Les festivals de films influencent-ils la critique cinématographique ?

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Par Frédéric Bouchard
lundi 2 novembre 2015
Les festivals de films influencent-ils la critique cinématographique ?
Avec Cannes en mai et Venise en septembre, le Festival international du film de Berlin, la Berlinale, qui se déroule en février, est l'un des trois principaux festivals de films internationaux. Crédit photo : Ethan Lindsey / Flickr
Avec Cannes en mai et Venise en septembre, le Festival international du film de Berlin, la Berlinale, qui se déroule en février, est l'un des trois principaux festivals de films internationaux. Crédit photo : Ethan Lindsey / Flickr
À Montréal comme ailleurs dans le monde, les festivals se multiplient. Londres, San Sebastian et Toronto viennent de clore leurs festivités, alors que Cannes et Berlin se préparent pour leur prochaine édition. Une telle prolifération permet une démocratisation du circuit festivalier vis-à-vis des cinéphiles. Quels en sont les effets sur la critique cinématographique? Que devient son rôle ?

Selon le critique du site consacré à la nouvelle cinématographique Indiewire Eric Kohn, le principal bienfait des festivals sur la cinéphilie et sur le journalisme serait la diversification. C’est-à-dire que l’attention mondiale que connaît un tel événement permet une multiplication des points de vue de la presse. Dans un podcast enregistré durant une conférence au Festival du Film de New York et animé avec sa collègue Anne Thompson, M. Kohn rappelle que la couverture médiatique d’un festival permet d’informer instantanément les cinéphiles, ce qui n’était pas le cas il y a quelques années.

À l’opposé de la vision de Kohn, celle du critique cinéma à la radio française France Inter Xavier Leherpeur illustre une aura médiatique diluée où l’intérêt pour les longs métrages s’est éparpillé  : « Si vous n’avez pas une vedette ou un tapis rouge un peu prestigieux, aucune rédaction ne vous demandera de faire le   », croit-il. Les journalistes et les critiques donneraient ainsi l’impression d’être davantage guidés par l’événement en tant que tel plutôt que par les œuvres cinématographiques présentées. Une photo prise sur le tapis rouge, une question hors contexte posée lors de la conférence de presse ou un entretien avec la vedette du film feraient ainsi vendre les papiers et engendrent plus de clics que l’analyse du film.

Privilégier l’œuvre ?

Le critique devrait-il s’attarder pour autant uniquement à l’œuvre ? La critique au journal français Le Monde Noémie Luciani nous prévient que l’isolement du journaliste n’est guère plus profitable. « L’un des dangers qui guette le critique en permanence, c’est le tête-à-tête avec le film. […] Le festival, c’est vraiment le moment où on établit et où on entretient la connexion avec le public qui est le premier destinataire du film. C’est une ouverture aussi parce que le public a toujours une réaction inattendue », écrit-elle.

Cette remarque nous ramènerait-elle à l’essentiel? À cette rencontre ultime entre le cinéma et le spectateur? Et si le rôle du critique dans les festivals n’était pas d’exhiber son statut et ses privilèges, mais bien de témoigner de cette relation, de cette rencontre entre différentes cinématographies et un public ?

Quoiqu’il en soit, la place et le rôle du critique sont désormais bousculés par l’accessibilité et l’instantanéité que procurent les réseaux sociaux. En interrogeant des amateurs de cinéma sur leur critique favori, M. Kohn a remarqué que les messages de cinéphiles sur Twitter ont parfois plus de succès que ceux des professionnels. Les cinéphiles s’improvisent en effet de plus en plus critiques de cinéma grâce aux médias sociaux.

Alors oui, la critique est influencée par la multiplication des festivals de films. Pour autant, la position du critique lui permet d’analyser une œuvre et d’en faire découvrir des dizaines d’autres; il serait dommage de s’en priver. Dans ce contexte en mouvement constant, il ne peut toutefois compter que sur cette mission spécifique — celle du professionnel en exercice — pour se distinguer des autres. Il doit repenser sa fonction, sa position et exploiter les nouvelles possibilités qu’offre le « terrain » du festival.