Nomination controversée

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Par Pierre-James Marisseau
mercredi 20 septembre 2017
Nomination controversée
Philippe Bouchard-Aucoin, le porte-parole du Regroupement Poly contre Total (RPCT) (Photo : Laura-Maria Martinez)
Philippe Bouchard-Aucoin, le porte-parole du Regroupement Poly contre Total (RPCT) (Photo : Laura-Maria Martinez)
Le conseil d’administration de Polytechnique Montréal a accepté en juin dernier la candidature du vice-président des partenariats en recherche et développement de la compagnie pétrolière Total, Philippe Tanguy, au poste de directeur. Certains membres de la communauté montrent toutefois des signes d’inquiétude face à cette décision.
On peut se retrouver dans un contexte où l’industrie prendrait contrôle de la recherche. C’est généralement la peur qui découle de la littérature, tout le monde est inquiet sur le même sujet. »
Arman Y. Aksoy Président de l’Association des étudiants des cycles supérieurs de Polytechnique (AÉCSP)

À la suite de l’annonce du candidat sélectionné par le comité de nomination, des étudiants au premier cycle de Polytechnique ont entrepris la formation du Regroupement de Poly contre Total (RPCT). Leur porte-parole, l’étudiant au baccalauréat en génie physique Philippe BouchardAucoin, a publié une lettre ouverte dans Le Devoir. La missive, qui exprime les craintes éprouvées quant à la nomination d’un dirigeant d’une multinationale pétrolière à la tête de l’établissement, a bénéficié du soutien de 61 cosignataires provenant des milieux politique, universitaire et environnementaliste.

Cependant, comme le rappelle le président de l’Association des étudiants des cycles supérieurs de Polytechnique (AÉCSP), Arman Y. Aksoy, la décision prise par le comité de nomination était majoritaire. Il insiste sur le fait que les étudiants des cycles supérieurs y sont généralement favorables. « Nous sommes dans une économie du savoir, pense-t-il. Les universités sont coincées pour tout ce qui est du financement. Les bailleurs de fonds public demandent des retours sur investissement et les universités se doivent de générer un certain profit pour pouvoir subventionner la recherche. » Dans ce contexte, selon lui, il n’y aurait pas vraiment de problème avec la création de partenariats industriels. « On peut se retrouver dans un contexte où l’industrie prendrait contrôle de la recherche, soutient Arman. C’est généralement la peur qui découle de la littérature, tout le monde est inquiet sur le même sujet. De mon point de vue, ces partenariats sont plutôt bénéfiques pour l’insertion de nos étudiants sur le marché du travail. »

Au premier cycle, le président de l’Association des étudiants de Polytechnique (AEP), Yann Blanchard, estime que la direction est relativement transparente et qu’elle communique bien l’évolution du processus de nomination. « Nous déplorons cependant une très faible considération de la voix étudiante au premier cycle dans le processus tel qu’il est actuellement », ajoute-t-il.

Un cheminement en cours

La nomination de M. Tanguy a été soumise à la ministre de l’Enseignement supérieur, Hélène David, et est actuellement en attente d’approbation. « Tout ce que nous pouvons vous dire pour le moment, c’est que le dossier chemine, affirme la conseillère principale du Service des communications et des relations publiques de Polytechnique, Annie Touchette. C’est M. François Bertrand [NDLR Directeur de la recherche, de l’innovation et des affaires internationales de Polytechnique Montréal] qui assure présentement l’intérim à la direction générale. »

Selon Philippe, le résultat serait toutefois prévisible et favorable à la recommandation transmise par le comité de nomination de Polytechnique. Les efforts du RPCT ne s’arrêteront pas là, renchérit-il. « Nous sommes en collecte de renseignements et tentons de déterminer la nature des investissements de Polytechnique, indique le porte-parole du RPCT. Nous aimerions également connaître les subventions que l’École octroie aux différentes recherches des professeurs. » Il ajoute qu’une analyse des investissements et des subventions permettrait de savoir quels domaines de recherche sont préférés à d’autres, ainsi que d’observer s’il y a une tendance de la part de Polytechnique à en favoriser certains.

Le Parti Vert du Québec a d’ailleurs appuyé l’initiative en déposant une pétition en ligne. Elle invite la population à demander à la ministre David qu’elle s’oppose à la nomination de Philippe Tanguy et qu’elle s’abstienne de signer le décret gouvernemental qui l’entérinerait.