Mobilier urbain

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Par Christine Bureau
mercredi 24 avril 2013
Mobilier urbain
The Eye, de David Altmejd, devant le pavillon Bourgie du Musée des Beaux-Arts de Montréal. Une sculpture marquante de Montréal selon Michael Robinson. (Crédit photo : Pascal Dumont)
The Eye, de David Altmejd, devant le pavillon Bourgie du Musée des Beaux-Arts de Montréal. Une sculpture marquante de Montréal selon Michael Robinson. (Crédit photo : Pascal Dumont)

La sculpture possède tous les atouts pour se faire remarquer. Au quotidien, cependant, ses grandes dimensions et ses matériaux n’arrivent pas toujours à accrocher l’œil du passant. Il est difficile pour plusieurs de nommer un sculpteur dont l’œuvre embellit un parc ou un musée de Montréal. Pourtant, la sculpture a su se garder au goût du jour en se redéfinissant, au-delà de ses matériaux traditionnels, soit le bois, le métal ou la pierre.

Dans sa définition la plus courte, la sculpture se décrit tout simplement comme une œuvre d’art en trois dimensions. Difficile, pourtant, de distinguer ce qui appartient à cette forme d’art et ce qui en est exclu. « On vit aujourd’hui l’éclatement de la sculpture, relate le professeur à l’école des arts visuels et médiatiques de l’UQAM Michael Robinson. Avant, ceux qui faisaient de la sculpture ne faisaient rien d’autre. Avec l’ère postmoderne, on est entré dans une période multidisciplinaire. » Rares sont maintenant les artistes qui se disent uniquement sculpteurs, ajoute M. Robinson, selon qui le premier impact de la multidisciplinarité s’avère l’hybridation des disciplines artistiques.

La sculpture a elle aussi emprunté des chemins multiples. « Ce n’est pas parce qu’on ne taille pas le bois ou la pierre qu’on ne fait pas de sculpture, atteste le président du Conseil de la sculpture du Québec (CSQ), Michel Gautier. Elle rassemble beaucoup plus de choses qu’il y a 20 ans. »

L’ours de glace, d’artistes inuits et québécois, Quartier des spectacles. Une sculpture marquante de Montréal selon Michel Gautier. (Crédit photo : Pascal Dumont)

La flexibilité des installations, qui font partie de ces nouveaux modes d’expression, les rend particulièrement populaires lors des expositions. Ces œuvres comprennent plusieurs composantes qui peuvent être montées et démontées plusieurs fois, selon les événements. « Même si elles ne sont pas toujours remontées de la même façon, l’important est que l’esprit de l’œuvre soit respecté », affirme-t-il.

Pourtant, au sein du conseil d’administration du CSQ, qui se décrit lui-même comme un « regroupement d’artistes professionnels de la sculpture, de l’installation et du travail de l’espace 3D », la discussion n’est pas encore close. « On a un débat à savoir si les installations peuvent être considérées comme des sculptures. C’est du cas par cas », souligne prudemment M. Gautier.

Pour le sculpteur d’origine tunisienne Marc Vais, la définition de la sculpture s’est beaucoup élargie. « Personnellement, je suis resté très attaché aux matériaux traditionnels, mais ça ne veut pas dire qu’on n’innove pas », assure-t-il. Selon Marc Vais et Michel Gautier, certains artistes définissent même la vidéo comme une forme de sculpture, ce que ces deux connaisseurs réfutent. « Le terme de sculpture tend aujourd’hui à être galvaudé », note M. Vais.  

 

Révolution, de Michel De Broin, parc Maisonneuve-Cartier. Une sculpture marquante de Montréal selon Marc Vais. (Crédit photo : Pascal Dumont)

Un art couru

Si ce qu’englobe la sculpture est matière à débats, l’engouement que cette discipline suscite est indiscutable. « Il n’y a pas de raison d’être pessimiste par rapport à l’art qui se déploie dans l’espace. Il s’agit d’un art de plus en plus apprécié et en demande », affirme la professeure au Département d’histoire de l’art de l’UdeM Suzanne Paquet.

L’art de la 3D est même populaire chez les étudiants. « Les ateliers en sculpture de l’UQAM sont toujours pleins ! confirme Michael Robinson. Les étudiants adorent travailler avec de la matière. »   Pourtant, à l’UdeM, il n’y a aucun cours de sculpture, dû à l’absence d’un programme d’arts appliqués.

La demande en sculpture peut s’expliquer par la popularité de l’art public, un terme utilisé pour décrire ces œuvres destinées à un espace public. La Politique d’intégration des arts à l’architecture et à l’environnement, qui exige que 1 % des budgets de construction de plus de 150 000 $ soit consacré à l’installation d’œuvres d’art, comme au nouveau pavillon de l’UdeM à Outremont, s’inscrit tout à fait dans l’esprit de l’art public.

Nef pour 14 reines, de Rose-Marie Goulet, place du 6-décembre-1989. Une sculpture marquante de Montréal selon Suzanne Paquet. (Crédit photo : Pascal Dumont)

Mais toutes les municipalités n’attendent pas la construction d’édifices publics pour intégrer la sculpture à leur communauté, comme en témoigne le symposium de Boisbriand. Un budget de 100 000 $ a permis la réalisation de dix monuments, aujourd’hui érigés partout dans la ville. « Un projet similaire aura lieu sur l’avenue Van Horne, dans l’arrondissement Outremont », confirme M. Gautier.

Malgré une demande grandissante pour la sculpture, les coûts des matériaux, des outils et même le déplacement de l’œuvre compliquent le travail des sculpteurs. « Il y a un intérêt, en théorie, un éveil des gens à apprécier l’art, mais peu sont prêts à acheter », note Marc Vais. Malgré ces contraintes, la sculpture se déploie de plus en plus dans des espaces communs et accessibles. Il suffit de garder l’œil – et l’esprit – ouvert. 

 

Crédit photo : Pascal Dumont