Les « hautes » études

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Par Zacharie Routhier
vendredi 9 novembre 2018
Les « hautes » études
Alexandra espère que la légalisation du cannabis amènera des discussions plus ouverte sur le sujet. Crédit photo : Zacharie Routhier.
Alexandra espère que la légalisation du cannabis amènera des discussions plus ouverte sur le sujet. Crédit photo : Zacharie Routhier.
Le cannabis et les études font-ils bon ménage ? Entre créativité et désorganisation, les expériences sont mixtes, à l’image d’une substance pouvant provoquer des effets différents d’une personne à l’autre.

« Pendant qu’on consomme [du cannabis], il y a une désorganisation de la pensée, donc je ne pense pas que ce soit une bonne idée d’aller à ses cours ou d’étudier, avance le professeur à l’École de psychoéducation Jean-Sébastien Fallu. Il y a cependant également des évidences de pensées divergentes, de créativité, de think out of the box. » Il brosse donc un portrait complexe de la situation : certains étudiants peuvent y voir des bénéfices, d’autres non.

Des expériences différentes

L’étudiante au baccalauréat en philosophie et littérature Alexandra Mercier raconte être une consommatrice régulière de cannabis depuis quelques années. S’il est rare qu’elle associe études et cannabis, elle ne voit pas pour autant sa consommation comme un obstacle à son parcours universitaire. « Ça aide à ma concentration, mais je n’ai pas nécessairement envie de faire des devoirs quand je fume, dit-elle. J’ai envie de faire de la musique, j’ai envie de créer. […] J’écris beaucoup, je fais de la poésie. »

Sa démarche est encore expérimentale. « J’essaie de voir si ça me nuit ou non [dans un contexte d’étude] », soulève-t-elle. Pour ce faire, elle a notamment arrêté de consommer à son entrée à l’université, pour une période de dix jours, sans voir de réel changement. Plus récemment, elle a assisté sans difficulté à un cours sous l’influence du cannabis.

« Je suis bien avec moi-même par rapport au fait de fumer, mais par rapport aux autres, à l’acceptabilité sociale, je le suis beaucoup moins, confie-t-elle. Ça ne change pas la personne que je suis, et le fait que je suis à mon affaire. » Elle espère que la légalisation pourra changer les mentalités.

 

 

La personne étudiante au baccalauréat en droit Alex* croit, elle aussi, que la consommation de cannabis à des fins non récréatives a mauvaise presse. « Moi, ça me calme, parce que j’ai de la misère à me concentrer en classe, raconte Alex. Si quelqu’un parle au fond de la classe, ça me déconcentre, même si je suis en avant. »

Pour cette personne, le cannabis fait partie du train-train quotidien, peu importe les aléas de la journée. « Examen ou pas, je préfère garder la même routine, parce que si je vais dans mes cours en étant buzzé, je suis mieux d’aller à mes examens buzzé aussi, pour avoir plus de facilité à me rappeler ce que j’ai appris. »

Étudier le cerveau

Si les études sur le cannabis et le cerveau ont des limites, leur nombre suffit pour soutenir certaines hypothèses, estime le professeur Jean-Sébastien Fallu. « En même temps, le cannabis n’était pas contrôlé jusqu’à aujourd’hui, nuance-t-il. On peut retrouver sur le marché noir, et donc, dans les études antérieures, du cannabis avec des pesticides ayant des effets sur le cerveau. »

M. Fallu explique avec prudence que les jeunes qui consomment du cannabis de manière précoce, lourde et sur de longues périodes peuvent souffrir d’une moins bonne performance cognitive. « Chez les adultes, les effets potentiels comme l’apprentissage, la mémoire de travail, l’organisation et la planification de la pensée semblent être réversibles après une période d’arrêt, raconte-t-il. Ce n’est pas une neurotoxicité permanente. »

S’il est vrai que le cerveau est théoriquement en développement jusqu’à l’âge de 25 ans, le professeur préfère baser ses conclusions sur les études empiriques, c’est-à-dire qui s’appuient sur l’expérience et l’observation. Selon lui, c’est surtout avant 16 et 17 ans que la consommation de cannabis peut avoir des effets irréversibles sur la cognition.

* Nom fictif