Quand l’âge devient source d’idées

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Par Emilie Descoteaux
vendredi 9 septembre 2016
Quand l’âge devient source d’idées
Stand foire 3.0 : deux générations se rencontrent autour des nouvelles technologies. Crédits photo : Mathieu Gauvin
Stand foire 3.0 : deux générations se rencontrent autour des nouvelles technologies. Crédits photo : Mathieu Gauvin
Innovation, économie créative, technologies émergentes et vieillissement : quatre enjeux étonnamment reliés et explorés lors de la foire Âge 3.0, qui a eu lieu à l’Université Concordia le 25 août dernier. L’occasion pour étudiants et chercheurs d’exposer les différentes avenues créatives amenées par le vieillissement imminent de la population.

Si la tendance se maintient, on comptera plus de personnes âgées que d’enfants au Canada en 2017, selon un rapport publié par le Département de démographie des Nations unies. Organisée conjointement avec Ageing + Communication + Technologies (ACT), un groupe de recherche de l’Université Concordia, et Communautique, un organisme communautaire de Montréal dédié à l’apprentissage, à la collaboration, à la recherche et à l’expérimentation en innovation sociale et technologique, la Foire 3.0 a été l’occasion de constater que le thème du vieillissement n’est pas synonyme de déclin, mais de créativité.

« Une personne âgée, ce n’est pas juste un corps, il y a un vécu, un bagage immense derrière, et ça mérite qu’on s’y attarde plus longuement, qu’on ne le voit pas juste comme un problème à régler », soutient la professeure au Département de communication de l’UdeM Line Grenier, conférencière à la Foire 3.0.

C’est justement ce que cherche à montrer l’assistante de recherche au Media Mobil Lab [NDLR : Laboratoire de recherche centré sur le mouvement] de l’Université Concordia et étudiante à la maîtrise en communications Myriam Lebel-Bernier. Elle participe au projet Fragments de vie, une exposition de photographies numériques créée par cinq artistes de la Résidence Hillside à Westmount, dans laquelle ils examinent leur propre vie en détail. « Notre but est de créer un environnement d’enseignement intergénérationnel où les participants âgés peuvent aussi partager leurs connaissances avec les organisateurs de l’atelier, créant ainsi un échange circulaire et non pyramidal des connaissances », explique Myriam.

Pour l’étudiante, la photographie est apparue comme un choix de médium évident, car les résidents participant à l’initiative l’avaient déjà tous manipulée. « Motiver leur créativité personnelle permet de démystifier les nouvelles technologies souvent perçues comme étant froides et intimidantes pour les personnes âgées », ajoute-t-elle. Une approche très positive, selon Myriam, considérant l’enthousiasme des participants et le succès de cet atelier, qui s’exporte d’ailleurs dans d’autres résidences pour personnes âgées au Québec.

Stéréotypes 3.0

Étudiante postdoctorale à la Lancaster University en Angleterre et titulaire d’un doctorat en communications à l’UdeM, Maude Gauthier s’est quant à elle intéressée à la manière dont les personnes âgées sont perçues et à la documentation sur Wikipédia, en collaboration avec le groupe de recherche ACT. L’équipe a constaté que la majorité des articles à leur sujet concernaient principalement les processus biologiques et les enjeux de santé reliés au vieillissement.

L’objectif de Maude et son équipe est d’apporter du nouveau contenu sur les aspects culturels et communicationnel, qui manque cruellement dans l’encyclopédie numérique, ce qui démontre l’âgisme [NDLR : les préjugés sur l’âge] présent dans la société. « Wikipédia est une encyclopédie populaire et très influente dans de nombreuses sphères de la société, explique l’étudiante. Nous avons donc réuni des chercheurs afin de contrer l’absence de certains travaux actuels. »

Des notions à revoir

Des initiatives de recherche qui constituent un premier pas vers une nouvelle conception du vieillissement dont la perception est complètement à revoir, selon Line Grenier. La professeure s’est exprimée sur ce sujet lors d’une conférence intitulée Repenser les stéréotypes et les acquis liés au vieillissement .

« Vieillir, ça ne commence pas à 65 ans! s’exclame la professeure Line Grenier. Tout l’aspect négatif qui y est rattaché, de la crème antirides jusqu’à toutes les chirurgies inimaginables, démontre une immense peur de cette transformation qui est, au bout du compte, inévitable. » Mme Grenier focalise ses recherches sur les liens entre la musique, les technologies et le vieillissement, à travers différentes expérimentations. Un de ses plus récents projets de recherche examine la manière dont les médias numériques, le jeu et le travail créatif peuvent arbitrer les expériences des adultes au sein d’un club de musique dédié à la création de musique numérique.

« Beaucoup de personnes âgées sont elles-mêmes persuadées qu’après un certain âge, on est finis ! lance Line Grenier. Et que ce n’est qu’un long déclin par la suite. » Il est temps, selon la professeure, que le vent tourne et que le financement soit réparti de manière à enfin contrer les préjugés.