Portrait d’artiste engagé : Yanick Létourneau, pélerinage révolutionnaire

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Par Didier Charette
mardi 6 mars 2012
Portrait d'artiste engagé : Yanick Létourneau, pélerinage révolutionnaire

«L’Afrique n’est pas pauvre, l’Afrique est appauvrie. » C’est sur ces paroles prononcées par le rappeur sénégalais Didier Awadi que commence le documentaire Les États-Unis d’Afrique, en salle depuis le 2 mars. Le réalisateur Yanick Létourneau a filmé pendant deux ans les pérégrinations de l’artiste qui suit les traces de Lumumba, de Sankara et de Malcolm X. Rencontre avec un cinéaste au discours révolutionnaire.

«Tous ceux qui ont tenté de changer l’Afrique de l’intérieur ont été assassinés. » – Yanick Létourneau, réalisateur engagé (Crédit photo : Didier Charette)

«Ce que les gens connaissent de l’Afrique, c’est la pauvreté, l e s enfants-soldats et l’aide humanitaire, mais on ne se questionne jamais sur les raisons de cette situation, explique le réalisateur de 41 ans diplômé en communication à l’Université Concordia en 1996. Ce n’est pas en donnant de l’argent à Vision Mondiale que les choses vont changer, c’est en expliquant les choses comme le fait Didier Awadi.» Tout au long des États-Unis d’Afrique, Yanick Létourneau filme Didier Awadi à la recherche des traces des révolutionnaires africains décédés.

Le rappeur de 42 ans prépare le projet le plus important de sa carrière: l’album rap Présidents d’Afrique, une oeuvre engagée pour éduquer les populations africaines sur l’histoire de leurs pays et sur leurs figures marquantes. Il fouille dans les archives nationales africaines pour y trouver des discours de Patrice Lumumba, président du Congo assassiné en 1961, de Tomas Sankara, politicien anti-impérialiste du Burkina Faso assassiné en 1987, et de Malcolm X, orateur américain assassiné en 1965, pour ne nommer que ceux-là.

Didier Awadi se rend en France pour avoir accès aux archives de son pays, le Sénégal, ancienne colonie française. Il fait escale à New York pour collaborer avec M-1 du groupe américain Dead Prez, et à Washington pour assister à l’investiture de Barack Obama, qu’il considère comme un symbole de réussite pour les Africains.

En accompagnant le rappeur, Yanick Létourneau a vu les injustices dont les Africains sont victimes. « Si l’Occident est capable de se payer des appareils à bon prix, c’est qu’il prend les matières premières là où ça ne coûte pas cher, raconte le réalisateur. «Au cours de l’Histoire, tous ceux qui ont tenté de changer l’Afrique de l’intérieur ont été assassinés. L’Occident provoque des coups d’État pour maintenir le statu quo.»

Le rappeur sénégalais Didier Awadi en vedette dans Les États-Unis d’Afrique

Le hip-hop a toujours été au coeur des intérêts du réalisateur. Son premier documentaire, Chronique urbaine, exposait la réalité crue des rappeurs québécois Sans Pression et Yvon Krevé, deux figures incontournables du rap d’ici. «Au départ, Les États-Unis d’Afrique était censé être un film sur le hip-hop africain, explique Yanick Létourneau. Mais quand j’ai rencontré Didier Awadi lors d’un voyage au Burkina Faso, j’ai changé d’angle.»

Il voulait, cette fois-ci, livrer un discours plus politique, voire révolutionnaire. «Je ne peux pas faire la révolution en Afrique moi-même, mais je peux passer le message des artistes, affirme-t-il. Mon film se veut un message important pour les jeunes Africains, mais il est davantage un outil de sensibilisation pour le public occidental habitué à un discours formaté sur l’Afrique.»

Les États-Unis d’Afrique, à l’affiche à l’Ex-Centris depuis le 2 mars.

Hausse des frais de scolarité injustifiée

Selon Yanick Létourneau, réalisateur du film engagé Les États-Unis d’Afrique, le gouvernement québécois doit investir massivement dans l’éducation. «Le gouvernement fait fausse route en augmentant les frais, affirme-t-il. Cela n’a que des impacts positifs d’avoir une société éduquée. Autrement, le peuple sert de main-d’oeuvre pour les pays riches. C’est ce qui se passe en Afrique. Il y a eu des coupes dans l’éducation, dans les services sociaux. Maintenant, le peuple doit apprendre des sous-métiers et l’élite s’en met plein les poches.»