Que feriez-vous ?

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Par Charlotte Biron
mardi 9 novembre 2010
Que feriez-vous ?

Au printemps dernier, des passants
ont ignoré un itinérant poignardé qui
demandait de l’aide dans la rue une
heure durant. L’homme avait été
blessé en essayant de défendre une
femme attaquée à coups de couteau.
L’incident s’est produit à New York et
fait écho à une panoplie de faits divers
dans lesquels les témoins agissent en
sourds et muets.

Le plus connu de ces cas date de 1964.
En pleine nuit, Kitty Genovese a été
poignardée, a crié à l’aide, un témoin
a dit à l’agresseur de partir, il a semblé
fuir, mais est revenu, a violé et
finalement tué la jeune femme. Si vous
avez entendu l’histoire, ce n’est ni du
viol ni du meurtre dont on vous a vraiment
parlé, c’est du nombre de personnes
qui ont entendu les cris de
Kitty Genovese. Aucun de ces témoins
n’a réagi, malgré les hurlements.

À Montréal, le premier novembre
dernier, vers 11 h 30, sur la rue
Darlington, il y avait un vieil homme
couché de travers sur le bord du trottoir,
son sac d’épicerie ouvert, sa
canne, ses clés et ses cartes plus loin.
Au nord, à deux coins de rue, HEC
Montréal, à quatre coins de rue, les
pavillons Jean-Brillant et Lionel-
Groulx. Au sud, la Faculté de l’aménagement
et l’hôpital. L’homme à l’horizontale
a le visage dans le sang, les
yeux ouverts, l’oeil hagard, il tremble
beaucoup. Son manteau imite la couleur
des sacs de poubelles verts tout
près et le ciel celle du gris vomi. Sur
le trottoir près de lui, une dame avec
des talons bruns pointus porte des
lunettes fumées et marche, pressée.
D’un bon pas, un étudiant, iPod vissé
sur les oreilles, lunettes sans verres
et notes de cours sous les yeux, la
suit. Combien d’autres humains sont
passés avant eux, ignorant naturellement
et spontanément le sac d’épicerie
renversé, la canne, le corps et le
sang ? Qui sait.

Un agent de la STM a finalement aidé
le vieil homme. Il a pris du temps
pour se pencher par terre et écouter
le vieillard lui expliquer qu’il avait le
nez cassé et peut-être d’autres blessures
au visage. Il a taché ses mains
de sang, au contraire de tous les
autres passants.