L’île d’Anticosti dans la mire

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Par Gabriel Fahmy
mardi 22 mars 2011
L'île d'Anticosti dans la mire

ANTICOSTI: joyau du golfe du saintlaurent. Île presque vierge aux forêts majestueuses dont la superficie est de 16 fois celle de Montréal. Habitée par 300 humains, et quelques centaines de milliers de chevreuils, lièvres, renards, orignaux. territoire protégé, recouvert par de la forêt boréale, des rivières, des chutes, des grottes, des plages à n’en plus finir.

 

PROBLÉMATIQUE: l’île est supposée de renfermer plusieurs milliards de barils de pétrole de schiste dans son sous-sol. l’entreprise privée pétrolia compte réaliser des travaux d’exploration, et ce, dès la fin juin.

 

PÉTROLE DE SCHISTE ou SCHISTE BITUMINEUX: type de pétrole non conventionnel composé de particules solides qui se logent dans la roche de schiste. contrairement au gaz de schiste, les fragments de pétrole doivent être chauffés afin d’obtenir du pétrole liquide, un processus nommé pyrolyse. actuellement, seules les réserves de pétrole de schiste qui se trouvent à proximité de la surface du sol sont exploitées. cette méthode nécessite l’établissement de carrières. les fragments de schiste sont transportés vers un site industriel où ils seront chauffés.

 

Le pétrole de schiste sur l’île d’Anticosti se trouve en profondeur. Pour l’extraire, la pyrolyse devrait se faire dans le sol. Selon Normand Mousseau, professeur de physique à l’UdeM et spécialiste en matières complexes, cela implique l’injection de chaleur profondément dans le sol pour rendre le pétrole liquide, rendant possible son extraction.

Vue de la station spatiale internationale, l’île d’Anticosti apparaît sous la péninsule gaspésienne.

Après avoir fracturé le schiste en profondeur, des conduits sont insérés dans la roche pour injecter une solution liquide pour chauffer la roche jusqu’à 350 degrés Celsius sur une période pouvant atteindre quatre ans, ce qui complètera la transformation en pétrole liquide.

 

«Plusieurs techniques de pyrolyse en profondeur sont développées, mais à l’heure actuelle, les techniques ne sont pas au point, contrairement au gaz de schiste. Il est peu probable que l’on aille de l’avant rapidement avec ce projet», soutient le physicien.

 

Impacts

 

Virginie Lambert Ferry, responsable de la campagne Climat Énergie de Greenpeace Canada, s’inquiète des techniques d’exploitation pétrolière : «il y a énormément de catastrophes silencieuses qui se font au quotidien. On a beau dire qu’on va faire les choses de manière sécuritaire, quand les dégâts apparaissent, il faut savoir qui va payer pour dépolluer l’environnement».

 

En plus des impacts environnementaux causés par l’injection de produits chimiques dans le sol, il faut aussi comptabiliser la construction de routes, d’un port et des infrastructures nécessaires à l’extraction du pétrole liquéfié. Et qui dit construction dit déforestation. Selon Nicolas Mainville, coresponsable de la campagne Forêt boréale de Greenpeace Canada, 20 % de la forêt d’Anticosti est vierge, c’est-à-dire qu’elle n’a jamais été coupée par les humains, et d’une valeur écologique inestimable.

 

Tout ça, alors que le scandale autour de la vente par Hydro-Québec de ses droits pétroliers sur l’île d’Anticosti à la société Pétrolia ne s’est pas estompé. Le Québec gagnerait-il vraiment à exploiter le pétrole d’Anticosti ?

 

Et après le pétrole…

 

Plusieurs voix s’élèvent contre toute forme d’exploitation pétrolière au Québec, autant les groupes activistes que la communauté scientifique.

 

Selon eux, avant de songer à investir des milliards de dollars dans l’exploitation de nos ressources naturelles, nous devons nous demander si cela nous est réellement nécessaire. Pour ces groupes, en 2011, la réponse est non.

 

« L’exploitation de ces ressources retarde considérablement le développement de technologies pour exploiter des formes d’énergies renouvelables, comme la biomasse, le solaire ou l’éolien. De toute façon, ça deviendra la principale source d’énergie pour l’humanité au cours des prochaines décennies », soutient Richard Carignan, chercheur en biologie à l’UdeM.

 

Quant à Virginie Lambert Ferry, chargée de projet à Greenpeace Canada, elle soutient que : «Le problème, ce n’est pas qu’il n’existe pas d’alternative ; les technologies sont là. Le problème c’est qu’aujourd’hui il n’y a pas de volonté politique pour investir dans ces solutions de rechange ; les sociétés sont construites et dépendantes du pétrole.»