L’excès de sudation : un handicap au quotidien

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Par Edouard Ampuy
jeudi 5 septembre 2019
L’excès de sudation : un handicap au quotidien
La lauréate, annoncée le 30 août, a remporté une bourse d’études d’un montant de 1 000 $. (Crédit Barbarabonnano via Pixabay)
La lauréate, annoncée le 30 août, a remporté une bourse d’études d’un montant de 1 000 $. (Crédit Barbarabonnano via Pixabay)
L’entreprise Dermadry vient d’annoncer la gagnante de la première bourse d’études dédiée aux étudiants atteints d’hyperhidrose, une maladie provoquant une transpiration excessive. Source d’inconfort physique et de gêne sociale, l’hyperhidrose a longtemps été sous-diagnostiquée, d’après les experts.
Dermadry a développé un appareil à ionophorèse pour le traitement de l’hyperhidrose localisée. Cette technologie fonctionne par l’application d’un léger courant sur la peau, neutralisant les connexions entre les nerfs et les glandes sudoripares.

« L’hyperhidrose est l’excès de sudation, à une quantité qui va au-delà du niveau requis par le corps pour conserver une température stable », explique le professeur adjoint de clinique à la Faculté de médecine de l’UdeM, Antranik Benohanian.

Afin de combattre la stigmatisation associée à cette condition, l’entreprise Dermadry a lancé début août un concours international ouvert à tous les étudiants qui souffrent de cette maladie. Les participants ont été invités à réaliser une vidéo illustrant la façon dont l’hyperhidrose affecte leur vie.

Un handicap au quotidien

L’étudiante au John Abbott College de Montréal Alessia Proulx fait partie des 94 participants à avoir envoyé une vidéo et a été l’une des dix finalistes. « J’ai commencé à développer de l’hyperhidrose au secondaire, et la situation a empiré progressivement, tout en devenant nettement plus perceptible au postsecondaire, confie-t-elle. Mon hyperhidrose est localisée sur mes plantes de pieds, mes paumes de mains, mes aisselles et sur mon nez. »

Étudiante à l’UdeM en linguistique, Gabrielle Thibert est également atteinte d’hyperhidrose depuis le secondaire. À cette époque, elle commence par remarquer que ses camarades de classe ne transpirent pas autant qu’elle, même lorsqu’ils fournissent un effort physique plus conséquent. « Je suais presque tout le temps, même des jours où je n’avais pas particulièrement chaud, mais je pensais juste que j’étais bizarre », concède-t-elle.

Au quotidien, c’est un embarras avec lequel elle doit composer. « Je sue tellement et tout le temps des pieds, que quand je porte des sandales, je dois les enlever et les essuyer plusieurs fois, je ne peux pas porter de talons hauts pour cette raison, illustre-t-elle. Je traîne toujours des chandails en extra avec moi et je n’aime pas m’entraîner en public, car des gens m’ont déjà fait des commentaires ou m’ont regardée en me jugeant. »

En plus de l’inconfort physique, Alessia ajoute que l’hyperhidrose a des conséquences sur la vie sociale. « Cela affecte et a affecté ma vie étudiante », reconnaît-elle. Elle dépeint l’indélicatesse des autres élèves qui la gratifient de regards insistants, ce qui la complexe. « L’hyperhidrose impacte ma confiance en moi, entre ceux qui jugent les tâches sous mes aisselles, ceux qui me demandent d’essuyer la sueur sur mon nez, ou ceux qui me disent directement que je sue beaucoup, comme si je ne le savais pas déjà ! », gronde-t-elle. Elle regrette qu’un simple geste, comme une poignée de main, puisse devenir une source d’angoisse. « Tous mes cahiers sont froissés à cause de la sueur de mes mains », poursuit-elle.

La dermatologue et professeure associée à l’UdeM Sophie Vadeboncoeur détaille que l’hyperhidrose peut être primaire ou secondaire. Elle explique que celle dite primaire n’a pas de causes évidentes. « C’est souvent d’ordre génétique, cela peut survenir au début de l’adolescence et c’est souvent localisé, précise-t-elle. Ça touche seulement les aisselles, seulement les paumes et les plantes des pieds, ou le front ». Dans d’autres cas, l’hyperhidrose peut être secondaire. « On trouve souvent une cause sous-jacente, soit un médicament, soit une condition médicale, et la sudation est généralisée sur tout le corps », poursuit la dermatologue.

Libérer la parole

Benohanian pense que cette maladie a été sous-diagnostiquée et sous-traitée. « Les gens n’y prêtaient aucune importance, même la médecine a été très avare au niveau des études, c’est un sujet qui a été négligé », révèle-t-il.

Mme Vadeboncoeur partage ce constat et reconnaît que c’est une condition qui a été banalisée pendant longtemps. Elle précise que le monde médical s’y intéresse plus sérieusement désormais. « La communauté médicale s’est de plus en plus penchée sur la question, surtout les dermatologues, avance-t-elle. Je pense qu’aujourd’hui, personne ne doit être gêné d’en parler, car il existe des traitements et des solutions. »

Le cofondateur Dermadry, Mathieu Mireault, explique que c’est cette méconnaissance de l’hyperhidrose qui a poussé l’entreprise à lancer le concours permettant de gagner une bourse d’études. « Le but du concours est de démocratiser cette condition, que les gens se sentent à l’aise d’en parler, déclare-t-il. On veut vraiment qu’ils brisent le tabou. Si on ne commence pas une conversation, personne ne saura qu’il y a une solution. » M. Mireault explique que la bourse est destinée aux étudiants afin de leur apporter le plus de soutien possible durant cette période charnière de leur vie.