Restée lettre morte?

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Par Cherif Aissat
vendredi 28 mars 2014
Restée lettre morte?
La lettre manuscrite, dépassée par les nombreux moyens numériques, n’a pourtant pas disparu de l’imaginaire collectif. (crédit photo : Isabelle Bergeon)
La lettre manuscrite, dépassée par les nombreux moyens numériques, n’a pourtant pas disparu de l’imaginaire collectif. (crédit photo : Isabelle Bergeon)

La 11e édition de la Francofête à l’UdeM a mis à l’honneur le thème des correspondances. À l’issue de cet événement, un concours d’écriture a été lancé : il met actuellement les étudiants au défi de se replonger dans l’écriture d’une «bonne vieille» lettre. Il s’agit d’une occasion de s’intéresser à un moyen de correspondance qui peut sembler désuet en 2014.

«De nos jours, l’usage de la lettre est supplanté par les outils numériques comme le courriel, les tweets, les textos et les messages envoyés sur les réseaux virtuels comme Facebook, constate le directeur du Département des littératures de langue française à l’UdeM, Benoit Melançon, également auteur de plusieurs livres sur la lettre. Avec le numérique, on peut communiquer rapidement. Avec la lettre, on doit communiquer lentement.»

Face à l’instantanéité des moyens épistolaires numériques, l’usage de la lettre manuscrite risque en effet de devenir au fil des années de plus en plus marginal. L’étudiant au baccalauréat en économie et politique à l’UdeM Aly Cissé a dû récemment écrire une lettre manuscrite à son département afin de motiver une étude qu’il souhaitait effectuer. «Cette exigence m’a un peu surpris, explique l’étudiant, plutôt habitué aux courriels. La rédaction d’une telle lettre va me prendre des jours!»

Lettre et espace social

La lettre n’a pourtant pas totalement disparu de l’imaginaire collectif, selon M. Melançon. «En tant que directeur de département, il m’arrive encore de recevoir des lettres manuscrites, qui déclenchent en moi étonnement et surprise, affirme-t-il. Plus récemment, lors de la tragédie de Lac-Mégantic, les mots s’adressant aux victimes, survivants ou leurs familles, que ce soit dans les églises, sur des babillards ou des grands panneaux, sur des pense-bêtes ou des bouts de papier ont montré que le poids de la lettre perdurait dans l’imaginaire des populations.»

Pour l’étudiant en sociologie et psychologie à l’UdeM Brutus Bayard, la lettre demeure le seul et meilleur moyen de communication avec sa famille et ses amis restés en Haïti dans un village coupé des nouvelles technologies. «La lettre manuscrite est plus une extension de la communication face à face, croit-il. Quand on écrit avec la main, à mon avis, ça aide la mémoire. Prendre son temps et rédiger une lettre de vingt pages et l’envoyer par voie postale à sa famille est un moment de communion.»

Écrire à une image

La Francofête propose cette année à tous les étudiants et autres membres de la communauté universitaire de l’UdeM de participer à un concours d’écriture d’une lettre. Celui-ci consiste, en s’inspirant d’une photographie, à écrire une lettre à une personne proche ou éloignée.

Brutus a décidé de participer au concours et s’est inspiré de la photographie d’une jarre. «Chez nous, nous disons jarre ou canari, dit-il. Dans nos maisons traditionnelles, ces canaris-jarres sont partout. » L’étudiant a décidé de s’adresser directement à cette jarre dans sa lettre. «Pour moi, tu es plus qu’un objet, tu me conserves de l’eau, écrit-il dans sa lettre. Quand je rentre de l’école, je vais boire de l’eau vraiment glacée. Tu étais là quand je suis né. Je t’ai connue depuis que [sic] j’étais enfant. Je te suis vraiment reconnaissant.»

Les étudiants ont jusqu’au 2 avril à 17 heures pour déposer leurs textes au Centre de communication écrite.