Sang protection

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Par Charlotte Morand
mercredi 29 janvier 2020
Sang protection
Une femme achète en moyenne 12 500 protections hygiéniques au cours de sa vie. Crédits : Jacob Côté
Une femme achète en moyenne 12 500 protections hygiéniques au cours de sa vie. Crédits : Jacob Côté
Le 16 janvier dernier, l’entreprise Mme l’Ovary a présenté un mémoire et des recommandations à l’agglomération de Montréal afin d’obtenir une aide financière pour l’achat de protections hygiéniques réutilisables. Cette initiative vise à lutter contre la précarité menstruelle, qui peut être une réalité pour les étudiantes.
«Même si ces produits sont détaxés au Canada depuis 2015, ils restent un coût supplémentaire pour la femme.»
Erica Athena Lebrun Cofondatrice de l’entreprise Mme L’Ovary

D’ après le mémoire* réalisé par l’équipe de Mme L’Ovary, une entreprise spécialisée dans les culottes menstruelles, le coût annuel des produits d’hygiène féminine jetables équivaut à 70,96 $ en moyenne. « Même si ces produits sont détaxés au Canada depuis 2015, ils restent un coût supplémentaire pour la femme », souligne la cofondatrice de la société, Erica Athena Lebrun. Elle ajoute qu’au cours de leurs recherches, de nombreuses femmes ont avoué avoir des difficultés à se payer des protections hygiéniques. Selon l’ONG Plan international Canada, environ un million d’entre elles au Canada, soit un tiers de celles de moins de 25 ans et des adolescentes, auraient du mal à assurer cette dépense.

Selon la présidente et coordinatrice de l’association Period à l’UdeM, Esther Dubois, les étudiantes peuvent avoir davantage de difficultés à se procurer des protections hygiéniques, car elles sont en précarité financière. « On a remarqué que les étudiantes vont soit les garder plus longtemps, soit adopter des systèmes différents, comme l’usage de papier toilette pour les remplacer », ajoute-t-elle. Pour la jeune femme, il s’agit d’un réel problème, puisque cette stratégie affecte la santé hygiénique et favorise le risque de maladies, à l’instar du syndrome du choc toxique (voir encadré).

Quelles solutions ?

En présentant le dossier à la Ville de Montréal, Mme L’Ovary recommande un remboursement potentiel de 125 $ par femme, renouvelable tous les 5 ans pour les protections hygiéniques durables, comme les coupes ou culottes menstruelles. Selon la cofondatrice, le message a été bien reçu. « Il y avait beaucoup de femmes au conseil municipal, et elles sont venues nous remercier d’oser parler de menstruations dans ce contexte-là, car c’est effectivement rare que la politique et les menstruations soient liées », précise-t-elle.

La chargée de communication pour la municipalité, Linda Boutin, informe que quatre arrondissements de Montréal ont déjà entrepris des mesures allant dans ce sens. Elle ajoute que la Ville travaille également sur la motion de garantir la distribution gratuite des produits menstruels dans les toilettes publiques des édifices municipaux, déposée le 17 juin 2019. « La Ville a depuis entrepris une étude de faisabilité sur cette nouvelle offre de service dans ses installations et un projet pilote sera également réalisé dans des bâtiments municipaux dans les prochains mois », détaille-t-elle.

Le manque de ressources à l’UdeM

En ce qui concerne les étudiantes, aucun dispositif n’est prévu par l’UdeM pour le moment, indique Esther. Elle note que seulement les quatre comptoirs de la FAÉCUM vendent des protections hygiéniques de dépannage sur le campus. L’étudiante estime que c’est insuffisant. « Notre projet pour cette année serait de mettre en place des distributeurs de protections hygiéniques gratuits », affirme-t-elle.

La porte-parole de l’UdeM, Geneviève O’Maera, confirme l’absence de discussion ou de projet en cours à ce sujet. « Cela dit, les étudiantes qui souhaitent en proposer un en ce sens peuvent évidemment le faire », annonce-t-elle.

Une problématique passée sous silence

Pour la cofondatrice de Mme L’Ovary, une sorte de voile a longtemps été jeté sur la question. « La société a été gérée de façon patriarcale, et les menstruations étaient une chose méconnue et tabou, ce qui fait qu’on n’a pas pu en parler sur la place publique », déplore-t-elle.

La professeure de sociologie à l’UQAM Francine Descarries relève également la pudeur qu’il y a eu pendant longtemps à parler du corps des femmes. « Les revendications sur le corps des femmes, comme la ménopause, l’allaitement ou les menstruations, sont beaucoup moins présentes que celles qui touchent le sexe, la sexualité ou le genre, et c’est peut-être pour ça que cette revendication est passée sous couvert », suppose-t-elle. Elle pense qu’il y existe un manque d’intérêt pour la question ou un manque de visibilité ou de leadership des personnes qui mettent en avant cette revendication.

* Olivia Elting, Érica Athena Lebrun, Amélie Côté (2020): L’accessibilité des produits d’hygiène féminine durables pour une agglomération montréalaise zéro déchet.
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