Que devient le théâtre?

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Par Valérie Paquet
mercredi 4 septembre 2013
Que devient le théâtre?
Les vendredis du 4 octobre au 1er novembre, le théâtre Aux Écuries présentera la pièce Ubu sur table selon la formule «Vendredi dis-ton-prix». (Photo: courtoisie Théâtre Aux Écuries)
Les vendredis du 4 octobre au 1er novembre, le théâtre Aux Écuries présentera la pièce Ubu sur table selon la formule «Vendredi dis-ton-prix». (Photo: courtoisie Théâtre Aux Écuries)

Depuis près de 10 ans, le taux d’occupation des salles de théâtre de la belle province ne cesse de décroître. Il oscille aujourd’hui autour des 70 %. Les compagnies théâtrales doivent également composer avec des coupes de subventions de plus en plus fréquentes. Le théâtre serait-il en voie de disparaître du paysage culturel ?

Le professeur invité au Département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’UdeM Jean-Marc Larrue explique que le marché a changé. « L’offre a augmenté et il y a une mutation des goûts du public », soutient-il. Cinéma, spectacles de variété, festivals : toutes les formes de divertissement sont en compétition entre elles. Il mentionne par exemple que les humoristes ont de plus en plus la cote auprès du public québécois. Il est donc plus rare que le théâtre soit choisi par le public.

Au sein même de l’industrie du théâtre, le nombre de pièces ne cesse d’augmenter.  Malheureusement, l’assistance ne grandit pas et se renouvelle peu. « Les spectateurs sont souvent les mêmes d’un théâtre à l’autre et se retrouvent répartis dans une multitude de spectacles », avance M. Larrue. Simon Beaulé-Bulman, fraîchement diplômé du Conservatoire d’art dramatique de Montréal, le constate aussi. « Il y a tellement de théâtres et tellement de gens qui en font, juge-t-il. C’est un problème, mais en même temps c’est un beau problème. »

Démocratiser le théâtre

Il est clair que le théâtre n’est pas aussi populaire que d’autres divertissements, comme le cinéma. « Les gens ont souvent une idée fausse du théâtre ou n’en ont pas eu une expérience positive », soulève Simon Beaulé-Bulman.

Au théâtre Aux Écuries dans le quartier Villeray, on a vite saisi qu’il fallait rendre le théâtre plus accessible. Le jeune théâtre qui connaît une hausse de fréquentation depuis deux ans offre au public la formule du « Vendredi dis-ton-prix ». Chaque vendredi, on laisse le soin au spectateur de fixer le prix de son billet. « Ce que l’on véhicule, ce n’est pas que c’est gratuit, au contraire, explique la directrice artistique du théâtre, Marcelle Dubois. L’idée est que tu décides toi-même combien vaut la culture pour toi. »

Mme Dubois y voit aussi une façon de démocratiser l’art dramatique. « Aller au théâtre ce n’est pas élitiste, assure-t-elle. Tu peux aller au théâtre avec un t-shirt et parler du spectacle avec tes amis autour d’une bière après. » Avec cette offre, le théâtre souhaite attirer un public différent et plus jeune, composé entre autres d’étudiants. « L’idée de « Vendredi dis-ton prix«  c’est d’ouvrir le théâtre », ajoute-t-elle.

Pour M. Larrue, cette initiative est une bonne idée à court terme. « Auparavant, on passait le chapeau après les représentations et on a arrêté de le faire, car c’était difficile à gérer à long terme, se souvient-il. C’est une belle expérience, mais on ne peut dire si ce sera viable. » Comme Mme Dubois, il pense que l’avenir du théâtre réside dans l’accessibilité.

Selon lui, le théâtre doit sortir de son contexte traditionnel, s’adapter au public et être amené aux gens d’une façon différente. « Le public aime les festivals, il faut développer cette formule ainsi que le théâtre de rue qui marche beaucoup à l’étranger », poursuit-il.

Les pièces qui incluent de la musique ou du cirque s’inscrivent dans cette nouvelle façon de présenter le théâtre en empruntant d’autres éléments au monde du divertissement, susceptibles de plaire à un public plus large.

La valeur de la culture

Avec cette initiative, le théâtre Aux Écuries ne cherche pas seulement à garnir sa salle, mais aussi amorcer une réflexion sur la valeur de la culture auprès du public. C’est ce que le spectateur est amené à faire en fixant son propre prix.

Simon Beaulé-Bulman croit que la valeur qu’on attribue à la culture est aussi une partie du problème. « Les gens croient que la culture ne coûte rien, ils n’ont pas l’impression que ça devrait coûter quelque chose, avance-t-il. Le plus important, c’est de la valoriser. »

Même si les arts numériques s’imposent de plus en plus, il est probable qu’il y ait une relance du théâtre. « Il y a une tendance vers la numérisation, explique Simon Beaulé-Bulman. Je pense qu’il va y avoir un retour au théâtre par réaction, justement dû au fait que tout est dépersonnalisé. Le théâtre, les arts de la scène, c’est une expérience en direct. »

Avec les efforts mis de l’avant par l’industrie, la balle semble se trouver dans le camp des spectateurs. Reste à voir si le théâtre réussira à se démarquer aux yeux du public.