Plein phare sur Full moon

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Par Thomas Martin
lundi 4 juin 2018
Plein phare sur Full moon
Le prix remporté par Benjamin récompense le meilleur texte paru au cours de la dernière année dans Mœbius, une revue de littérature québécoise. (Crédit photo : Courtoisie Benjamin Gagnon-Chainey)
Le prix remporté par Benjamin récompense le meilleur texte paru au cours de la dernière année dans Mœbius, une revue de littérature québécoise. (Crédit photo : Courtoisie Benjamin Gagnon-Chainey)
Le doctorant au Département des littératures de langue française de l’UdeM Benjamin Gagnon-Chainey a récemment remporté le Prix du public – Mœbius 2017. Il revient pour Quartier Libre sur ce prix, son œuvre et ses études en parallèle.

Quartier Libre : Quelle a été ta réaction quand tu as su que tu gagnais le Prix du public ? Qu’est-ce que cela représente pour toi ?

Benjamin Gagnon-Chainey : Lorsque la directrice de la revue, Marie-Julie Flagothier, m’a annoncé, en janvier 2018, que Full moon était sélectionné par un jury de libraires indépendants de partout au Québec, pour être l’un des 5 finalistes au Prix du public – Mœbius 2017, ma joie a été triple.

Tout d’abord, j’ignorais qu’un tel prix existait. Le seul fait que Full moon ait ouvert le numéro d’automne 2017 de Mœbius était déjà en soi un accomplissement pour le texte. Il trouvait sa voix publique. De le voir sélectionné par un jury de libraires indépendants, dont j’admire la vocation et le rôle primordial qu’ils jouent dans le paysage littéraire québécois, était pour moi un grand honneur.

D’apprendre que le lectorat a finalement choisi Full moon pour le Prix signifie beaucoup pour moi, même si je sais que tous les textes littéraires ont leur propre valeur, bien au-delà des prix qui tendent artificiellement à les hiérarchiser. Ce qui m’enthousiasme au-delà de cette réalité pragmatique, et l’équipe de la revue l’a écrit en annonçant le prix, c’est que Full moon est un texte qui ne tombe pas sous le sens. J’ose croire aussi qu’il exige une ouverture d’esprit à l’enchevêtrement des discours, et un investissement de la pensée dans la lecture.

Ce qui me réjouit enfin, c’est que la participation populaire au concours a été très généreuse, selon l’équipe de Mœbius. Je me réjouis de cette participation autant que du Prix, car cela signifie que le concours a attiré un grand, et peut-être nouveau, lectorat à la revue, qui est selon moi l’une des plus enthousiasmantes du paysage littéraire québécois.

 

Q. L . : De quoi traite Full moon ?

B. G.-C. : Le texte met en scène un dialogue éclaté entre un neurochirurgien et un patient atteint d’une tumeur cérébrale. La pleine lune monte dans le ciel alors que la biopsie de l’un deux – lequel ? – se prépare à tâtons dans la nuit. Full moon est un polylogue nocturne, peut-être, où les voix s’entremêlent, où les langages fuient avec leurs sens à leur suite. Leur multiplicité n’aurait d’égal, je l’espère, que la porosité syncopée de leurs frontières.

 

Q. L.: Que t’apportent tes études à l’UdeM dans ton processus créatif ?

B. G.-C. : Je crois que la littérature est avant tout un art des langages. En cela, le fait d’interroger et d’analyser ces différents langages par le prisme des études littéraires, qui exigent à la fois rigueur critique et flexibilité intellectuelle, m’aide à savoir un peu plus ce que je fais quand j’écris. Les zones d’inconnu sous toutes ses formes sont infinies en création littéraire et c’est, je crois, à leur assaut que les écrivains et les poètes poussent leurs plumes. La création littéraire nécessite une discipline et une assiduité qui ne sont pas étrangères aux études doctorales, même si parfois la doxa sociale nous porte à croire que les poètes sont des êtres de flânerie et de contemplation. Le travail des poètes et des écrivains est d’une grande difficulté et d’une grande complexité. On doit s’y investir, mettre sa peau sur la table, prendre des risques, dont ceux de se faire avaler par le texte, ou encore d’échouer, ce qui n’est pas toujours triste en soi. Si ces risques essentiels de la création ne sont pas pris, assurément la force du texte en souffrira et cela se sentira.

 

Q. L.: Cette reconnaissance va-t-elle te pousser à développer des projets littéraires prochainement?
B. G.-C. : Cela me donne du courage, c’est sûr, et tous les littéraires savent qu’écrire et publier en nécessite beaucoup. En revanche, je crois sincèrement qu’il ne faut jamais attendre de la reconnaissance si l’on cherche à vivre de la littérature. Il faut trouver sa motivation directement dans sa propre volonté de donner voix à ce qu’on a en dedans, à l’amener à s’exprimer dans le dehors, peu importe le jugement que le lectorat portera sur ses textes.