L’heure du bilan

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Par Karina Sanchez
mercredi 26 mars 2014
L’heure du bilan
Les CLOM ne semblent plus faire l’unanimité au sein des étudiants qui les délaissent pour se consacrer à leurs études à l’université. (crédit photo : Isabelle Bergeron)
Les CLOM ne semblent plus faire l’unanimité au sein des étudiants qui les délaissent pour se consacrer à leurs études à l’université. (crédit photo : Isabelle Bergeron)

Les cours en ligne ouverts et massifs (CLOM) offrent une nouvelle façon d’apprendre gratuitement. Si ces nouveaux cours universitaires enchantent plusieurs apprenants, ils ont des limites. La majorité des étudiants n’achèvent pas leurs cours, et les CLOM ne sont pas encore adoptés par toutes les universités québécoises. Pourtant, l’UdeM annonce l’arrivée de cette formule à la rentrée 2014.

«Dès la fin de l’automne 2014, au moins deux CLOM produits par l’UdeM seront accessibles, déclare le vice-recteur du premier cycle, Jean-Philippe Blondin. Nous devions prendre du temps pour étudier sérieusement cette initiative. Nous ne sommes pas dans une course de vitesse, ici.» À l’heure actuelle, EDUlib est la seule plateforme francophone qui offre des cours du Québec.

Un an après l’effervescence, le bilan des cours en ligne reste mitigé. Les pionniers des CLOM, les universités de Harvard et de l’Institut de technologie du Massachusetts (MIT) ont mené une étude, publiée en janvier dernier, auprès des étudiants de la plateforme de cours edX. L’étude conclut qu’environ 5 % seulement des participants décrochent une attestation de réussite. En effet, sur les 841 687 inscrits aux 17 cours étudiés par les chercheurs, seules 43 196 personnes ont obtenu une certification, tandis que 35937 ont exploré la moitié ou plus du cours auquel ils étaient inscrits sans toutefois acquérir de diplôme. Environ 55 % des personnes ont participé à moins de la moitié des cours, et près de 35% des inscrits n’ont jamais participé aux cours.

Le doctorant en apprentissage statistique et responsable du soutien à distance à la TELUQ, Claude Coulombe, n’est pas choqué par ce résultat. «C’est facile de s’inscrire et de ne pas s’impliquer, assure-t-il. L’étudiant n’a pas à investir d’argent et autant de temps dans ces cours que pour ceux qu’il aurait à payer à une université traditionnelle, s’ils étaient crédités. Puis, l’attestation obtenue à la fin d’un CLOM n’est pas aussi reconnue.»

Portrait incomplet

Un des instigateurs de l’étude et professeur associé à la Faculté d’éducation de l’Université de Harvard, Andrew Ho, pense que ce résultat dresse un panorama partiel du succès des CLOM. « Les étudiants inscrits sont davantage focalisés sur l’apprentissage que sur l’acquisition d’une certification, soutient- il. Il est naturel de constater qu’un grand nombre d’étudiants naviguent à travers les cours pour trouver ce qui les intéresse. C’est ce qui arrive lorsque tu produis des cours gratuits et ouverts.»

M. Ho va plus loin, il croit que ce résultat menace le but de l’éducation accessible dans internet et la raison d’être des CLOM. «Les fournisseurs de CLOM peuvent parvenir à réduire le taux d’abandon, ajoutet- il. Cela peut se faire en appliquant des frais ou en exigeant des préalables pour les cours, par exemple. Mais ces conditions viendraient restreindre le potentiel d’apprentissage des apprenants et ne concorderaient pas avec la mission des CLOM.»

Un complément aux cours universitaires ?

M. Coulombe précise que la première génération des utilisateurs des CLOM est surtout composée de personnes possédant déjà un bagage universitaire, désireuses d’ajouter un complément à leur formation. «Ils ont la flexibilité pour adopter de nouveaux produits technologiques, confirme-t-il. Cette clientèle naturelle valorise la formation continue, car ils veulent apprendre davantage.»

Pour approfondir ses connaissances dans son domaine d’études, l’étudiant au baccalauréat en génie informatique à l’École Polytechnique Jonathan Rochon s’est inscrit dans un cours en mathématiques sur la plateforme Coursera. Les cours lui ont permis de réviser des notions enseignées dans son programme, mais son cursus crédité de l’École lui a fait arrêter les cours en ligne. «Les CLOM ont beaucoup de potentiel, mais pour ceux qui sont déjà très occupés, c’est peut-être moins intéressant, explique-t-il. Une chose est sûre, je pense m’inscrire à des CLOM une fois mes études terminées. »

Même si les CLOM ne peuvent pas bénéficier d’une accréditation dans le monde universitaire, les bénéfices sont incontestables. « La qualité du contenu des CLOM est équivalente aux cours crédités offerts par les universités traditionnelles », précise le professeur titulaire à HEC Montréal et gestionnaire responsable de la plateforme EDUlib, Jean Talbot.

HEC a intégré les CLOM depuis juillet 2012. Depuis son lancement, EDUlib a reçu plus de 87000 visiteurs provenant de 158 pays. Les CLOM de HEC génèrent peut-être des coûts à l’institution, mais Jean Talbot reconnaît d’autres avantages à cette forme d’enseignement. « EDUlib est un moyen pour HEC d’oeuvrer pour la société, relate-t-il. Nous rendons nos ressources plus accessibles et nous rejoignons des personnes dans des pays qui, autrement, n’auraient pas accès à des cours universitaires. Nous agissons en tant qu’institutions socialement responsables. Du coup, EDUlib renforce aussi la marque de reconnaissance de HEC.»

Selon M. Coulombe, l’enthousiasme suscité par les CLOM a atteint son paroxysme. «Pour moi, il est clair que l’enseignement en ligne de type CLOM va avoir un impact majeur sur la société», souligne-t-il. Si on se réfère à la courbe de Gartner, qui décrit le cycle d’adoption d’une technologie par la masse, on se trouve sur une pente descendante. Après avoir réalisé que les attentes exagérées à l’égard des CLOM ne prennent pas forme, l’excitation vient à se tempérer.