Regard sur l’autisme

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Par Jamila Taleb
vendredi 2 février 2018
Regard sur l’autisme
D’après Statistique Canada, le nombre de « personnes atteintes d’autisme ou de tout autre trouble du développement » s’élevait à un peu plus de 69 000 en 2003, soit environ 1 Canadien sur 450. (Photo : Benjamin Parinaud)
D’après Statistique Canada, le nombre de « personnes atteintes d’autisme ou de tout autre trouble du développement » s’élevait à un peu plus de 69 000 en 2003, soit environ 1 Canadien sur 450. (Photo : Benjamin Parinaud)
Le nombre de cas d’autisme est en hausse chez les enfants de moins de cinq ans selon l’Observatoire des tout-petits. Le professeur agrégé de clinique au Département de psychiatrie de l’UdeM Baudouin Forgeot d’Arc apporte des précisions sur l’autisme et met l’accent sur les défis que peuvent rencontrer les autistes durant leurs études.

 Quartier Libre : Comment définir le spectre de l’autisme ?

Baudouin Forgeot d’Arc : Il n’y a pas un test ou un critère unique qui détermine définitivement l’autisme. Il y a plutôt un portrait établi en situation d’évaluation-diagnostic, à partir d’informations générales et diversifiées.

Q. L. : Existe-t-il des traits de caractère que l’on retrouve souvent chez les autistes ?

B. F. d’Arc. : Le spectre se définit par deux grands critères. Le premier porte sur l’interaction sociale et la communication. Dans le langage médical, on parle d’altération. Le second concerne le caractère restreint et ritualisé des intérêts et des comportements. La présentation de l’autisme est différente quand il s’agit d’un enfant en bas âge ou d’un adulte avec un niveau intellectuel normal ou supérieur. Le spectre de l’autisme est également très variable en intensité.

Q. L. : Quels défis un autiste peut-il rencontrer dans sa vie d’étudiant ?

B. F. d’Arc. : Tous les autistes ne pourront pas aller à l’université. À priori, celui qui y arrive jouit d’un niveau intellectuel élevé et d’un langage fonctionnel. En plus, il doit avoir surmonté des problèmes d’adaptation dans son apprentissage. Sans vouloir généraliser, l’étudiant autiste peut être sujet à l’isolement. Il a peu d’intérêt pour les conversations et bavardages qui n’ont pas d’autres finalités que de consolider le groupe d’étudiants. Pour la communication non verbale, il produit moins de contacts visuels ou d’expressions faciales, et décode encore moins celles de son interlocuteur. Il va avoir de la difficulté à décoder les messages indirects, implicites, de second degré, au même titre que les expressions imagées ou l’ironie. Il sera plus à l’aise dans un travail individuel, alors qu’un travail de groupe va représenter certains défis relatifs aux compromis et à la gestion du stress. Un autiste aura beaucoup de facilité à faire des recherches sur un sujet qui le passionne. L’autiste sera plus susceptible de suivre des conversations focalisées sur ses sujets d’intérêt ou sur le contenu de l’information plus que sur la valeur sociale de la conversation.

Q. L. : Quels éléments peuvent amener à penser qu’un enfant est atteint d’autisme ?

B. F. d’Arc. : On sait que les jeunes enfants autistes auront des mouvements particuliers ou vont développer des intérêts très spécifiques, souvent en lien avec la recherche de stimulations sensorielles. Par exemple, ils vont s’intéresser à la musique classique ou au jazz. En grandissant, certains vont développer ces intérêts particuliers et d’autres vont tout simplement les perdre. Par contre, il est récurrent de rencontrer, chez les adultes, de la difficulté à composer avec l’imprévu ou l’inattendu. Ça peut devenir une source de stress et de détresse.

Q. L. : Quelles raisons expliquent l’accroissement du nombre de personnes diagnostiquées autistes ?

B. F. d’Arc. : Quand on analyse les données, on s’aperçoit que l’augmentation arrive à tous les âges au même moment. Ce n’est pas une épidémie de petits enfants autistes. L’explication réside dans la sensibilisation et l’information du public qui recherche le diagnostic, en plus du phénomène de substitution du diagnostic*. Il est vrai que la notion du spectre a permis des diagnostics plus nuancés, ce qui a ouvert la porte à la reconnaissance de nouveaux cas et a permis d’offrir des services d’accompagnement à ces cas.

* Diagnostics faits sur des patients atteints d’autisme à qui l’on attribuait, jusqu’aux années 2000, d’autres maladies comme un retard mental ou des troubles d’apprentissage.