Payer le juste prix?

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Par Anne-Marie Provost
mercredi 2 octobre 2013
Payer le juste prix?
«Les dictionnaires vendus à la librairie de l’UdeM sont une exception et bénéficient d’un rabais de 20 %, pour faire face à la concurrence. » – Mélanie Primeau, gérante des trois librairies de l’UdeM.(Crédit photo: Pascal Dumont)
«Les dictionnaires vendus à la librairie de l’UdeM sont une exception et bénéficient d’un rabais de 20 %, pour faire face à la concurrence. » – Mélanie Primeau, gérante des trois librairies de l’UdeM.(Crédit photo: Pascal Dumont)

Limiter les rabais à 10 % sur les nouveaux livres pendant neuf mois. C’est ce que proposait l’Association des distributeurs exclusifs de langue française (ADELF) durant la Commission parlementaire sur la réglementation du prix des livres neufs, qui a pris fin le 20 septembre dernier. Si elle est approuvée par les députés, cette modification à la « loi du livre » aura toutefois peu de conséquences pour les étudiants de l’UdeM.

Le ministre de la Culture et des Communications, Maka Kotto, a écouté plusieurs représentants des milieux économiques, académiques et du livre sur sa proposition, qui vise à empêcher l’offre de rabais trop importants sur les nouveaux livres qui sortent en librairies. À la suite de ces audiences, il a promis, par voie de communiqué, de « proposer des mesures […] dans des délais raisonnables ».

Malgré que la proposition touche les coopératives scolaires, elle ne devrait pas avoir un grand effet sur la facture étudiante. « Ça ne nous affecte pas, souligne la gérante des trois librairies de l’UdeM, Mélanie Primeau. Nous avons peu de nouveautés à grand succès et nos rabais étudiants sont déjà en bas de 10 %. »

Même son de cloche du côté de la librairie indépendante Olivieri, située à proximité du métro Côte-des-Neiges, où beaucoup d’étudiants vont s’approvisionner pour leurs cours. « Nos rabais étudiants sont déjà de l’ordre de 10 %, donc nous allons pouvoir le préserver », affirme le copropriétaire et fondateur de la librairie, Yvon Lachance.  

M. Lachance précise que la majorité de ses livres commandés par les professeurs et vendus aux étudiants ne sont pas des nouveautés. « Les étudiants ne seraient pas affectés par cette loi si elle venait à être adoptée », affirme-t-il.

Librairies menacées

La proposition du gouvernement péquiste vise en fait les grandes surfaces comme Costco ou Walmart, qui vendent principalement des livres à succès. Elles offrent des rabais importants allant jusqu’à 30 %, ce que les librairies indépendantes ne peuvent pas se permettre.

Cette compétition serait une des causes des problèmes financiers de plusieurs libraires indépendants. En cinq ans, seize librairies ont dû fermer leurs portes au Québec selon les chiffres de l’Union des écrivaines et écrivains québécois.

Il y a déjà 13 ans, la commission Larose recommandait un prix unique sur les livres pour contrer l’hémorragie. De son côté, la librairie Olivieri appuie et défend la position du ministre Kotto de limiter les rabais.

« L’avantage de cette proposition pour les librairies indépendantes est qu’elles ne perdent pas leur clientèle sur la vente des best-sellers», soutient Yvon Lachance, qui passait devant la commission parlementaire le 19 septembre dernier.

Celui-ci affirme que ses clients sont tentés d’aller dans les grands magasins pour acheter, par exemple, un dictionnaire Larousse, qui leur revient moins cher. « La nouvelle loi ne ferait pas venir chez Olivieri des clients de chez Costco qui ne se déplacent jamais ici, mais ça inciterait nos clients actuels à acheter leurs nouveautés ici au lieu d’aller ailleurs », analyse-t-il.

Les nouveautés à grand succès rapportent les meilleures marges de profit et permettent aux librairies d’équilibrer leur budget tout en offrant des livres qui se vendent moins bien. « Les best-sellers représentent 500 livres sur les 30 000 nouveautés qui sortent par année », chiffre Yvon Lachance.

L’étudiant en littérature à l’UdeM et délégué sortant aux affaires académiques de l’Association des Étudiants en littératures de langue française de l’UdeM (AELLFUM), Maxime Lecompte, reconnaît que les prix plus bas offerts par les grandes surfaces peuvent favoriser l’accessibilité aux livres. « Mais la vente de livres à succès dans une librairie permet aussi de vendre à perte des livres qui ont leur importance, nuance l’étudiant, qui travaille depuis un an à la librairie Raffin. Ça permet une diversité et elle est menacée à l’heure actuelle. »

Pas de concensus

Toutefois, ce ne sont pas tous les intervenants du milieu du livre qui sont en faveur d’une réglementation. Les Éditions Québec Amérique et les librairies Renaud-Bray se sont de leur côté positionnées contre.

Le président-directeur général de Renaud-Bray, Blaise Renaud, pointe plutôt du doigt les distributeurs. « Il faut d’abord travailler sur la marge des librairies plutôt que d’aller de l’avant avec un projet de réglementation des prix », a-t-il soutenu lors de son passage devant la commission parlementaire. Celui-ci affirme que les distributeurs fixent parfois à la hausse le prix de base pour la vente de livres et que les surplus engrangés ne vont pas dans les poches des libraires.

Du côté des partis politiques, la Coalition Avenir Québec s’oppose à toute forme de réglementation du prix du livre tandis que le Parti libéral du Québec n’a pas encore pris position sur la question.