Personal Jesus : Jésus de Rome

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Par Davide.Buscemi
mardi 10 janvier 2012
Personal Jesus : Jésus de Rome

Après une retraite artistique à Rome en 2008, l’auteur et comédien Gaëtan Nadeau rentre au pays et écrit Personal Jesus, une oeuvre qui célèbre à la fois la magnificence du patrimoine italien et la sensualité à travers le catholicisme. Jusqu’au 15 janvier au Théâtre Prospero, il renoue avec sa pièce dans une nouvelle version peaufinée et plus assumée que celle de 2009. Il nous narre sa rencontre bouleversante avec Rome, la ville aux sept collines et aux mille étourdissements culturels, qui constitue la toile de fond de sa pièce.

Gaëtan Nadeau bien couché sur son récamier (Crédit photo: Courtoisie Angelo Barsetti)

Quartier Libre : Quelle est la première chose qui vous a marqué en arrivant à Rome ?

Gaëtan Nadeau: La douceur hivernale. En plein mois de janvier, des terrasses bondées, forcément pour un Québécois, ça contraste. Au-delà de la carte postale, la lenteur dominicale m’a plu. Les dimanches à Rome, tout est arrêté. C’est l’occasion de prendre du temps pour soi ou pour sa famille, car c’est important là-bas. Quand j’étais enfant, au Québec, dans les années 1970, c’était semblable. Puis, on a pris le rythme de la consommation et de la productivité…

Q. L. : Avez-vous ressenti une variante du syndrome de Stendhal (NDLR: maladie psychosomatique qui entraîne des vertiges, voire des hallucinations chez le voyageur dépaysé) ?

G. N. : Oui, absolument ! Surtout à la cathédrale de Florence. J’ai été fasciné par l’oeil scrutateur de Dieu dans sa loge triangulaire ou par les représentations du diable qui « grignote du mortel comme on grignote des chips», comme c’est dit dans la pièce. Il y a comme une perte de repères dans cette ivresse visuelle. J’ai été dépaysé également par les rues romaines qui incarnent un festival de sensualité : les odeurs culinaires, les fragrances s’exhalant des cafés, l’esthétique architecturale, la musicalité de la langue italienne. Une orgie de couleurs aussi avec ces femmes qui portent des imprimés qu’on voit rarement ailleurs. Même les hommes hétérosexuels arborent des teintes flamboyantes. Pour me remettre de ce décalage culturel, il m’a fallu plusieurs mois de réadaptation à la vie nord-américaine.

Q. L. : Vous habitiez dans le Monteverde Vecchio, le quartier où vivait l’écrivain Pier Paolo Pasolini 50 ans plus tôt. Que diriez-vous à un étudiant québécois qui ne le connaît pas ?

G. N.: Je lui dirais que c’est rare, encore aujourd’hui, un tel accomplissement : poète, écrivain, polémiste, réalisateur et éditorialiste. Ensuite, il accordait une grande importance aux petites gens. Pasolini a été le premier à dire qu’il n’y avait aucune honte à être paysan et que l’on pouvait être un intellectuel tout en assumant ses origines rurales. Puisque je suis originaire de Neuville, un village agricole du comté de Portneuf, ça a été déterminant pour moi.

Personal Jesus, voyage initiatique

Un électrophone est éclairé d’un rai de lumière. Un chant monotone s’échappe du crépitement d’un 78 tours et vient fendre le silence d’un public plongé dans le noir.

Une silhouette surgit de l’obscurité, le crâne luisant. C’est l’auteur en personne et son cadre de vie romain: ses cours d’italien, les rencontres insolites et le dolce farniente qui en émane. Éloge de la lenteur, luxe dans un monde pressé. Gaétan Nadeau confronte le Québec des années 1970 – de son enfance – à une Italie restée traditionnelle.

L’ensemble paraît minimaliste : côté jardin, un secrétaire rustique où trône le tournedisque ainsi qu’une méthode d’italien. Côté cour : un récamier – long siège conçu pour s’allonger – habillé d’une peau de bête synthétique sur lequel Gaétan Nadeau se déplace, tel un radeau évoluant sur une mer scénique.

Personal Jesus est l’oeuvre impressionniste et éclectique d’un performeur étonnant, paradoxe d’un corps lourd mû en ballerine gracile lorsqu’il ondoie au rythme de la musique. Les fragments vidéo et le monologue déclamé en guise de guide complètent cet assemblage artistique.

Le pèlerin Gaétan Nadeau, parti sur les traces de Pier Paolo Pasolini, en est revenu avec Personal Jesus, un voyage initiatique pétri de sensualité.