Réseaux sociaux et peinture à l’eau

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Par Camille Gladu-Drouin
mercredi 22 avril 2015
Réseaux sociaux et peinture à l'eau
Tim espère vivre un jour de son art.
Tim espère vivre un jour de son art.
L’étudiant au baccalauréat en histoire de l’art Tim Nguyen alias Monsieur Robot a remporté le premier prix de la 6e édition du Concours interuniversitaire de bande dessinée pour son œuvre La fenêtre, le 9 avril dernier. L’exposition itinérante des images primées porte cette année sur le thème « Réseaux ».
« J’ai recommencé plusieurs fois avant d’arriver à une version dont les couleurs me satisfaisaient. Les erreurs sont difficiles à camoufler avec l’aquarelle. »
Tim Nguyen, Étudiant au baccalauréat en histoire de l’art à l’UdeM

« Les juges ont retenu la bande dessinée de Tim Nguyen pour son découpage, sa technique et l’originalité de la vision, explique le responsable du concours de bande-­dessinée, Dominic Poulin. Ils n’avaient pas remarqué que Tim avait proposé deux bandes dessinées, les styles étaient très différents et ont démontré la grande polyvalence au niveau du graphisme. »

La fenêtre présente un moment dans la vie d’une femme et de son chat. Pendant que celle-ci regarde la télévision, s’amuse sur sa tablette électronique ou commande de la nourriture, le chat reste figé à la fenêtre, anxieux, et se sauve lorsque le livreur arrive. La dernière case montre la femme qui regarde par la fenêtre. « Je trouve l’art de la bande dessinée parti­culier parce qu’il est accessible à tout le monde, confie Tim . Tout le monde peut en faire. Pas besoin d’être un as du dessin ou un grand écrivain. »

Tim affirme que plusieurs lectures sont possibles et il préfère laisser au public la liberté de construire sa propre interprétation du récit. Il dit l’avoir lui-même réalisé de manière « très instinctive ». Les fenêtres, qu’elles soient électroniques ou non, se multiplient au fil de l’histoire, d’où le titre de l’œuvre. On ne peut jamais savoir ce que regardent vraiment les personnages et c’est le but de l’exercice que de libérer cet espace de réflexion et de laisser planer un certain mystère, selon Tim. « Ce sont comme des fenêtres sur l’intérieur d’un individu », affirme-t-il.

Le personnage se nourrit, échange, réfléchit et se divertit sans jamais sortir de chez lui. « Je voulais aussi montrer une facette de notre réalité d’aujourd’hui en illustrant un personnage qui peut complètement fonctionner sans quitter son foyer par l’intermédiaire des différents réseaux de communication », renchérit-il.

Les juges ont remarqué des propositions très colorées et diversifiées ainsi qu’une grande application des participants. « Chaque année, on essaie de donner des thèmes qui laissent une liberté d’interprétation », souligne Dominic Poulin.

Le récit est illustré à l’aquarelle, un médium avec lequel l’artiste n’est pas familier, puisqu’il est habitué à faire du dessin. « C’est un médium que je n’avais jamais vraiment essayé, explique l’étudiant . J’ai recommencé plusieurs fois avant d’arriver à une version dont les couleurs me satisfaisaient. Les erreurs sont difficiles à camoufler avec l’aquarelle. »

Le juré a souligné le niveau professionnel de l’œuvre de Tim Nguyen. « La bande dessinée était d’une si grande qualité, qu’elle aurait été pu­bliable telle quelle », affirme M. Poulin.

L’étudiante au baccalauréat en histoire de l’art Marie-Pierre Blain, qui partage la vie de l’artiste, explique que La fenêtre a été pour Tim l’occasion d’essayer une autre technique de coloration. « Tim aime beaucoup l’aspect du non fini dans les œuvres, qu’elles soient illustrées ou peintes, mais il travaille souvent avec l’ordinateur pour la coloration, ce qui ne lui permet pas de donner cet aspect à ses dessins », explique-t-elle.

Le jeune artiste a découvert la bande dessinée avec le personnage comics Lobo de la maison d’édition américaine DC Comics, un mercenaire extraterrestre complètement déjanté, féru de violence et de drogue. Le traitement de l’image intéresse Tim tout autant que l’histoire dans ce type de bandes dessinées. « J’aime beaucoup les déformations et les perspectives déstabilisantes qu’ils emploient », dit-il.

Ses thèmes de prédilections sont, sans surprise, la science-fiction, l’anachronisme et l’absurde. « Ayant eu une formation en illustration, j’ai tendance à m’inspirer de dessins animés de type cartoon comme Ren and Stimpy, ou Rocko’s Modern Life [NDLR : des émissions jeunesses américaines satiriques et loufoques] », explique-t-il.

Un dessinateur acharné

Armé en permanence de son crayon et d’un cahier à dessins, Tim dépeint le monde qui l’entoure, lorsqu’il se sent inspiré.« Tim dessine tout le temps, confirme Marie-Pierre . Vous lui demanderiez ses notes de cours et vous auriez l’impression d’ouvrir un carnet de croquis. Il y a plus de dessins que de notes ! »

L’illustrateur affirme travailler d’arrache-pied pour vivre un jour de sa passion.« J’aimerais énormément faire de la BD et de l’illustration comme gagne-pain, raconte-t-il . Je mets tous mes efforts dans cette direction. Ce concours de BD était pour moi une opportunité de m’essayer à faire une histoire illustrée. » Tim travaille actuellement Chez Geek, un ma­gasin de jeux spécialisé pour qui il dessine un nouveau jeu de table. La peinture de miniatures est également une de ses passions : le jeune homme a notamment déjà peint les armées des jeux de table War Machine et Warhammer.

Son patron, Luca Vince Caltabiano, le décrit d’ailleurs comme l’un des artistes les plus prometteurs qu’il ait rencontré.« Je ne l’ai jamais entendu dire « je travaille », il dit toujours « je dessine », assure-t-il. C’est sa passion et il le démontre à chaque fois qu’on se rencontre. »

Bien que l’exposition au Centre d’exposition de l’UdeM se terminait le 19 avril dernier, il sera possible de la voir en tournée dans les différentes universités du Québec afin de découvrir ces jeunes talents.

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