Obsession : horreur

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Par Mariam Moustakaly
mardi 3 avril 2012
Obsession : horreur

Pendant qu’il rédigeait son mémoire, François Lévesque, alors étudiant en études cinématographiques à l’UdeM, écrivait des petites histoires d’horreur pour se changer les idées. « Je me suis alors rendu compte qu’une passion sommeillait en moi sans que je ne le sache », raconte-t-il. Il fait maintenant paraître son troisième roman, Une mort comme rivière, qui boucle la sombre trilogie Les carnets de Francis (voir encadré). Rencontre avec un auteur passionné depuis son enfance par les films et les livres d’épouvante.

Quartier Libre: Comment vos études ont-elles influencé votre parcours d’auteur ?

François Lévesque : J’ai fait une maîtrise en études cinématographiques à l’UdeM, car je suis passionné par le cinéma. Je ne me suis cependant pas inscrit à cette maîtrise en me disant que j’allais faire des films ou des scénarios plus tard. Je n’avais pas de plan de carrière précis. J’ai été aux prises avec l’exercice aride de la rédaction lorsque j’écrivais mon mémoire. Je bloquais souvent. Je me suis alors mis à écrire une courte nouvelle pour m’évader. C’est venu très spontanément. Je me suis découvert une passion pour l’écriture. Il est certain que ma passion pour le cinéma nourrit mon écriture de manière très directe. J’aborde toujours les mêmes thèmes et les mêmes obsessions d’horreur, de noirceur et de fantastique. Je fais beaucoup d’allusions et de références cinématographiques.

Q. L. : Après vos études, comment avez-vous fait le saut officiel vers l’écriture ?

F. L. : Une fois mon mémoire complété, j’ai soumis les nouvelles à différentes revues littéraires. À ma grande surprise, elles ont toutes été acceptées dans les revues Alibi (polar, roman policier et noir) et Solaris (roman fantastique, d’horreur et de science-fiction). Quatre nouvelles sont alors parties d’un seul bloc. Et je me suis dit : «Mon Dieu! Il y a des gens qui aiment ce que j’écris. » J’ai été surpris, car je n’ai jamais fait d’études littéraires.

Q. L. : Dans votre trilogie, le personnage principal s’appelle Francis. Il est né dans les années 1980 et a une passion pour les films d’horreur, tout comme vous. Est-ce une façon de vous mettre en scène ?

F. L. : Le livre n’est pas autobiographique. C’est assez étonnant, mais la ressemblance avec le prénom n’est pas faite exprès. Le choix du prénom Francis a été purement utilitaire. Dans le premier roman, j’avais besoin d’un prénom masculin, à la mode au Québec dans les années 1980 (puisque le personnage avait 8 ans en 1986) et qui se terminait avec le son «ssss» pour rappeler le sifflement strident du serpent.

En revanche, il est vrai qu’on trouve beaucoup de mes caractéristiques dans le personnage principal : ma passion pour les films d’horreur, mon enfance et l’intimidation dont j’ai été victime à l’école. En campant la première histoire, Un automne écarlate, en 1986, j’ai voulu que l’intrigue repose en bonne partie sur le film d’horreur Vampire, vous avez dit vampire ?, sorti en 1985. J’avais besoin que le personnage voie ce film lors de sa sortie, donc je n’avais pas d’autre choix que de le situer à cette période.

Enfin, je parle d’une époque que j’ai vécue pour me permettre d’être en terrain connu. Le fait d’avoir des points de repère, des ancrages connus ou vécus peut aider à donner une couleur authentique à la fiction.

Q. L. : Pourquoi cette série de livres estelle aussi sombre ?

F. L. : Ma passion pour le cinéma s’est développée en visionnant des films d’horreur lors de mon enfance. Pour la lecture, c’était la même chose. J’ai commencé avec ce que j’avais sous les yeux. À huit ans, je lisais Agatha Christie. Puis, un peu lassé, je me suis orienté vers des lectures plus sombres avec des livres de Patricia A. Smith.

Pendant ma préadolescence, je lisais du Stephen King, Dean Koontz, Peter Straub, des maîtres de l’horreur et du fantastique, mais sans jamais penser que l’écriture serait quelque chose qui m’intéresserait. Ces univers ont nourri mon subconscient. J’imagine qu’aujourd’hui, lorsque j’ai des histoires qui me viennent à l’esprit, ce sont ces thèmes qui meublent mon imaginaire et qui refont surface. Je pense que, dans la création, il y a une dimension exutoire qui permet d’évacuer la noirceur que l’on a en soi.

François Lévesque, Une mort comme rivière, Alire, 376 p.

Les carnets de Francis, une trilogie sombre

Cette série met en scène l’évolution de Francis. Enfant dans le premier tome Un automne écarlate, Francis est un mordu de films d’horreur. Les monstres qui peuplent ses films envahissent la réalité de sa petite ville, St-Clovis. Adolescent dans le second tome, Les visages de la vengeance, Francis sort de l’hôpital psychiatrique où il a passé les sept années qui se sont écoulées depuis les drames de sa petite ville. Il devra affronter les fantômes de son enfance et ses anciens tortionnaires. Dans Une mort comme rivière, qui boucle la trilogie, Francis replonge dans son passé en retrouvant des écrits rédigés par sa tante. Il essaie d’exorciser pour de bon les horreurs de son ancienne vie.

Photo : François Lévesque (crédit : Mariam Moustakaly)