Moi, maudite Française…

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Par Tiffany Hamelin
mercredi 26 janvier 2011
Moi, maudite Française...

Un jour, j’ai senti qu’il fallait que je quitte la France. j’avais besoin de changer d’air, de rencontrer de nouvelles personnes, de connaître une nouvelle culture… un vrai choc culturel m’attendait : l’accent à apprivoiser, l’hiver rude à supporter, la poutine à goûter ! tout comme moi, beaucoup d’autres maudits Français passent par ces mêmes changements… Ce qui suit sont mes confessions et celles de mes compatriotes interviewés.

Mon premier contact avec le Québec remonte à 2004, j’y avais passé dix jours de rêves. Traîneau à chiens, balade en raquettes dans des forêts enneigées ainsi que pêche sur la glace sont des activités que j’ai eu la chance d’expérimenter lors de mon premier séjour et qui m’ont totalement séduite. «On n’oublie jamais le Québec car on y est vraiment bien!». Benjamin Faillard, maudit Français depuis 2007, a raison. Je n’avais pas oublié le Québec. Pour preuve, trois ans après j’y emménageais.

Une installation plutôt facile

Après avoir pris connaissance des possibilités de continuer mes études à l’étranger il était évident que je choisirais le Québec qui représente pour moi un bon compromis entre les séduisants États-Unis et la France monotone. Alors en 2007, comme 4 000 autres immigrants Français le deviennent chaque année, je suis devenue une maudite Française !

Mes premiers mois à Montréal ont été très enrichissants, j’ai eu la chance de résider sur le campus de l’Université de Montréal, ce qui a énormément facilité mon intégration avec les Québécois mais surtout avec les autres étudiants étrangers présents en grand nombre aux résidences. Je me suis donc immergée assez rapidement dans «une culture nord-américaine qui est occidentale, donc relativement facile à comprendre. Seulement, le hockey remplace le soccer et la Molson Dry remplace la Kronenbourg», comme l’explique Justin Daniel Freeman, maudit Français depuis septembre 2010.

Des amitiés difficiles à approfondir

J’ai cependant remarqué, comme beaucoup de mes amis Français installés à Montréal, qu’il était étrangement compliqué de créer un lien d’amitié fort avec un Québécois. «Même si les Québécois sont très accueillants, très chaleureux et nous mettent très facilement à l’aise, il est plus difficile d’approfondir une relation amicale. Ils ne cherchent pas vraiment à développer une amitié durable», m’a confié Alexis Morel, maudit Français le temps d’une session. C’est un des critères qui nous poussent à rester entre Français la plupart du temps. Je conseille simplement de ne pas avoir peur car au contraire des caribous, les Québécois eux ne mordent pas !

Pour se faire accepter il faut éviter d’être grande gueule et surtout éviter de comparer la France au Québec. «Même les Québécois ont des préjugés envers les Français qu’il est préférable de ne pas confirmer, explique Thibault Pellan, à Montréal depuis 2008. Mais il suffit de montrer une volonté d’intégration et de ne pas être chauvin.»

«C’t’une joke ? » ou comment arriver dans un pays francophone sans en comprendre le français

J’adore « cet accent que tous les Français croient savoir imiter sans jamais y arriver», comme le dit en blaguant Jeanne Marquet, en échange jusqu’à la fin de l’hiver 2011. Pourtant, au début, il est difficile à assimiler. « C’est l’fun!», me disait-on et je répondais : «Tu peux répéter s’il te plaît ?». J’ai mis un temps fou à m’habituer à l’intégration des anglicismes dans le langage courant. Je me souviens encore de ma première sortie dans un cinéma québécois où j’ai pu voir le film Les 3 p’tits cochons de Patrick Huard… Quel massacre, une chance que ce n’était pas un film très compliqué car j’étais perdue.

D’accord, les Québécois intègrent beaucoup d’anglicismes dans le langage courant, mais j’ai été particulièrement secouée (par secouée je veux dire que je me suis mise à rire bêtement) quand j’ai vu que le menu McNuggets était devenu un trio McCroquettes ! Avis à tous les maudits Français : ne dîtes pas à un Québécois qu’il ne parle pas le français. «Les Québécois sont largement plus protecteur de la langue française que les Français eux-mêmes », explique Thomas Brier, en échange durant l‘automne 2010.

Le rêve de la vie universitaire nord-américaine

Je pense qu’on a tous rêvé un jour de voir des cheerleaders à un match de football, de vivre des journées d’intégration complétement déjantées, ou encore de faire partie d’une fraternité ou sororité… Ici, le campus devient un microcosme, une ville dans la ville ! C’est en partie ce qui m’a amené en Amérique du Nord, cette ambiance bon enfant, cette vie étudiante vraiment développée faite en partie pour mettre l’étudiant le plus à l’aise possible aussi bien dans sa vie sociale que dans sa scolarité.

Je suis une de ces 1 800 étudiants français, sur les 55 000 inscrits à l’UdeM, qui trouvent le système universitaire nord-américain très attirant. J’ai été très étonnée du suivi personnalisé dont les professeurs font preuves avec leurs élèves. «C’est un système d’enseignement supérieur orienté vers l’élève », approuve Paul Clavère, étudiant en communication, une mentalité que l’on ne retrouve pas forcément dans les universités françaises. L’environnement stimulant est propice au développement intellectuel et personnel, comme me confie Maeva Joly, étudiante en science politique depuis 2010. «Mon séjour est une très bonne expérience, dit-elle. Je n’ai jamais trouvé ce que je voulais faire en France et en l’espace d’un an ici j’ai trouvé ma voie. »

Pepperoni et autres mets exotiques

Montréal est une ville très agréable, on s’accommode au climat : il suffit de sortir notre Canada Goose ou North Face que la plupart de nous autres maudits Français n’avions jamais eu l’occasion de porter hors d’une station de ski. On s’accommode aussi à l’accent québécois ainsi qu’aux émeutes durant les matchs des Canadiens pendant la coupe Stanley… Mais il est plus difficile de s’habituer au changement d’habitudes alimentaires. Mes yeux se plissent chaque fois que j’entends le mot « pepperoni », bien trop présent à mon goût. En trois ans, j’ai dû essayer une dizaine de marques de pain de mie pour espérer retrouver le goût de notre moelleux Harry’s national. Il est loin le temps des petits croissants chauds du matin sortis tout droit de la boulangerie. « En Amérique, il faut aimer le sucré et le salé. Il faut aussi bien connaître les petits endroits où acheter de bons produits et ne pas avoir peur d’aller au marché Jean-Talon ou autres », confie Yannick Lecomte, installé depuis septembre 2009.

Partir à l’étranger est une expérience unique à vivre au moins une fois dans sa vie. Et Montréal est le meilleur endroit pour être assez dépaysé, avoir un léger choc culturel sans ressentir le mal du pays. C’est drôle de voir qu’en région parisienne cinq centimètres de neige provoquent une descente aux enfers, alors qu’ici on survit à un mètre !