Prévenir avant de guérir

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Par Tahia Wan
mercredi 13 novembre 2013
Prévenir avant de guérir
La travailleuse sociale jennifer drummond est à l’initiative du centre d’aide aux victimes d’agressions sexuelles de l’université concordia qui a ouvert ses portes le 11 novembre dernier. (crédit photo : Pascal Dumont )
La travailleuse sociale jennifer drummond est à l’initiative du centre d’aide aux victimes d’agressions sexuelles de l’université concordia qui a ouvert ses portes le 11 novembre dernier. (crédit photo : Pascal Dumont )

Environ un étudiant sur quatre est victime d’une agression sexuelle durant son cycle d’études post secondaires selon le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec. Le phénomène reste méconnu des universités, qui tardent à mettre en place une cellule spécialisée en matière d’agression sexuelle. Contrairement à l’UdeM, l’Université Concordia vient d’ouvrir un Centre d’aide aux victimes d’agressions sexuelles.

L’UdeM n’a pas d’infrastructures physiques spécialement dédiées aux victimes d’agressions sexuelles. Seul le Bureau d’intervention en matière de harcèlement (BIMH)* est à la disposition des étudiants. Il permet aux victimes de harcèlement d’obtenir confidentiellement des renseignements, des conseils ainsi qu’une aide pour accomplir les démarches nécessaires contre le harceleur.

L’UdeM juge redondant de consacrer un service exclusivement aux victimes d’agression sexuelle. «Le Bureau du harcèlement reste à l’écoute sur toutes sortes d’affaires, rappelle le porte-parole de l’UdeM, Mathieu Filion. Il offre non seulement une aide psychologique, mais aussi médicale via le CSPS.» La directrice du Centre de santé et de consultation psychologique de l’UdeM (CSCP), France Mckenzie, précise toutefois que les organes de l’établissement travaillent collégialement. «Le Bureau d’intervention en matière de harcèlement travaille en collaboration avec le Bureau de la sûreté et les services de santé de l’UdeM», affirme Mme McKenzie.

Du temps à Concordia

Le Centre d’aide aux victimes d’agressions sexuelles (SARC) a ouvert le 11 novembre dernier à l’université Concordia. Faute de moyens ou par refus de se pencher sur cette problématique, il aura fallu deux ans de pression par le Centre de lutte contre l’oppression des genres de l’Université Concordia pour que le SARC soit officiellement mis en place. «Deux ans de lobbying auprès de l’université ont été nécessaires afin de faire entendre notre voix, déclare la coordonnatrice du Centre, Julie Michaud. Parce qu’accepter d’ouvrir un centre spécialisé sur la question, c’est comme affirmer que le problème existe dans notre université.»

Le mandat du Centre en ce début d’activité est d’accompagner les étudiants victimes en leur fournissant aussi bien un soutien scolaire qu’une aide psychologique. Il offre aussi la possibilité d’obtenir des accommodements auprès de l’université, ainsi que de déposer une plainte officielle ou de prendre rendez-vous avec d’autres conseillers. Dans des cas extrêmes, une personne du Centre peut même, par un service de bénévolat, accompagner la personne en classe si l’agresseur fait partie du même cours, souligne Mme Michaud.

«Elle pourra aussi accompagner la victime au tribunal, fournir des informations et apporter des ressources dans le respect des lois juridiques», précise la travailleuse sociale à l’initiative du SARC, Jennifer Drummond. Ce service permet de faciliter l’accès des victimes aux différents services dont elles auraient besoin. «Le Centre offre une intervention en situation de crise, une orientation vers les différentes aides présentes sur et hors du campus», résume la travailleuse sociale.

À la différence de l’UdeM, le SARC accompagne aussi bien les victimes d’agression sexuelle sur le campus qu’à l’extérieur, lors de fêtes. Cependant, en cas d’agression sur un étudiant par un autre étudiant à l’extérieur de l’Université, le BIMH ne fournit pas aux victimes un soutien personnalisé sur le campus. Ces dernières sont conseillées et orientées vers un poste de police, qui prendra en charge le dossier.

Le SARC insiste sur son rôle de soutien aux victimes d’agression sexuelle et déplore la tendance de la société à les blâmer. «Souvent, lorsque qu’une personne subit l’expérience d’une agression sexuelle, on va avoir tendance à la questionner, “Qu’est-ce que tu faisais lorsque c’est arrivé ? Que portais-tu?” », regrette Mme Michaud. Autant de questions qui, pour elle, développent, voire accentuent, un sentiment de honte.

De la prévention avant toute chose

Mme Michaud affirme que le problème est systémique. Une éducation du non-viol devrait être accompagnée d’un désir de changer les mentalités, car la femme est aujourd’hui vue comme une femme-objet. «Ce phénomène est en partie la conséquence d’une culture du viol qui s’est imposée dans notre société», dénonce Mme Michaud. Cette attitude normalise les actes d’agression sexuelle.

Depuis quelques semaines, une affiche décore les murs de l’Université Concordia. Celle-ci représente une jeune étudiante ayant trop bu, endormie sur un lit. À ses côtés, un homme déboutonnant son pantalon avec pour slogan «Ceci n’est pas un acte sexuel, c’est une agression ». Une agression sexuelle ne se limite pas qu’au viol. Un acte est qualifié d’agression sexuelle à partir du moment où celui-ci est réalisé sans le consentement de la personne visée.

Les statistiques de la Santé et des Services sociaux du Québec montrent que dans 80 %, voire 85% des cas, l’agression est commise par quelqu’un de l’entourage. «Il apparaît souvent dans l’esprit des étudiants qu’un agresseur ne pourrait jamais être quelqu’un que l’on connaît», rappelle Mme Michaud.

En partenariat avec le SARC, le Centre de lutte contre l’oppression des genres de l’Université Concordia a mis en place plusieurs activités d’information et de sensibilisation des étudiants, ainsi que plusieurs ateliers de prévention des agressions autour de la notion de consentement. Leur constat a été le suivant : les étudiants ont souvent des idées incomplètes et éloignées de la réalité de la définition d’agression sexuelle, la notion de consentement étant trouble dans l’esprit des étudiants. Mme Michaud rappelle la nécessité d’éduquer les étudiants des écoles postsecondaires à la sexualité qui reste encore un sujet tabou de notre société. «Même au postsecondaire, la sexualité reste un sujet délicat auquel les étudiants doivent être sensibilisés», souhaite la coordonnatrice de l’Association.

Le 22 novembre prochain, une marche intitulée À nous la nuit sera organisée par les Centres contre la violence afin d’encourager toutes les universités à mettre en place une cellule spécialisée dans la prévention et le traitement des agressions sexuelles. Un appel qui n’a pas encore été entendu par l’UdeM. Pour Mme Michaud, il est essentiel de remettre cette problématique à l’ordre du jour. De son côté, l’Université organise la Semaine de prévention du harcèlement, du 11 au 15 novembre.

semaine de prévention du harcèlement
Du 11 au 15 novembre. Plus d’information : www.harcelement.umontreal.ca

*Le Bureau du harcèlement de l’UdeM n’a pas souhaité s’exprimer à ce sujet.

Article modifié le 14 novembre 2013