Les économies du savoir

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Par Gabriel.Laurier
mardi 7 décembre 2010
Les économies du savoir

Deux idéologies ont croisé le fer lors d’un débat sur la façon de gérer les droits de scolarité. L’économiste Clément Lemelin et le politicologue Éric Martin ont échangé leurs visions quant au futur de l’éducation au Québec le 1er décembre dernier, à l’UdeM. L’éducation, un bien collectif ou un investissement personnel ?

«La gratuité scolaire est une fausse gratuité, annonce l’économiste Clément Lemelin, chercheur au Centre interuniversitaire de recherche en analyse des organisations (CIRANO). Pourquoi l’ensemble de la population doit-il payer pour une minorité d’universitaires ?» D’après lui, l’enseignement supérieur n’est pas un bien collectif. Ses bénéficiaires doivent assumer les conséquences de leurs choix et payer pour les services rendus. Éric Martin, chercheur à l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS), voit dans cette option néolibérale une déformation de la nature même de l’université. «Si on l’accepte comme un des maillons de la chaîne de production, on évacue son objectif de former des citoyens éclairés», affirme le politologue. Selon M. Martin, ce modèle transforme les universités en unités de rendement économique, les détournant de leur but premier de former des esprits.

Selon Clément Lemelin, le problème exige des solutions en adéquation avec les réalités financières. L’expression « Pourquoi le concierge devrait-il payer pour les études du futur médecin ? » résumerait le besoin de partager avec équité le fardeau des droits de scolarité. Ceux qui n’utilisent pas le service n’ont pas à en assumer les frais. Les solutions

M. Lemelin suggère une augmentation de 50 à 100 % des droits, différenciée selon le domaine d’étude. Par exemple, un étudiant en médecine paiera plus qu’un étudiant en théologie. Il mise davantage sur l’aide financière aux étudiants et à la possibilité d’offrir des prêts non subventionnés ajustés à la réalité de la vie étudiante. Ces méthodes visent à alléger le gouvernement provincial du poids des dépenses en éducation postsecondaire, qui sont les plus élevées du pays.

Pour le camp gauche, la solution ne réside pas dans la recherche de nouvelles sources d’investissement : « Le fric nous sort par les oreilles, s’insurge M. Martin. Les universités québécoises ne sont pas sous financées, mais mal financées.»

Il s’explique en disant que les universités sont en pleine opération « grande séduction»: «Les institutions cherchent à former des gens capables de produire de la recherche à application pratique et commercialisable à court terme.» Les universités se reconvertissent en « gros laboratoires de recherche » au service des entreprises. L’argent et le temps investis dans de telles opérations grugent une partie du budget des recherches fondamentales qui sont plus longues et qui rapportent moins. Cette économie du savoir crée une course au financement.

Éric Martin invite la société à prendre le temps de réfléchir sur l’avenir universitaire québécois. Quant à la proposition de la FAÉCUM de prélever de 1 à 2 % du salaire annuel des diplômés jusqu’à leurs 65 ans pour financer l’éducation, M. Martin s’est montré inquiet. Il désigne l’impôt postuniversitaire comme un esclavage partiel. M. Lemelin n’a pas commenté l’idée de la FAÉCUM, mais dans la même veine, il propose «un système de prêts remboursables en proportion du revenu».