un site dédié à l’actualité marocaine.]

Où sont-ils, les gens qui vivent des moments d’extase dans leur intimité ? Chaque fois qu’on entend parler de sexe, c’est soit super trash (« grosse soirée qui s’est terminée par une GROSSE baise arrosée, on s’est ramassés à quatre…») soit super plate («moi pis mon chum on baise quasiment plus yo, je me suis acheté un DILDO ») soit super perplexe («mon chum ne pourra JAMAIS me satisfaire sexuellement, j’ai BESOIN de baiser des femmes AUSSI, t’as pas une amie ? ») soit super porno (« checke le vidéo que j’ai trouvé sur Internet, c’est ÉNORME »). On n’entend jamais rien d’émoustillant (« elle m’a caressé avec une plume pendant des HEURES »).

Où sont-ils, les gens qui ne jurent que par les après-midi grivois à boire du champagne rosé en toute frivolité et qui disent : «Ça ne fait peut-être pas rentrer d’argent, mais ça n’en fait pas non plus dépenser, [surtout si le champagne a été offert par les beaux-parents]»?

Mais où sont-ils, les amoureux, qui déambulent les yeux dans les yeux ?

Josée Leboeuf est sexologue clinicienne et psychothérapeute. Elle affirme que les jeunes de la vingtaine qui la consultent tendent à souffrir d’anxiété de performance sexuelle et de dépendance à la pornographie. Ils tendent à perdre le désir en couple parce qu’ils érotisent la nouveauté au détriment du lien engagé et intime.

Comment veux-tu générer un minimum de transcendance sans créer de lien intime ? Sans être un minimum fleur bleue ?

«Le fleur bleue, explique la sexologue Catherine Solano, c’est la possibilité de l’émerveillement. Autant quelqu’un qui enchaîne les relations a besoin de se fermer à sa propre sensibilité pour ne pas souffrir, autant, quand on fait une rencontre avec tendresse, avec un romantisme assumé, c’est un peu comme si chaque amour était à nouveau le premier.»

C’est vraiment la classe, le fleur bleue. C’est tellement la coche, la capacité d’émerveillement.

Savais-tu que « la communication, l’écoute, le respect, l’authenticité, la réciprocité sont des valeurs qui s’appliquent aussi à la sexualité et à l’érotisme», dixit Josée Leboeuf ? Voilà les rudiments de l’art d’être en relation, qui mènent à la compréhension de l’autre.

Loin d’être puceau, un ami me révélait dernièrement qu’il ne savait toujours pas ce qui se tramait avec le clitoris. Après on se demande pourquoi on a des problèmes de société.

Ce qui se vit dans l’intimité se répercute à tous niveaux. Les gens qui ont peur de s’engager et de se donner, à court ou à long terme, comment font-ils pour évoluer dans la sphère émotionnelle et affective ? Jésus avait-il prévu que son message d’amour se rendrait si peu loin?

Puisqu’on n’enseigne plus vraiment le catéchisme, je pense, moi, qu’on devrait enseigner l’art d’être en relation dès la petite enfance (il y a un bébé au dos du journal). À long terme, les psychologues perdraient de l’argent, les sexologues et les pharmaciens aussi, mais les hôpitaux se désengorgeraient. Peut-être qu’on y perdrait moins de ganglions. C’est big de même.