L’espace à portée de main

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Par Etienne Galarneau
mercredi 5 avril 2017
L’espace à portée de main
Les 34 municipalités avoisinant l'Observatoire du Mont-Mégantic ont adopté des mesures pour réduire la pollution lumineuse et ainsi aider le travail d'observation céleste. Crédit photo : Flickr.com | Denis-Carl Robidoux.
Les 34 municipalités avoisinant l'Observatoire du Mont-Mégantic ont adopté des mesures pour réduire la pollution lumineuse et ainsi aider le travail d'observation céleste. Crédit photo : Flickr.com | Denis-Carl Robidoux.
Une subvention d’un million de dollars sur deux ans a été octroyée à l’Observatoire du Mont-Mégantic (OMM) par le gouvernement fédéral le 16 mars dernier. Une somme qui permet la survie du centre de recherche, menacé de fermeture en 2015, mais qui n’assure pas un mode de financement pérenne.

«Cette subvention-là arrive à point et va pouvoir, au moins, maintenir les activités du télescope, ce qui était en jeu il y a deux ans [NDLR : Voir encadré] », explique le directeur de l’OMM et professeur au Département de physique de l’UdeM, René Doyon. Un des rôles du centre de recherche basé en Estrie concerne les activités liées au télescope. Dans ce cadre, il accueille des universitaires de l’UdeM, de l’Université McGill et de l’Université Laval. La seconde vocation du centre relève de la recherche expérimentale et du développement d’outils qui servent sur les différents télescopes dans le monde.

Bien qu’elle soit importante pour la survie de la recherche en astrophysique à l’UdeM, cette subvention n’assure cependant pas un fonctionnement à long terme de l’Observatoire. « Les machines sur lesquelles on travaille, ce n’est pas une affaire qui se fait en un an ou deux, souligne M. Doyon. Ce sont des projets à très long terme et ça, c’est difficile à vendre dans des contextes politiques de financement où on est dans des échelles de temps de deux, trois ou, au maximum, quatre ans. » Le directeur reste « modérément optimiste » d’avoir une formule qui permette une planification budgétaire à plus long terme au courant des deux prochaines années.

Du financement offert par le gouvernement fédéral, 80 % est destiné au salaire des employés de soutien et des professionnels de recherche permettant le fonctionnement de l’Observatoire. « Pour nous, perdre une personne, c’est une perturbation catastrophique, soutient M. Doyon. Ce sont des gens qui sont avec nous depuis une vingtaine, voire une trentaine d’années. On ne peut pas les remplacer du jour au lendemain, c’est même impossible. » Précisant que le volet « laboratoire » où sont développés les instruments d’observation peut exister à l’OMM sans le télescope, le directeur défend néanmoins le point de vue selon lequel l’ensemble constitue un « château de cartes » et que la fermeture de l’un mènerait immanquablement à des problèmes pour les autres.

Le directeur de l’OMM, René Doyon. Crédit photo : Marie Isabelle Rochon.

Le directeur de l’OMM, René Doyon. Crédit photo : Marie Isabelle Rochon.

Incidences indirectes

« À ma connaissance, il n’y a pas d’étudiant sous le couvert de l’OMM », avance l’étudiant au doctorat en astrophysique François-René Lachapelle. Si aucun doctorant n’est associé directement au centre d’observation, plusieurs laboratoires et instituts de recherche y travaillent. Ces derniers accueillent des étudiants de tous les cycles. François-René estime donc que les salaires des professionnels de recherche et des employés de l’Observatoire sont importants, car ils permettent de soutenir le travail de recherche des étudiants. Même si la subvention n’est pas versée sous forme de bourse aux étudiants, l’argent investi à l’OMM a une influence directe sur le travail des doctorants. « Je ne suis pas payé pour y aller, mais il faut qu’il y ait quelqu’un pour faire fonctionner le tout », dit-il.

La proximité relative du centre de recherche avec les différentes universités partenaires permet également aux étudiants de se former à utiliser les outils d’observation qui serviront dans leurs recherches futures. « L’Observatoire du Mont-Mégantic, c’est le seul endroit au Canada et même l’un des rares dans le monde où l’on peut former encore des étudiants à faire cela, affirme M. Doyon. Ce n’est pas un hasard si parmi tous les scientifiques résidents travaillant sur des télescopes outremer avec lesquels nous avons un partenariat, la vaste majorité vient d’ici. »

Dans la cour des grands… télescopes

C’est le cas, entre autres, de l’étudiante au doctorat en astrophysique Anne Boucher. « J’ai été formée là-bas et j’y ai formé de nombreux autres étudiants à utiliser un télescope et d’autres outils de pointe », soutient-elle. Les étudiants au baccalauréat ou à la maîtrise sont invités à faire une série d’observations, communément appelée « queue », pour des chercheurs d’un peu partout désirant utiliser l’appareil de l’OMM. « C’est pratique parce qu’une fois arrivés sur de plus gros télescopes, on comprend déjà un peu ce qui se passe », ajoute Anne.

Son projet de recherche, développé dans le volet laboratoire, traite de l’analyse de l’atmosphère d’exoplanètes. Ces données sont générées grâce au spectropolarimètre infrarouge (SPIRou), un appareil créé à l’OMM destiné à l’Observatoire Canada-France-Hawaï. La proximité et l’accessibilité de l’Observatoire pour les chercheurs étudiants leur permettent de s’entraîner sur du matériel similaire à celui que l’on retrouve ailleurs dans le monde. « On peut tester les prototypes directement sur notre télescope », défend-elle. Cela n’est pas toujours possible dans les grands observatoires selon elle.

« On a tous entendu parler du système Trappist-1, la fameuse découverte des sept exoplanètes dont l’annonce a été faite en février dernier, mais ce que l’on sait moins, c’est que ce système a été trouvé avec un télescope de 60 centimètres », raconte René Doyon. Avec cette anecdote, il souligne l’importance de la survie des télescopes de moins de deux mètres, comme celui de l’OMM.

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