Montréal s’ingénie à recruter

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Par Eric Deguire
mardi 15 novembre 2011
Montréal s'ingénie à recruter

Selon Richard Bergeron, chef de Projet Montréal, la Ville n’arrive pas à pourvoir une soixantaine de postes d’ingénieurs. La mairie serait doublement handicapée par les partenariats public-privé (PPP) qui, d’une part, ont contribué à externaliser les compétences techniques, et, d’autre part, empêchent les nouveaux recrutements : Montréal ne serait plus en mesure de concurrencer les salaires très élevés proposés par les firmes de génie-conseil qui se sont énormément enrichies grâce aux marchés publics.


 

 

Richard Bergeron, un loup dans la bergerie des PPP. Courtoisie Projet Montréal

 

 

 

« On a externalisé 100 % de l’activité. Les ingénieurs qu’emploie la Ville de Montréal maintenant ne sont que des gestionnaires de contrats, ils ne touchent plus aux plans», affirme Richard Bergeron.

Selon lui, cette externalisation de l’ingénierie a commencé dans les années 1980 avec la «révolution conservatrice de Reagan et Thatcher. Il n’y a plus de bureaux d’ingénieurs à Montréal ou au MTQ. Il n’y a plus que cinq ou six grandes firmes privées telles SNC-Lavalin et Génivar.

Autrefois, avant les PPP, Montréal et le MTQ étaient les deux plus gros bureaux d’ingénierie du Québec», ajoute-t-il.

M. Bergeron accuse la Ville de ne pas chercher à se constituer un réservoir de compétences en interne, et de payer à la place, au prix fort, des firmes privées dans le cadre des PPP.

Une politique qui entraînerait également le secteur public dans un cercle vicieux : les firmes de génie-conseil, ayant fait leurs choux gras des PPP, auraient les moyens d’attirer les ingénieurs avec des salaires faramineux.

A contrario, la Ville de Montréal serait prise à la gorge en matière de recrutement, car sa masse salariale atteint déjà des sommets à cause de la concurrence avec le secteur privé: «elle a augmenté de 9 % en seulement un an », affirme le chef de Projet Montréal. « La mairie de Montréal compte déjà 1 700 personnes payées plus de 100 000 $ par an, certaines 200 000 $ voire 300 000 $», précise-t-il.

M. Bergeron affirme qu’il se présentera comme candidat à la mairie en prenant l’engagement de renforcer le personnel des ingénieurs à la Ville de Montréal. Sa méthode pour renverser la tendance : une campagne de recrutement qui proposerait des projets motivants. Un chantier comme le métro de Montréal, réalisé avec des ressources techniques internes, serait le meilleur moyen d’attirer des ingénieurs talentueux à la Ville, affirme M. Bergeron, sans préciser toutefois quel grand projet tiendrait ce rôle d’appât dans les prochaines années. Cela aiderait à rétablir un rapport de force permettant de mettre fin à la domination des intérêts privés dans les PPP. «Je crois à une bonne complémentarité du public et du privé», ajoute-t-il.

Le public a ses atouts Jean-Yves Hinse, directeur principal du servive du capital humain et porte-parole de la Ville de Montréal, rejette les critiques de Richard Bergeron sur la pénurie d’ingénieurs.

« Il y a 315 ingénieurs qui travaillent pour nous actuellement.Ce taux-là est en croissance depuis la décision prise par la Ville il y a deux ans d’augmenter la compétence interne», affirme-t-il.

De plus, la mairie travaillerait déjà à « vendre » ses projets majeurs aux ingénieurs. «Ce n’est pas rare de voir quinze ou vingt candidatures pour un poste. Les jeunes ingénieurs veulent participer à nos projets comme l’échangeur Turcot, le tunnel Bonaventure ou la rue Notre-Dame», ajoute-t-il.

Selon M. Hinse, M. Bergeron se focalise sur les salaires et omet de souligner d’autres avantages propres à la Ville de Montréal. «Nous avons la possibilité d’offrir ce que le privé n’offre pas. Une enveloppe de rémunération globale intéressante, un régime de retraite, une sécurité d’emploi, et la possibilité de travailler presque uniquement en français», affirme M. Hinse. «Et on peut faire toute une carrière à Montréal. Ce ne sont pas juste des conditions de travail, mais des conditions de vie», conclut-il.

André Rainville, directeur général de l’Ordre des ingénieurs du Québec, abonde dans le sens de M. Hinse.«Il y a de belles opportunités à la Ville, de bonnes conditions de travail et un écart de salaires pas si important avec le secteur privé si on considère la semaine 35 à 40 heures [ce qui est généralement moins élevé que dans le secteur privé]», affirme-t-il. De plus, le taux de chômage chez les ingénieurs est de 2,2 %, ce qui correspond au plein-emploi. L’ingénierie serait donc simplement une industrie extrêmement compétitive pour tous les employeurs, publics comme privés.