«Nous souhaitons profiter de la marge d’action dont nous bénéficions en tant qu’étudiants, en nous tournant vers les employeurs que nous estimerons en accord avec nos revendications », peut-on lire dans le manifeste.
L’instigateur du mouvement, Corentin Bisot, estime que des conséquences sont déjà visibles en France. « Il est possible que les établissements d’enseignement changent un peu leur façon d’enseigner grâce au mouvement, témoigne-t-il. C’est déjà le cas de l’établissement où j’étudie [École polytechnique]. » Il précise travailler à intégrer et à rendre obligatoire un cours sur les différentes questions environnementales et climatiques à tous les cursus universitaires.
Des élèves de grandes écoles, comme HEC et l’École nationale supérieure (ENS), sont parmi les signataires. Corentin espère maintenant que le Manifeste aura aussi un effet sur les entreprises et sur les personnalités de la sphère politique, ce qui n’est pas le cas présentement.
L’équipe ne s’attendait pas à un tel écho. « On a été contacté par beaucoup de gens à l’étranger, et on pense que ça ne coûte pas grand-chose de s’ouvrir », observe Corentin.
Engagement étudiant
Sur les campus montréalais, les étudiants interrogés à ce sujet jugent généralement important que les entreprises limitent leur incidence sur l’environnement. Pour l’étudiante au baccalauréat en sciences biologiques Camille Argoud, l’environnement est un enjeu dont il est essentiel de tenir compte. « L’écologie m’importe beaucoup et je crois qu’il faut trouver un moyen de concilier développement et respect de la planète, explique-t-elle. Un employeur qui fait peu attention à son impact environnemental m’intéresse beaucoup moins. »
L’étudiante en génie mécanique à l’École polytechnique Jane*** témoigne que même si l’environnement est un sujet qu’elle a à cœur, elle ne tiendrait pas compte des politiques environnementales d’un employeur comme élément décisionnel. « Je postulerais et, une fois embauchée, j’essaierais de changer la politique de l’entreprise », continue l’étudiante. Elle conclut qu’elle ne risquerait pas son avenir pour une question de politiques environnementales si elle juge qu’il existe des solutions de remplacement.
Migration québécoise ?
Selon le professeur au Département de sociologie Pierre Hamel, l’efficacité d’une action collective comme celle-ci au Québec est difficile, voire impossible à prévoir. « Il y a toute une série d’éléments qu’on pourrait inclure pour construire un modèle d’évaluation des répercussions des acteurs, mais on ne peut pas faire ça avant que l’action ait été mise en place, indique-t-il. Anticiper ce que ça pourrait être, c’est pratiquement impossible. »
Toutefois, il considère que l’idée selon laquelle une pénurie de main-d’œuvre québécoise peut jouer un rôle dans l’efficacité du mouvement n’est pas nécessairement à écarter. « Ce n’est pas une hypothèse qui me semble complètement loufoque, affirme M. Hamel. D’une part, on pense que la jeune génération est plus préoccupée par les questions environnementales, et d’autre part, on constate que les entreprises ont un réel besoin de main-d’œuvre et que c’est devenu un défi important. » Il estime que ce contexte peut jouer d’une manière intéressante.
Un outil parmi d’autres
Malgré tout, le manifeste n’est pas nécessairement le meilleur moyen de faire pression sur les entreprises, selon M. Hamel. « Un manifeste, c’est un outil parmi d’autres, remarque le professeur. Comme dirait Charles Tilly**, ça fait partie du répertoire de l’action collective. » C’est avant tout un outil de mobilisation pouvant devenir un outil de pression s’il est appuyé par d’autres groupes que les initiateurs, conclue-t-il.
* Manifeste pour un réveil écologique, pour-un-reveil-ecologique.fr ** Selon l’encyclopédie Universalis, Charles Tilly est un sociologue, historien et politiste. *** L’étudiante n’a pas voulu donner son vrai nom.