Les marchands du temple

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Par Camille Patry-Desjardins
mercredi 13 octobre 2010
Les marchands du temple
Crédit: Camille Patry-Desjardins
Crédit: Camille Patry-Desjardins

Soixante-treize ans après sa mort, le frère André et ses guérisons dites miraculeuses séduisent encore les foules. Homme à l’origine de l’oratoire Saint-Joseph, il sera le tout premier saint québécois de l’histoire. Arrêt sur un phénomène populaire qui fait vendre, jaser, et qui guérit toujours !

Le frère André tient la vedette à l’oratoire Saint- Joseph, à quelques jours de son accession au panthéon des saints. Veillées nocturnes, messes, retransmission en direct de la canonisation, visites guidées, expositions, rien n’a été oublié. À l’ombre de la basilique, le Pavillon Jean- XXIII, un complexe d’hébergement, accueillera les pèlerins et visiteurs qui souhaiteront être logés sur place. Aux deux boutiques (où l’on peut se procurer une effigie du frère André de toutes les tailles imaginables), 40 000 billets ont été écoulés pour la messe qui sera célébrée en son honneur au Stade olympique, le 30 octobre prochain.

Crédit: Camille Patry-Desjardins

 

On ne chôme pas à l’Oratoire. L’endroit attire plus de deux millions de visiteurs chaque année. Les guides touristiques voient défiler jour après jour un public composé d’étudiants, de touristes, de pèlerins, ou d’un peu tout ça à la fois. On y trouve de tout, pour tous. Parmi les chapelets, bibles pour enfants, icônes, crucifix et autres articles de piété, la fameuse huile de Saint-Joseph occupe une place de choix. En effet, celui que ses détracteurs surnommaient parfois « le petit frère graisseux » suggérait de s’en frictionner pour guérir les maux. Néanmoins, le frère André rappelait que le remède véritable était la foi, et non l’huile. Or, nombreux sont ceux qui, semble-t-il, espèrent donner un petit coup de pouce à leur foi : on y vend plus de 100000 bouteilles d’huile de Saint- Joseph annuellement.

D’autant plus que les témoignages de guérisons liées au frère André continuent d’affluer. Une des guides de l’Oratoire (qui a préféré de pas être identifiée) a ainsi recueilli le récit d’une dame qui s’était rendue sur le site, sachant sont mari malade. Elle a vu un homme qu’elle ne connaissait pas ; il s’est d’abord éloigné d’elle, puis est revenu sur ses pas. L’homme lui aurait alors dit de rentrer chez elle sans s’inquiéter, car son époux s’était remis. Et son mari était bel et bien guéri… D’ailleurs, on attribue officiellement au frère André 125 000 guérisons, qui ont eu lieu avant et après sa mort.

Petit frère, grands rêves

«Le frère André, je le connais par coeur ! », s’exclame cette même guide, qui visiblement en sait un rayon sur le thaumaturge du mont Royal. En collaboration avec le Centre étudiant Benoît-Lacroix (Cébl) de l’UdeM, elle travaille à l’organisation d’une conférence sur celui qui deviendra très bientôt saint Alfred Bessette, ou saint frère André, pour les intimes.

Le Cébl, communauté catholique située sur le campus, peut aussi compter sur soeur Trinh Ta, des soeurs de Sainte-Croix, qui anime un atelier alliant réflexion biblique et expression artistique. La canonisation prochaine du frère André représente, pour elle, la reconnaissance officielle des qualités de cette personne simple. « Il avait ses limites, mais ça ne l’a pas empêché de rêver grand », ditelle.

Au Cébl, cependant, on ne soulignera pas l’évènement de façon particulière. Même son de cloche du côté des soeurs de Sainte-Croix. «On va être avec le monde », dit simplement Trinh Ta, dont plusieurs consoeurs se joindront aux célébrations, à l’Oratoire ou au Stade. «C’est le peuple qui a demandé qu’il soit canonisé ; il ne nous appartient donc pas.»