Du hip-hop à Pop Montréal ? Le festival montréalais le plus à l’affût des tendances musicales internationales en tous genres nous a habitués à de l’indie rock, du folk et de l’électro. Mais, du 19 au 23 septembre, les programmateurs invitent une quinzaine d’artistes hip-hop québécois à se produire. Le fondateur et directeur artistique, Dan Seligman, nous explique ce qui l’a séduit.
« On a maintenant une scène hip-hop très différente de celles de Toronto et de New York, affirme le fondateur. Elle est de plus en plus intéressante et originale.» Des événements chroniques comme les Word Up Battles – joutes de battle rap a capella – et les Art Beat – improvisation libre de beatmakers – ont récemment permis à la scène montréalaise de se rassembler et de dépasser les frontières du hip-hop traditionnel.
Le rappeur et producteur KenLo – qui se produira deux fois dans le cadre du festival (voir au bas de la page) – constate également cet engouement. «Avant, on était juste des geeks dans des sous-sols qui faisaient de la musique sur des ordinateurs, explique-t-il. Je suis vraiment content de voir que, finalement, notre musique réunit autant de gens.»
Devant cette vitalité, les programmateurs de Pop Montréal ont invité une horde de rappeurs d’ici, dont Alaclair Ensemble, Boogat, NSD, Cadence Weapon, Les Anticipateurs et D-Track.
C’est pourtant le groupe acadien Radio Radio qui a ouvert les horizons musicaux au directeur artistique Dan Seligman. «Je les ai vus il y a cinq ans dans un festival au Nouveau- Brunswick, raconte celui qui est également gérant du rappeur et musicien éclectique Socalled. Depuis, je me fais un devoir d’être au courant de ce qui se passe dans le hiphop francophone.»
Pop au sens large
Même si certains de ces artistes ont des refrains accrocheurs, aucun ne peut réellement s’autoproclamer « pop » dans le sens «Justin Bieber » du terme. Un élément qui, paradoxalement, entre dans le mandat de Pop Montréal. «Pour nous, le terme “pop” vient de “peuple”, explique M. Seligman. On programme la musique du peuple sous toutes ses formes, tant qu’elle est audacieuse. Ça élimine presque juste le classique et le jazz.»
Son principal coup de coeur cette année : le trio Loud Lary Ajust (voir au bas de la page). «Je trouve leur musique puissante, explique-t-il. Il y a beaucoup de basses dans les beats, et l’énergie des rappeurs est incroyable.» L’un des rappeurs du trio, Lary Kidd, voit leur présence à Pop Montréal, ainsi que celle de nombreux autres rappeurs québécois comme le signe d’une scène hip-hop en pleine santé. «Ceux qui y performent sont là à cause de la qualité de leur musique et non de leur langue», croit-il.
Le directeur artistique est convaincu que ce genre de groupe a le potentiel d’attirer tous les Montréalais, même s’il est francophone. « La théorie des deux solitudes ne se ma – nifeste pas dans le hip-hop, qui comporte une dimension universelle, analyse-t-il. La plupart du temps, quand vous aimez ce style, vous l’aimez, peu importe d’où il vient. »
CADENCE WEAPON (par Mathieu Mireault)
«Je pense sincèrement que je suis incomparable», affirme avec conviction le Montréalais d’adoption Cadence Weapon. Le rappeur, auparavant critique pour Pitchfork sous son vrai nom Rollie Pemberton, n’a peut-être pas tort. Son style atypique est difficilement catégorisable, mélangeant rythmes urbains et noise rock. «J’ai ouvert une nouvelle voie, je suis le chef de file et j’espère que d’autres artistes me suivront », affirme le rappeur qui a été sélectionné dans la courte liste du prix Polaris 2012 – récompensant le meilleur album canadien selon la critique.
Cadence avoue que son style a été influencé par les nombreuses connaissances qu’il a faites lorsqu’il est déménagé à Montréal, notamment Grimes et Sean Nicholas Savage. «Je suis reconnaissant qu’ils m’aient accepté ouvertement et chaleureusement malgré mes différences artistiques, explique le rappeur. Ce genre de chose arrive toujours à Montréal et c’est pour ça que j’adore cette ville».
Le rappeur, qui prendra d’assaut les tables tournantes du Club Soda après le spectacle du phénomène internet Lil B, ressent beaucoup de fierté à jouer à Pop Montréal. «Pop Montréal est probablement l’un des meilleurs festivals dans le monde. Mon plan de match est de saouler Lil B pour qu’il vienne faire le party chez moi après le spectacle», ditil en riant.
Cadence Weapon avec Lil B et Lunice : Club Soda, 1225, boul. St-Laurent 21 septembre, 20 heures
02 (KENLO ET CAO) (par Mathieu Mireault)
Cette édition de Pop Montréal est spéciale pour KenLo qui jouera aux côtés de sa copine Cao dans le cadre de leur projet 02. «Ma blonde est enceinte jusqu’aux dents. Ça va être beau à voir sur scène», rigole-t-il.
Intitulé La vie est un miracle, leur premier maxi, paru au début de l’été, est une ode à la vie empreinte de positivisme. Sur des airs souls, KenLo chante, tandis que Cao l’accompagne avec sa flûte et sa voix jazzée. Le tout détonne des airs de piu piu – hip-hop expérimental montréalais – qui ont fait la renommée de KenLo dans les dernières années.
Pour la première fois sur scène, le duo sera accompagné par d’autres musiciens.
L’artiste voit la transition entre ce projet et son travail de beatmaker comme bénéfique. «Dès que je reçois des fleurs pour un projet, je dois tout de suite sortir de ma zone de confort. C’est le seul moyen pour moi de rester inspiré», raconte celui qui sera également de la partie avec son groupe Alaclair Ensemble à la Sala Rossa le 20 septembre.
02 avec Dead Obies, Lysick et Dice B : Quai des Brumes, 4481, rue St-Denis 19 septembre, 20h30
LOUD, LARY, AJUST (par Mathieu Mireault)
Le trio Loud, Lary, Ajust a rapidement gravi les échelons pour se retrouver aujourd’hui parmi les groupes de rap locaux les plus demandés. Avec seulement un album en poche – Gullywood, disponible gratuitement sur internet depuis mai dernier – le groupe a déjà partagé la scène avec plusieurs artistes de renom, tels que Big Boi (l’un des membres d’Outkast), Loco Locass et Alaclair Ensemble.
Le son particulier de l’album produit par Ajust s’inspire du glam rock et du synth pop des années 1980. Côté paroles, le groupe s’illustre à l’aide d’images contrastées, avec le rêve américain comme toile de fond. «Je pense que l’humain peut s’épanouir à travers le matérialisme, explique Lary. Ça nous inspire d’en parler, surtout de notre point de vue de jeunes dans le début de la vingtaine qui n’ont pas encore accumulé grand-chose.» Le titre de l’album témoigne de la rencontre entre la vie de ruelles et le «glamour » hollywoodien.
L’habileté des rappeurs à mélanger l’anglais et le français épate. « Pour nous, rapper en franglais, c’est naturel, avoue Lary. C’est la manière dont on se parle entre nous, avec nos amis.» Le rappeur ne croit pas que la présence de l’anglais dans ses paroles a avantagé le groupe lors de sa sélection à Pop Montréal. «Je crois que c’est plutôt une consécration de notre talent», se vante Lary.
Loud, Lary, Ajust avec Alaclair Ensemble et Maybe Watson : Sala Rossa, 4848, boul. St-Laurent 20 septembre, 22 heures