En janvier dernier, Concordia a modifié son code de conduite concernant ce type de relation. Il inclut désormais une règle stipulant qu’un professeur entretenant une relation avec un de ses élèves doit se retirer de toutes ses fonctions en lien avec lui. Ces modifications font suite au nouveau projet de loi 151, déposé en novembre dernier par la ministre responsable de l’Enseignement supérieur, Hélène David, concernant l’encadrement des relations professeurs-étudiants. La loi n’interdit pas la relation, mais vise à éviter le plus possible les conséquences potentielles sur le cheminement académique de l’étudiant impliqué.
Statut social et intelligence
Pour expliquer le choix de certains étudiants d’entreprendre une relation avec leur professeur, le psychologue clinicien Jean-Sébastien Hogue fait ressortir une théorie sur les genres. « Selon la psychologie évolutionniste avancée par David Buss, les femmes seraient attirées par plusieurs caractéristiques chez un homme, dont le statut social élevé et l’intelligence, énonce-t-il. Elles préféreraient également les hommes plus âgés. Or, les professeurs possèdent souvent ces trois caractéristiques et, pour ces raisons, les femmes seraient en partie attirées par eux. »
Les relations professeurs-étudiants sont liées à la question des rapports de sexe dans nos sociétés, selon le professeur du Département de sociologie de l’UdeM, Nicolas Sallée, qui met aussi en évidence l’importance des relations de pouvoir à l’Université. « C’est une question qui croise des rapports de genre et des rapports de pouvoir propres au milieu universitaire comme à de nombreux milieux de travail, précise-t-il. Ce que constatent les travaux de sociologie, c’est notamment que les hommes misent plus sur leur statut et leur maturité pour séduire que les femmes, qui elles, mettent plus en avant, pour tout un ensemble de raisons sociologiques, leur apparence physique ou leur « juvénilité ». »
M. Sallée ajoute qu’il s’agit d’un constat sociologique qui est amplifié en contexte universitaire. « On pourrait dire que l’Université agit, sur ces questions, comme le miroir grossissant d’une réalité sociologique générale, synthétise-t-il. Dans le même temps elle l’amplifie, parce que l’Université est un lieu où les dimensions statutaires sont très fortes, sans compter la forte dissymétrie de la relation pédagogique. »
Concernant l’aspect subjectif de ces liens amoureux, l’expérience racontée par un étudiant* de l’UdeM sur sa relation consentie avec un professeur permet de comprendre le rapport plus intime à la relation. « Il est certain que le côté interdit m’a attiré vers l’enseignant, évoque-t-il. L’attraction entre nous était mutuelle. Nous nous sommes questionnés pour savoir si nous allions plus loin ou non dans cette relation et si c’était acceptable de le faire. Par contre, nous arrivions toujours à la même conclusion : que deux personnes qui s’aiment ne font rien de mal. »
Pourtant, cette relation n’a pas toujours été simple pour l’étudiant, qui en a souffert par moments. « Le fait qu’il s’agisse d’un secret que je devais garder pour moi m’a fait beaucoup de mal, révèle-t-il. C’est le regard des autres qui m’a le plus affecté. Si je me limitais strictement au professeur et moi, tout était parfait. »
Des situations complexes
L’histoire vécue avec le professeur en question a également permis à l’élève de persévérer dans ses études malgré la complexité engendrée par sa situation amoureuse. « Ce professeur était aussi une inspiration à mes yeux et une motivation à poursuivre ce que j’étais en train d’entreprendre », avance-t-il. L’étudiant a donc considéré l’enseignant comme un modèle à suivre en matière de buts professionnels et scolaires, tout au long de sa relation avec lui.
L’étudiant termine en révélant que l’aspect « interdit » qui est omniprésent au sein de ces liens professeurs-étudiants l’amenait à rêver d’un amour idéal. « Nous nous créons une illusion de la relation parfaite que nous pourrions entreprendre avec un professeur plus âgé, soutient-il. Particulièrement à l’université, où les professeurs sont réellement admirés de leurs étudiants. »
À la question de savoir s’il aurait dévoilé sa relation en cas d’application de règles comme celles que souhaite mettre en place Concordia, la réponse de l’étudiant est claire. « Je l’aurais quand même gardée secrète, surtout par rapport au regard des autres, confie-t-il. Peut-être dans plusieurs années, mais pas au moment où s’est arrivé. »
Pour sa part, l’opinion de la FAÉCUM rejoint l’avis de la ministre David. En effet la Fédération estime que ces liaisons comportent des risques pour les personnes impliquées. « Actuellement, à l’UdeM, il n’y a aucune balise concernant les relations entre les membres du corps professoral et les étudiants et les étudiantes, explique le secrétaire général, Simon Forest. Nous croyons que ce type de relation peut soulever des problèmes importants et qu’il serait nécessaire de mieux les encadrer. »
Le secrétaire général poursuit en précisant qu’il faudrait imposer un minimum de balises. « Il faut s’assurer de protéger les étudiants et étudiantes qui pourraient être victimes d’un rapport inégalitaire dans le contexte de ce type de relation », conclut Simon. Il rappelle qu’il y aura des modifications au sein de la charte au courant des prochaines semaines, en conseil central, où ces problématiques seront abordées. Les décisions seront prises par les associations étudiantes.
De son côté, la position de l’UdeM sur la question reste en suspens. La porte-parole de l’institution, Geneviève O’Meara, indique que l’Université étudie toujours la question des relations entretenues entre professeurs et étudiants. Mme O’Meara conclut en expliquant qu’il est trop tôt pour faire le point sur ce que cette situation impliquera pour l’UdeM. La révision des politiques visant à règlementer les relations entre étudiants et enseignants sera donc à surveiller au cours des prochains mois.