Recette politique

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Par Emma Guerrero Dufour
jeudi 13 décembre 2018
Recette politique
Midnight Kitchen est l’une des trois soupes populaires universitaires indépendantes de Montréal. À l’UdeM, le collectif MutineRiz a arrêté ses opérations en 2016. Crédit photo : Benjamin Parinaud.
Midnight Kitchen est l’une des trois soupes populaires universitaires indépendantes de Montréal. À l’UdeM, le collectif MutineRiz a arrêté ses opérations en 2016. Crédit photo : Benjamin Parinaud.
Sur différents campus universitaires montréalais, des collectifs étudiants s’organisent en marge des administrations pour offrir des repas végétaliens gratuits à leur communauté. Portraits de soupes populaires dont les revendications débordent du chaudron.
« Midnight Kitchen puise ses origines dans une organisation politique antimondialisation et anticapitaliste, qui visait à aider les personnes les plus vulnérables et marginalisées. »
Nat Alexander - Membre du collectif Midnight Kitchen

«Ça s’inscrit directement dans une idée de création de réseaux d’entraide et d’un certain anticapitalisme », lance un membre du collectif Ras-le-bol*, qui opère à l’UQAM. Le groupe d’action alimentaire radical se définit avant tout comme une organisation politique.

À Concordia, le People’s Potato a une mission similaire. L’initiative prend le nom de Midnight Kitchen à McGill. Offrant des plats gratuits et végétaliens, ces collectifs autogérés disent vouloir mettre en place, sur les campus, une option différente des services alimentaires institutionalisés qui soit à la fois inclusive et abordable.

Ils proposent également des ateliers de cuisine et d’éducation populaire, comme dans le cas du dîner offert il y a deux semaines par le Midnight Kitchen, où il a été question d’enjeux sociopolitiques liés à l’alimentation.

En dehors des sentiers battus

Exister en dehors du cadre administratif de l’Université permet de venir en aide aux plus vulnérables, comme les réfugiés et les personnes queers, selon le Midnight Kitchen. « Je suis moi-même queer et je sais que certaines personnes peuvent avoir de la difficulté à trouver un endroit où manger et se sentir confortable », raconte Nat.

Lors d’un atelier sur la politique de l’alimentation donné par le collectif à l’Université McGill, les membres de l’organisation étudiante ont expliqué que plusieurs banques alimentaires demandent des documents officiels d’identification à leurs bénéficiaires. « Moisson Montréal exige des papiers, mais à Midnight Kitchen, on veut prioriser les gens qui n’ont pas facilement accès aux autres banques alimentaires », affirme Nat.

Du côté de Concordia, le People’s Potato offre depuis plusieurs années une soupe populaire qui se démarque des services alimentaires traditionnels. « Originellement, ça a été créé parce qu’il n’y avait pas d’options abordables sur le campus, raconte la personne membre du collectif, Root**. Il y avait un monopole des compagnies de cafétéria comme Chartwells. »

Les revendications dans l’assiette

La volonté du Ras-le-bol de l’UQAM est de voir émerger une initiative solidaire et anticapitaliste assurant la sécurité alimentaire des Montréalais. « On parle beaucoup d’étudiantes et d’étudiants, mais les repas sont pour toute personne dans le besoin ! précise le Ras-le-bol. Nous acceptons tout le monde. »

Le son de cloche est similaire à McGill. « Midnight Kitchen puise ses origines dans une organisation politique antimondialisation et anticapitaliste, qui visait à aider les personnes les plus vulnérables et marginalisées », se remémore Nat.

Pour sa part, le People’s Potato, qui est financé par les cotisations étudiantes, s’est souvent allié à des associations d’étudiants qui œuvrent pour une plus grande justice sociale comme des groupes écologistes ou LGBTQ +. « On offre un service de distribution de nourriture à des organismes qui ont des valeurs similaires pour que leurs évènements soient plus accessibles », précise Root.

Les trois organisations proposent un menu végétalien dans une perspective d’inclusion, selon Root. « C’est principalement pour être accessible aux personnes qui sont végétaliennes, mais aussi aux personnes allergiques, ou qui ont d’autres restrictions alimentaires », soulève la personne membre du People’s Potato.

Derrière les casseroles

Chacune des initiatives fonctionne grâce à sa base de bénévoles. « On a un collectif de 10 travailleurs et travailleuses, mais on a de 15 à 20 bénévoles chaque jour, précise Root. Sans nos bénévoles, on ne pourrait rien faire. » Côté nourriture, les collectifs anglophones s’approvisionnent principalement chez Moisson Montréal, un important distributeur de denrées alimentaires dans la région. À l’UQAM, des subventions leur permettent d’acheter des aliments, mais le Ras-le-bol mène actuellement des démarches pour obtenir les invendus de boulangeries voisines.

La soupe populaire permet à la communauté d’être solidaire tout en luttant contre différentes oppressions systémiques, selon Nat, du Midnight Kitchen. « Nous nourrissons ceux et celles qui sont sur la ligne de combat, essentiellement », soutient la personne membre du collectif. Nat conclut qu’il y a des gens qui manifestent dans la rue et des gens qui cuisinent, les deux ayant un rôle équivalent et tout aussi important dans la lutte pour la justice sociale.

*Le Ras-le-bol préfère parler en tant que collectif, l’intervenant ne souhaitant pas être formellement identifié. **Cette personne préfère n’utiliser que son prénom.

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