Portefeuille étudiant

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Par Catherine Poisson
mercredi 8 mars 2017
Portefeuille étudiant
Selon Carole Legault, l’étude de l’IRIS qui démontre que les étudiants ont 1465$ de plus dans leurs poches ne tient pas compte des avantages fiscaux retirés depuis. Crédit photo : Marie Isabelle Rochon
Selon Carole Legault, l’étude de l’IRIS qui démontre que les étudiants ont 1465$ de plus dans leurs poches ne tient pas compte des avantages fiscaux retirés depuis. Crédit photo : Marie Isabelle Rochon
En 2012, les étudiants québécois passent à l’histoire en déclenchant un mouvement qui deviendra la plus longue grève étudiante du pays. Ils parviennent ainsi à bloquer la hausse des droits de scolarité annoncée par le gouvernement de Jean Charest. Mais, cinq ans plus tard, sont-ils réellement en meilleure posture économique ?
« Même si, officiellement, les droits de scolarité n’ont pas augmenté depuis 2012, les réductions des avantages fiscaux par le gouvernement ont fait en sorte qu’il en coûte quand même plus cher aux étudiants. »
Carole Legault, comptable professionnelle agréée spécialisée en fiscalité.

Une étude de l’Institut de recherche et d’informations socioéconomiques (IRIS) publiée le 14 février dernier conclut que la grève étudiante de 2012 a permis des économies de 1 465 $ par année pour chaque étudiant inscrit à temps plein à l’université, soit 4 395 $ pour un baccalauréat de trois ans. Ce constat laisse entendre que les étudiants québécois se trouvent dans une situation économique meilleure que s’il n’y avait pas eu la grève.

Or, selon la comptable professionnelle agréée spécialisée en fiscalité Carole Legault, cela n’est que partiellement vrai. « Même si, officiellement, les droits de scolarité n’ont pas augmenté depuis 2012, les réductions des avantages fiscaux par le gouvernement ont fait en sorte qu’il en coûte quand même plus cher aux étudiants », souligne-t-elle. Revenu Québec offre un crédit d’impôt pour frais de scolarité ou d’examen. En 2012, ce crédit était de 20 % du montant total, mais, le 29 mars 2013, il a été réduit à 8 %. Concrètement, cela signifie qu’un étudiant qui déboursait 3 500 $ en droits de scolarité en 2012 recevait par la suite 700 $ en crédit d’impôt. Depuis 2013, ce même étudiant ne reçoit plus que 280 $ ; autrement dit, sa scolarité lui coûte 420 $ de plus par année.

Le même stratagème s’observe du côté de l’Agence du revenu du Canada. Depuis le 1er janvier 2017, les crédits d’impôt fédéraux pour études et pour manuels sont abolis. « Auparavant, le gouvernement calculait qu’il en coûtait 400 $ par mois pour être étudiant à temps plein, et 65 $ par mois pour les manuels, précise Mme Legault. En multipliant 400 $ et 65 $ par le nombre de mois d’études à temps plein, on obtenait un montant sur lequel le gouvernement offrait 15 % de crédits d’impôt. » Ainsi, en étant aux études à temps plein huit mois par année, un étudiant pouvait recevoir 558 $ en crédits d’impôt. Ces crédits étant désormais abolis, il en coûtera 558 $ de plus à cet étudiant en 2017.

Qu’en pensent les étudiants ?

Pour l’étudiant au baccalauréat en science politique Darcy L’Italien, il ne fait aucun doute que les étudiants ne sont pas plus riches qu’ils ne l’étaient en 2012. « Par contre, nous sommes certainement en meilleure position que nous l’aurions été sans la grève », croit-il. Selon lui, la réduction des crédits d’impôt ne constitue pas un obstacle à l’accessibilité aux études au même titre qu’une hausse des droits de scolarité. « Pour payer de l’impôt, il faut déjà faire pas mal d’argent par année, estime l’étudiant. Alors, pour les plus pauvres, ne pas recevoir de crédits d’impôt ne change rien étant donné qu’ils ne paient sans doute pas d’impôt de toute façon. Ce qui est significatif pour eux, c’est qu’ils ne se font pas demander 1 625 $ de plus pour étudier. »

L’étudiant au baccalauréat en mathématiques Étienne Léonard-Dufour est également d’avis que la grève a été bénéfique pour les étudiants, mais il ajoute que leur situation n’est pas rose pour autant. « Énormément d’étudiants éprouvent encore des difficultés financières, énonce-t-il. Pour ma part, mes parents paient mes études, mais, si ce n’était pas le cas, je ne crois pas que je serais à l’université. » Il est donc légitime de penser que le « Printemps érable » a amélioré la position des étudiants, mais les faits démontrent qu’ils sont encore loin d’avoir 1 465 $ de plus dans leurs poches.

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