Retour en arrière

icone Campus
Par Félix Lacerte-Gauthier
lundi 30 avril 2018
Retour en arrière
La professeure au Département d’histoire de l’UdeM Denyse Baillargeon (Crédit photo : Courtoisie Denyse Baillargeon)
La professeure au Département d’histoire de l’UdeM Denyse Baillargeon (Crédit photo : Courtoisie Denyse Baillargeon)
Au moins sept départements et facultés ont fêté leur 50e anniversaire de création depuis 2015. La dernière en lice est la Faculté de l’aménagement, qui le célèbre cette année. Quartier Libre a rencontré la professeure au Département d’histoire de l’UdeM Denyse Baillargeon afin d’analyser le contexte des années 1960.

Quartier Libre : Quel est le contexte social de la fin des années 1960 qui peut expliquer ces nombreux anniversaires ?

Denyse Baillargeon : Ça dépend des départements, mais c’est clair que dans les années 1960, il y a toute une nouvelle génération d’étudiants qui sont arrivés à l’Université : les fameux baby-boomers. Il y a eu la création de l’UQAM, mais à l’UdeM, ça va aussi générer une multiplication des départements. Ces jeunes-là arrivent à l’université où ils veulent souvent aller dans des disciplines et des secteurs qui n’existaient pas auparavant.

On est aussi dans une société en changement, où la question de l’éducation est sur le devant de la scène. C’est une période de contestation sociale où il y a beaucoup de questionnements. Toutes les sciences sociales deviennent des domaines qui sont recherchés par les jeunes. On veut se doter des outils intellectuels, théoriques et conceptuels qui vont permettre d’articuler une critique de la société.

Q.L. : Donc, c’est une époque de contestation ?

D.B. : Oui, il y a la contestation qui vient des jeunes, mais il y a aussi une remise en question des structures. C’est la Révolution tranquille. C’est l’époque où on veut moderniser le Québec. Donc, on se penche sur toutes les anciennes structures, qui sont remises en questions, pas seulement par de jeunes révolutionnaires, mais aussi par des bureaucrates.

Par exemple, ce ne sont pas les jeunes qui décident qu’ils veulent une Faculté des sciences de l’éducation. C’est plutôt le gouvernement qui s’interroge sur comment former les jeunes. Cette question est d’ailleurs sur toutes les lèvres à l’époque. Les demandes peuvent venir de plusieurs acteurs sociaux. Ça vient de toutes les directions. Ça crée un contexte favorable à beaucoup de changements et de création.

Q.L. : Jusqu’à quel point l’arrivée de Roger Gaudry a-t-elle pu amener un vent de changement ?

D.B. : C’est le premier recteur laïque. Mais, en même temps, la laïcisation de l’UdeM n’a pas été une bataille. L’archevêque de Montréal de l’époque ne l’a pas contestée. Je crois que l’Église était aussi rendue à réaliser qu’elle n’avait pas à avoir la main haute sur toute l’Université.

Donc, oui, c’est sûr que Roger Gaudry est un laïque et ça fait qu’il y a un autre regard sur la formation universitaire. Mais, ça va également dans l’autre sens. Je crois que Gaudry est aussi le produit de son époque, dans le sens qu’il est aussi sensible à tout ce mouvement qui se passe pendant la Révolution tranquille, où on veut changer les choses et où la société québécoise tend à se moderniser. C’est sûr que Gaudry a contribué à sa manière, mais il n’a pas été le seul. On ne peut pas lui imputer l’ensemble des changements. Il y a tout un contexte favorable.

Q.L. : Comment peut-on utiliser ce savoir pour comprendre l’Université d’aujourd’hui ?

D.B. : Ce que nous montrent les changements d’il y a 50 ans est que tout changement s’inscrit dans un contexte. L’Université de 2018 n’est pas la même que celle de 1968, simplement parce que la société a extrêmement changé. Elle s’est bureaucratisée et commercialisée, la recherche est devenue l’élément le plus important de sa mission. On est dans une société néolibérale, ce qui change la donne. L’Université cherche toujours à être de son temps, ce qui est une constante.