L’image du chercheur dans sa tour d’ivoire n’est pas récente, selon le professeur au Département de psychologie de l’UdeM et directeur de l’Équipe RENARD, Christian Dagenais. «La culture de recherche n’a pas été conçue pour que ça sorte des universités, mais pour que le transfert de connaissances se fasse auprès de nos pairs et de nos étudiants », croit-il. Le chercheur observe néanmoins un effort récent qui se manifeste à l’université et dans les salles de classe pour renverser cette tendance.
M. Dagenais offre d’ailleurs un cours aux étudiants en psychologie aux cycles supérieurs sur le transfert de connaissances qui, cette année, est ouverte à tous les autres étudiants de l’UdeM. Ils y apprennent ce que le professeur décrit comme les méthodes, théoriques ou pratiques, utilisées pour optimiser la diffusion du savoir issu de la recherche universitaire. Ces outils se présentent sous la forme de notes argumentatives pour le développement de politiques, de présentations vidéo ou de supports visuels pour une conférence scientifique.
L’étudiant au doctorat en bioéthique à l’École de santé publique Charles Marsan fait partie de ceux qui ont pu accéder à cette formation en dehors du programme de psychologie. Ce dernier, qui a choisi la formation pour son enrichissement personnel, perçoit une méconnaissance de la présentation du savoir issu de la recherche auprès de la communauté étudiante. « Les jeunes chercheurs croient à tort que le transfert de connaissances repré- sente la rédaction d’articles scientifiques et d’allocutions dans des conférences d’experts à l’aide d’une présentation PowerPoint pendant 10 minutes », observe-t-il. Charles soutient que les principes du transfert de connaissances devraient être enseignés dans les différentes disciplines universitaires.
Retombées publiques
« J’ai eu un plus grand groupe que jamais, et les étudiants sont unanimes à dire qu’ils devraient tous assister à un cours comme celui-là, soutient M. Dagenais, qui défend l’importance de cet aspect du travail du chercheur depuis plusieurs années. Ils disent également que, lorsqu’on fait une thèse ou un mémoire de maîtrise, il faudrait prévoir un plan de transfert des connaissances à produire dans les activités universitaires, parce qu’il devrait y avoir un retour à la communauté. » Ces plans, demandés par les organismes subventionnaires, requièrent de la part des chercheurs d’indiquer les données découvertes grâce à leurs recherches, celles qu’ils souhaitent partager avec le public ciblé et quels intervenants sont impliqués.
Cet intérêt pour l’optimisation du transfert de connaissances s’explique en partie par les exigences des organismes subventionnaires, selon M. Dagenais. « Les instituts de recherche en santé du Canada nous demandent de produire un plan d’application des connaissances et des activités pour faire en sorte que les résultats soient diffusés, explique le professeur. De plus, ils obligent les chercheurs à publier leurs articles dans des revues d’accès libre ou que ceux-ci le soient au plus tard un an après. »
En ce sens, certains étudiants cherchent également à multiplier les retombées auprès du public au moyen de l’apprentissage du transfert de connaissances. « Quand est venu le temps de déterminer mon sujet de thèse, j’ai voulu m’assurer que mon projet de recherche laisse une trace, qu’il ait un impact réel sur le public », explique l’étudiante au doctorat en recherche-intervention en psychologie clinique Sandra Lafortune. Travaillant sur l’effet du stress chez les femmes enceintes, celle-ci cherche à informer la population ciblée par ses recherches sans l’inquiéter.
Hormis certaines recherches financées par des fonds privés, le professeur indique qu’un plan de transfert de connaissances est demandé à la plupart des chercheurs universitaires. « Toute la recherche sociale est financée avec des fonds publics et lorsqu’on parle d’utilisation de fonds publics, il me semble nécessaire qu’il y ait des retombées publiques », affirme M. Dagenais. Une position partagée par certains Centres intégrés universitaires de santé et de services sociaux (CIUSSS) qui offrent des formations individualisées aux chercheurs et organismes souhaitant préparer leur stratégie de transfert de connaissances.
Si la séance de formation du 15 mars n’a pu avoir lieu pour des raisons météorologiques, elle demeure néanmoins dans la ligne directrice de l’Équipe RENARD, qui déploie ses effectifs de recherche pour une diffusion plus large de ces procédés. L’association des étudiants en bioéthique propose également, le 28 mars, un colloque concernant les transferts de connaissances en sciences sociales.