Que feront les étudiants pour 265 millions de dollars ?

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Par Vincent Allaire
mardi 22 mars 2011
Que feront les étudiants pour 265 millions de dollars ?

Que penser de la nouvelle hausse des droits de scolarité ? En 2016-2017, les étudiants paieront collectivement 265 M $ de plus pour payer leur scolarité. Pour vous aider à vous y retrouver, voici une analyse de l’argumentaire utilisé par la ministre de l’Éducation, Line Beauchamp, et le ministre des Finances, Raymond Bachand.

La ministre de l’Éducation, Line Beauchamp, expliquait dans Le Devoir du 18 mars que la hausse est une question « d’éthique entre les générations ». Selon cette logique, les étudiants en 1968 payaient annuellement 500 $ pour fréquenter l’université. Avec l’inflation, cela donnerait 3793 $ en 2016-2017. C’est exactement la somme ciblée par le gouvernement Charest. Pourquoi 1968? C’est l’année où les droits de scolarité ont été gelés pour la première fois.

Cependant, ce calcul ne tient pas compte des frais afférents. C’est que le gouvernement ne contrôle que les droits de scolarité en lien avec les crédits d’université. Les frais afférents varient ensuite d’une université à l’autre. Mais, le gouvernement fait preuve d’aveuglement volontaire en ne tenant pas compte de ces frais.

Regardez votre facture d’université et vous verrez des frais obligatoires de toutes sortes. Ces frais n’existaient pas en 1968. Ils ont été instaurés pour la première fois en 1986 par le ministre de l’Éducation de l’époque, Claude Ryan.

À l’UdeM, les frais institutionnels obligatoires s’élèvent en 2010 à 367,25 $ par année. Cela s’ajoute aux autres frais non obligatoires comme votre cotisation au Quartier Libre. Bref, en 2016, les étudiants de l’UdeM devront payer près de 4500 $ pour une année universitaire, et non 3793 $ tel qu’annoncé par le gouvernement Charest. Au revoir « équité entre les générations ».

Le gouvernement semble en effet appliquer ce concept seulement quand cela lui convient. Des groupes sociaux ont dénoncé dans Le Devoir que, suivant cette logique, l’aide sociale devrait être augmentée à 813 $ par mois au lieu des 567 $ actuels en 2010.

La situation du Québec a évolué depuis quarante ans. En 1969, les dépenses du gouvernement totalisaient 3,37 milliards de dollars. En tenant compte de l’inflation, cela représenterait aujourd’hui une somme de20,7 milliards de dollars. Le budget 2010 de Raymond Bachand prévoit une dépense quatre fois plus élevée de l’ordre de 84,25 milliards. Le gouvernement d’aujourd’hui a beaucoup plus de responsabilités qu’avant, mais a les moyens de ses ambitions. La hausse des droits de scolarité ne repose donc pas sur un principe d’équité, mais sur des considérations politiques.

Il faut partager les efforts…

Dans son discours du budget, Raymond Bachand mentionne que la hausse s’inscrit dans une volonté de partager les efforts pour le financement des universités.

Dans les faits, la part du gouvernement dans le financement des universités baissera de 54 à 51,4 %, malgré le fait que le gouvernement investira 850 M $ supplémentaire dans le réseau universitaire d’ici 2016-2017. Comment cela se peut-il ? Grâce à la hausse des droits de scolarité. La contribution des étudiants passera de 12,7 % à 16,9 %. Le gouvernement se désinvestira lentement, année après année, du financement des universités.

Un vrai partage des efforts aurait pu être observé si le gouvernement maintenait sa contribution à 54 %. Dans ce cas, les étudiants auraient payé plus, mais le gouvernement aurait aussi haussé de manière substantielle sa contribution pour ne pas transférer un fardeau supplémentaire aux étudiants.

Rejoindre la moyenne canadienne

Même après la hausse, sans tenir compte des frais afférents, les étudiants québécois paieront environ 70 % par rapport à la moyenne canadienne. Bonne ou mauvaise chose ? Regardons ce que disent les étudiants en Ontario qui, eux, payent plus que la moyenne canadienne. Sur la page d’accueil de la Fédération canadienne des étudiants, on peut lire le constat suivant : « Les étudiants en Ontario payent les plus hauts droits de scolarité au Canada, étudient dans des classes plus bondées et reçoivent le moins de financement par personne que tout autre étudiant au Canada. » Est-ce que c’est cela que le Québec veut pour l’avenir de ses universités ? Une éducation qui coûte plus cher avec un désinvestissement de l’État ?

Accessibilité

Est-ce que cette nouvelle hausse va réduire l’accessibilité à l’éducation ? À long terme, il est possible de s’attendre à ce que les étudiants les plus démunis soient de moins en moins présents dans les universités. L’exemple de l’Ontario est frappant. Après avoir déréglementé les droits de scolarité en médecine, les étudiants démunis ont tout simplement arrêté d’appliquer dans cette faculté. Conséquence immédiate : le revenu familial moyen des étudiants en médecine est passé de 80 000 $ à 140 000 $. Le Québec n’est pas rendu là, mais c’est dans cette direction que se dirigent les universités québécoises.

Bref, le gouvernement ne prend pas encompte les frais afférents dans ses calculs. Il se désinvestit lentement du financement des universités. Les étudiants plus démunis auront plus de difficulté à accéder à l’université. C’est aux étudiants de décider maintenant de la marche à suivre à partir de maintenant. Ils ont fait la grève en 2005 pour récupérer 103 M$. Que feront-ils cette fois pour 265 M $ ?

Hausse des droits de scolarité en chiffres

• Dès l’automne 2012, les étudiants payeront 325 $ de plus par année, pendant les cinq prochaines années.

• Hausse totale: 1625 $.

• Trente crédits universitaires coûtent cette année 2068 $.

. En 2016-2017, ils coûteront 3793 $.

• En 2016-2017, les droits de scolarité auront atteint 70 % de la moyenne canadienne, sans compter les frais afférents.

• La contribution étudiante actuelle au financement des universités est de 12,7 %. en 2016-2017, elle sera de 16,9 %.

• La contribution du gouvernement chutera de 54 % à 51,4 %.