Réal Munger vous répond

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Par Jean-Simon Fabien
mardi 9 novembre 2010
Réal Munger vous répond

Cette semaine, votre expert-conseil cède les rênes à Réal Munger, animateur et cofondateur du Sportnographe. Ce dernier vous aidera à mieux saisir les contours théoriques de l’implication partisane de Canadien et de ses conséquences sur votre vie d’étudiants universitaires.

Qui est le partisan du CH?

Il est possible de définir le partisan postmoderne grâce à quatre éléments constitutifs : un fanatisme pour le grand club qui frôle la maladie mentale, un appétit féroce pour la boisson, un intérêt marqué pour les médias sportifs et un certain goût pour la confrontation d’opinion dans les abysses du Web 2.0.

Pour Réal Munger (prononcez Moune-Gère si vous êtes Pierre Houde), ces composantes de l’hygiène du partisan ont une valeur sociologique fabuleuse. En effet, le discours sportivo-partisan serait issu de la politique : les schèmes de représentation propres à la société québécoise se retrouvent aujourd’hui dans l’horizon de sens de la partisanerie de Canadien.

On comprend pourquoi partisanerie rime avec alcool et prises de position violentes et contradictoires : en rejetant la politique, domaine désormais abstrait pour le Québécois moyen, le sport, et plus particulièrement Canadien, est devenu le lieu de l’engagement. «Les Russes se pognent le cul», «Y’a pas assez de francophones dans le club», «Koivu ne parlait pas français» sont autant de propos galvaudés par le partisan que de témoignages si typiques de notre ambivalence politique. Ils rappellent à la fois le discours de droite « boboches » postaccommodements raisonnables d’Éric Duhaime (qui ne semble même pas comprendre ses propres positions), le traumatisme postréférendaire et le « vote ethnique » de Jacques Parizeau.

Le partisan, soutient Munger, est un conglomérat de paradoxes non assumés et l’incohérence de ses positions ne fait que rendre plus frappant encore son état de déni.

Comment l’étudiant peut-il ne pas tomber dans les affres de la partisanerie ?

Pour Munger, lui-même ex-étudiant à la maîtrise en science politique à l’UQAM, être un partisan sérieux de Canadien tout en étant sérieux, dans des études sérieuses, relève de l’exploit.

Puisqu’il est impossible d’être partisan à moitié, soutient notre homme, la réussite de ses études réside dans le degré de compréhension par l’étudiant de sa condition de partisan «premier degré», c’est dire, « intensément partisan ». Celui-ci est conscient de son amour envers le club centenaire, il est responsable face à celui-ci et peut agir. Le second type de partisan est aliéné : un fanatique en déni de sa propre aliénation et donc incapable de modifier son comportement.

Réal Munger soutient que pour un étudiant du premier type, Canadien ne sera qu’un loisir lui permettant, le temps d’un Méchant Mardi Molson Ex, de faire le vide et de rester concentré sur la rédaction de son mémoire.

Cependant, pour le second type, le scénario est plus sombre : il est tellement fan que de toute façon son engagement envers le grand club ne lui permettra pas de faire plus qu’un DEP. Il vivra ensuite une vie rangée en banlieue sans se poser de question.

Le partisan-étudiant au service de la société ?

Réal Munger, grand manitou, est assez inquiet du cynisme politique et de la bêtise dans le discours sportif. Il affirme sans broncher du sourcil menaçant que notre rapport à la partisanerie explique notre surplace sociétal. Il blâme les universitaires: ceux-ci devraient davantage s’intéresser au monde du sport.

C’est l’intellectuel qui, devant les experts-sportifs, considérés comme autant de demi-dieux, doit faire la part des choses quand vient le temps de parler de sport : il est le prozac des esprits fiévreux friands de différentiels et de minutes de pénalités.

Camarades étudiants amateurs de hockey, le Québec ne pourra prospérer sans vous. La prochaine fois que vous entendez quelqu’un appeler P.K. Subban «Bamboula», usez de votre éducation postsecondaire pour lancer, au bar, un débat sur le racisme au Québec.

Cette chronique ne vous est pas présentée par Jean Perron.

Le Sportnographe se veut un observatoire en médias sportifs. Vous pouvez écouter l’émission à la Première Chaine de Radio- Canada les vendredis à 19 h. www.sportnographe.com